Le décret sur l’étiquetage en attente du feu vert de Bruxelles
Initié par le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, apparemment sans illusion et pour répondre à une demande pressante de la FNSEA, le décret sur l’indication de l’origine des viandes et du lait pourrait finalement avoir une validité durable.
En effet, le projet de décret sur l’étiquetage de l’origine des ingrédients dans les produits transformés n’imposerait l’obligation d’étiquetage qu’aux produits assemblés en France tandis que les produits fabriqués à l’étranger ne seront pas concernés.
«Une condition sine qua non pour ne pas constituer une entrave à la libre circulation», explique Véronique Le Meur-Baudry, avocate associée du cabinet Armand associés et spécialiste du droit européen. Selon elle, la Cour de Justice européenne a validé des cas de «discrimination à rebours» comme celui-ci.
Une expérimentation durable?
L’obligation d’étiquetage concernera les viandes (bovin, ovin, caprin, volailles) et le lait, lorsqu’ils sont utilisés en tant qu’ingrédients dans les «denrées alimentaires préemballées». Le ministre de l’Agriculture a précisé que «les produits légalement fabriqués ou commercialisés dans un autre État membre de l’Union européenne ou en Turquie» ne seront pas soumis aux dispositions du présent décret, ce qui rend les industriels furieux, assure Stéphane Le Foll.
Un arrêté fixera par ailleurs les pourcentages en poids des ingrédients au-dessous desquels l’étiquetage de ces denrées n’est pas obligatoire ; ils ne pourront être supérieurs à 50%. Aux arguments des députés évoquant un surcoût pour les consommateurs, le ministre explique avoir objecté: «Menons une expérimentation, on va voir si ça coûte plus cher!».
Le consommateur suivra-t-il?
Sur le plan économique, un tel décret pourrait être considéré comme une discrimination aux dépens des productions françaises puisque la règle d’approvisionnement ne s’appliquerait qu’à elles.
A contrario, pour le consommateur, la non-indication de l’origine devrait induire logiquement que la viande utilisée n’est pas française. On voit mal une entreprise étrangère utiliser de la viande française pour le marché français sans que cette origine soit mentionnée.
L’indication d’origine des viandes comprend les pays de naissance, d’engraissement et d’abattage (un seul pays, si les trois origines sont identiques). De même, pour les produits laitiers, il faudra indiquer les pays de collecte, de conditionnement et de transformation.
Des amendes à la clé
Ce texte a été notifié officiellement à la Commission européenne, le 15 février, qui doit en vérifier la conformité avec le droit européen. Si tel est le cas, le texte entrerait en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication. Des amendes sont prévues en cas de manquement aux règles (contravention de 3e classe).
Cependant, la France pourrait ironiquement se heurter à un obstacle juridique inattendu. La Commission européenne peut en effet demander à un pays membre de suspendre l’application d’une règle lorsqu’un projet similaire est en instruction au niveau européen. Or, il existe un projet d’étiquetage des origines des viandes similaire, ayant même été recommandé par le Parlement européen. Un projet largement dû à l’initiative de… la France.