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Les éleveurs de l'estive d'Yese déposent un recours contre le Parc national

Les bergers ont décidé de déposer un recours auprès de la commission d'indemnisation des dégàts d'ours du Parc national des Pyrénées pour contester le refus d'indemnisation, suite à  l'attaque sur l'estive de Yese.

Notre troupeau pue la mort ». Maylis Coustillas, jeune bergère d'Escout, vit un véritable traumatisme. Rappel des faits. Dans la nuit du 17 au 18 septembre, la bergère reçoit un premier coup de poignard en apprenant le dérochement d'une grande partie de son troupeau sur les hauteurs de l'estive de Yese, en vallée d'Aspe. Six autres éleveurs sont concernés par ce décrochage. Au total, on dénombre 58 ovins morts et 51 blessés. Un mois plus tard, le 18 octobre, la commission d'indemnisation des dégàts d'ours (CIDO) lui assène le coup de gràce en rejetant sa demande d'indemnisation : le dégàt ne peut être imputable à  l'ours. La colère passée, les sept éleveurs ont décidé de déposer un recours devant la CIDO. Dans un courrier, ils récusent les arguments « inattendus et incroyables » qui ont justifié le refus d'indemnisation. Tout d'abord, les agents du Parc n'ont pas trouvé d'indices corroborant la présence de l'ours. « Rien d'étonnant », lancent les bergers : les expertises ont été réalisées trois jours après le dérochement. Durant ce laps de temps, plus de 200 vautours ont festoyé sur le charnier, nettoyant la scène de crime, assurent les éleveurs. « Dans ces conditions, on peut comprendre que ce soit difficile de retrouver des indices d'ours ». Jean-Marc Prim : une décision « honteuse » D'autre part, « on nous dit que le dérochement a eu lieu à  4,5 km des dégàts reconnus ». Car pour bien comprendre cette affaire, il faut savoir que l'ours a attaqué des brebis dans la même zone les 16, 19 et 20 septembre (voir carte ci-contre). Quatre bêtes sont retrouvées mortes. Les trois attaques sont indemnisées par le Parc. « Est-ce que les spécialistes de l'ours voudraient dire par là  qu'un ours ne peut pas franchir 4,5 km en montagne en quelques heures ? » ironisent les éleveurs. Le président de la CIDO, René Rose, justifie de son côté la décision de rejeter ce dossier : « Nous avons eu un très bon rapport des agents du Parc qui nous ont montré sur un power point la carte du secteur ». Et de rajouter : « Aucun indice de la présence de l'ours n'a été trouvé sur la zone du dérochement. Par contre, on a relevé des traces de morsures de chien. Il est donc possible que ce soit un chien qui a précipité les brebis ». Un argument qui fait sourire Jean-Marc Prim, président de la section montagne de la FDSEA et membre de la CIDO. « Des traces de morsures de petits canidés. Chez moi, sur 250 brebis, la plupart ont les mêmes ! En plus, on ne sait pas si ces lésions ont été retrouvées sur des brebis mortes, vivantes ou blessées. Cette sortie est ridicule ». Présence de l'ours avérée Pour le responsable syndical, la décision de la commission est grave. « Aujourd'hui, j'ai honte pour ces bergers. Jamais, en 18 ans de présence à  la commission, j'ai vu les choses déraper comme ça. Le doute a toujours bénéficié à  l'éleveur ». Et le doute, pour Jean-Marc Prim, est incontestable : « La présence de l'ours sur ce site est avérée. Cette enfilade d'estives est connue pour être très exposées à  l'ours. Plusieurs attaques ont été signalées durant la période du dérochement. Il y a donc concomitance dans l'espace et dans le temps. En tout cas, moi je sais comment j'ai voté ». Jean-Marc Prim fustige également le procès fait au berger qui gardait les bêtes, certains lui reprochant d'avoir laissé ces brebis dormir dehors. « Nous n'avons pas à  devenir un tribunal pour juger les méthodes d'un berger. C'est un procès en sorcellerie. Dans les Hautes-Pyrénées, les brebis ne sont pas gardées. Pourtant