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Lur Berri s'explique

Éclaboussé par le scandale de la viande de cheval, Lur Berri, actionnaire majoritaire de Spanghero, assure être « de bonne foi ». Entretien avec le président, Sauveur Urrutiaguer, et le directeur général, Olivier Gémin.

L'affaire de la viande de cheval dans les plats cuisinés est devenue un scandale européen. En France, Spanghero est dans le collimateur des autorités. Très discrets sur le sujet jusqu'à  présent, les responsables de Lur Berri, l'actionnaire majoritaire, ont choisi de sortir de leur silence. Et d'exprimer leur souhait que « toute la lumière soit faite dans cette affaire ».
La répression des fraudes poursuit son enquête au sein de l'entreprise Spanghero. Où en est-on et envisagez-vous de prendre des sanctions ?
Sauveur Urrutiaguer » Nous n'avons strictement rien à  cacher. Nous voulons plus que quiconque faire toute la lumière dans cette affaire. C'est pourquoi nous collaborons parfaitement avec les services de l'État. De plus, nous avons diligenté une enquête interne en faisant appel à  un cabinet extérieur. Donc, nous attendons à  présent les résultats de ces différentes enquêtes pour tirer des conclusions.
Pourtant, des sources proches de l'enquête mettent Spanghero sur la sellette et évoquent des changements d'étiquettes
Olivier Gémin » Nous sommes de bonne foi ! Je confirme que nous avons commandé du boeuf congelé pour le revendre en l'état. Et les indications sur les emballages laissaient croire que c'était bien du boeuf. Donc aujourd'hui, on se demande si notre fournisseur, la société Draap, ne nous a pas trompés sur la marchandise.

S. U. » Nous sommes tombés de haut. Les salariés nous affirment que c'est du boeuf qui a été commandé. Suite à  cette affaire, nous avons réalisé des tests ADN. Nous avons découvert que certaines palettes reçues de notre fournisseur contenaient des mélanges de boeuf et de cheval. Il est clair que nous avons été grugés Nous aurions peut-être dû être plus vigilants, c'est passé entre les mailles de nos procédures de contrôle.
Quant aux étiquettes, il n'y a pas de rupture de traçabilité. À aucun moment. L'explication est simple : l'entreprise colle une nouvelle étiquette sur laquelle sont indiquées les mêmes références que celles qui figurent sur l'ancienne étiquette, et nous y ajoutons que ce lot est passé par notre centre frigorifique de Castelnaudary. Donc, on ne change pas l'étiquette. Aucun code, aucune référence n'est modifié.
On s'interroge sur le prix peu élevé de cette viande. Certains disent que cela aurait dû vous rendre soupçonneux sur cette marchandise ?
O. G. » Ceux qui disent cela méconnaissent le marché de la viande. Il faut savoir qu'il existe deux types de matières premières faites à  partir des avants de bovins : celle pour les steaks hachés, par exemple, qui contient 100 % de muscles ; et celle destinée aux produits de cuisson qui comporte du muscle et des matières moins nobles. Il y a évidemment une différence de prix significative entre les deux.
De plus, le marché européen est actuellement saturé. Du fait de la sécheresse de l'été dernier dans de nombreux pays, il y a beaucoup de viande sur le marché. Sans compter les opérateurs qui veulent écouler leur stock. Donc non, une viande pour les produits de cuisson à  2,70 euros le kilo n'est pas un tarif surprenant. C'est le marché.
La profession agricole est montée au créneau, reprochant à  l'industrie agroalimentaire d'importer de la viande à  bas coût au lieu de s'approvisionner auprès des producteurs français.
S. U. » Je m'en suis expliqué avec les responsables locaux et avec nos salariés. Pour notre part, 90 % de la viande que nous travaillons au sein de Spanghero sont d'origine française, dont 40 % issus de la région. Mais c'est un constat, nous sommes en manque de bêtes. Le marché français ne suffit pas à  couvrir nos besoins. Or, si nous voulons conserver nos parts de marché, nous sommes dans l'obligation de fournir nos clients. Et il ne faut pas perdre de vue également que nous exportons beaucoup de nos bovins à  l'étranger
Quel est l'avenir de Spanghero aujourd'hui ?
O. G. » La situation est grave. La suspension de tous les agréments nous a fortement nui. Après le choc, les salariés se sont remobilisés. Il faut saluer leur courage. Je peux vous assurer qu'ils nous ont témoigné leur confiance et qu'ils ont une réelle reconnaissance envers Lur Berri. Certains clients ont spontanément redémarré leur activité avec l'entreprise. Maintenant, nous devons regagner la confiance des clients que nous avons perdus.

S. U. » Nous avons décidé d'arrêter notre activité de négoce. Cette dernière ne représente que 2 % du chiffre d'affaires (activité d'achat et de revente en l'état, sans transformation). Elle servait simplement à  couvrir les charges de nos entrepôts frigorifiques qui se trouvent sur un site différent de l'usine. C'est trop de risques au final.
Pensez-vous que le ministre de l'agriculture a été trop vite en besogne en retirant tous les agréments de Spanghero ?
S. U. » On peut déjà  se féliciter d'avoir obtenu que nos agréments sanitaires pour les activités de production de viande hachée, de saucisserie et d'élaboration de plats cuisinés aient été rétablis. Il aurait été, je pense, plus logique de ne fermer que le centre de stockage. L'administration n'a pas bien ciblé le problème, donc oui, à  mon sens, elle a été trop vite.
Est-ce que cette affaire remet en cause votre stratégie ?
O. G. » Depuis 30 ans, Lur Berri s'inscrit dans une stratégie de valorisation des produits agricoles. C'est le leitmotiv qui nous guide. Nous sécurisons le débouché des agriculteurs sur le long terme. Aujourd'hui, les attentes des consommateurs ont changé. Ils sont de plus en plus à  la recherche de produits élaborés. Nous avons donc racheté Spanghero pour répondre à  une évolution de la demande et mieux valoriser l'ensemble des pièces bovins et porcins gràce à  cet outil de transformation.

S. U. » En 2009, Spanghero était en grande difficulté financière. Nous avons sauvé cet outil. On a recapitalisé, réorganisé, réinvesti dans du matériel, recentré la marque sur certains produits. Nous sommes parvenus à  redresser la barre pour arriver cette année à  l'équilibre. Cette affaire nous a mis à  mal, mais on essaiera de relancer l'activité pour sauver cette entreprise. Notre objectif stratégique n'est donc pas remis en cause.
Propos recueillis par Yannick Allongue
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