cela ne choque personne, et les dégàts sont indemnisés ». Les soutiens aux éleveurs n'ont pas tardé à  pleuvoir suite à  la décision de la CIDO. L'Association des éleveurs transhumants des trois vallées a écrit à  René Rose, lui indiquant qu'elle « ne comprend pas les raisons qui ont pu conduire à  prendre une telle décision [] Il n'est écrit nulle part que les troupeaux doivent être gardés pour pouvoir faire l'objet d'une indemnisation en cas de dégàt ». Comme la FDSEA la semaine dernière, l'association demande que « ce dossier soit réexaminé rapidement ». Une décision «politique» ? Elle pose une aussi question, jetant un pavé dans la mare : « Est-ce parce qu'il s'agit d'un gros dégàt, financièrement et médiatiquement très lourd, que vous refusez d'indemniser les éleveurs ? » L'indemnisation dépasserait en effet les 15.000 euros. Or, les indemnisations versées cette année par le Parc pour des attaques d'ours sur les ovins en Béarn s'élèvent à  5.528,13 €. Elles sont de 8.173,18 € en Hautes-Pyrénées. Selon une source proche de ce dossier, « la décision de la CIDO est politique. En indemnisant ce dossier, les bons chiffres des dégàts, défendus par les associations écologistes, seraient mis à  mal ». Cette affaire a aussi été évoquée lors de la commission montagne de la chambre d'agriculture. Commission à  laquelle les représentants du Parc étaient absents Les JA ont demandé à  rencontrer le président et le directeur du Parc « pour leur exprimer notre mécontentement ». Pour André Coig, leur président, « on se fiche de nous. Les JA soutiendront les sept éleveurs. S'il le faut, nous irons très loin dans notre démarche ». Condamnée au RSA Aujourd'hui, Maylis Coustillas et son compagnon Thomas Loustau tentent de reconstruire leur vie. « Je devais investir dans une bergerie pour faire de la transformation et de l'insémination, explique Maylis. Maintenant, mes meilleures brebis sont mortes. Je vais devoir demander le RSA pour pouvoir payer les factures car je ne peux plus vivre de mon métier ». Sans compter la lourde perte financière. Sans compter les frais vétérinaires pour les bêtes blessées, les hernies, les avortements, les entorses, les fractures « Pour le moment, je ne peux pas estimer ces pertes, avoue la bergère. Je ne veux pas. Je n'en ai pas envie. Pas envie car je vais déprimer ». Et de lancer dans un soupir : « Je ne suis pas une anti-ours, mais je pourrais le devenir ». Pour autant, le jeune couple ne se laisse pas abattre. Il espère que le recours déposé portera ses fruits. Du moins, il attend une réponse claire. « On veut savoir, souffle Thomas Loustau. Si c'est un chien errant, et on n'y croit pas trop car on est quand même à  2 500 mètres d'altitude, alors qu'on nous le dise. Contrairement à  ce que certains membres de la commission sous-entendent, nous sommes assurés. Mais pour que l'assurance marche, il nous faut une cause et un coupable ». Ensuite, viendra l'heure de la reconstruction. Et la tàche s'annonce ardue. « Mes bêtes ne me reconnaissent plus, se désole Maylis. Tous les jours je suis avec elles pour qu'elles se réhabituent à  moi. Je repars presque de zéro ». Yannick Allongue « C'est dramatique »
Évoquée lors du dernier conseil de gestion patrimonial de l'IPHB, cette affaire laisse perplexe son président Jean Lassalle. « Je ne veux pas tomber dans la polémique. Les agents du Parc font bien leur travail. Cependant, un troupeau ne se jette pas dans le vide sans raison majeure. Et il ne peut pas y avoir de doute sur la proximité d'un ours dans les environs ». Conscient de « la situation dramatique de ces jeunes éleveurs », le président de l'IPHB attend avec impatience les détails du rapport des agents du Parc. « Dès que j'en aurai pris connaissance, j'en parlerai à  René Rose et au directeur du Parc national. On ne peut pas en rester là . Sinon, c'est condamner leur jeune élevage à  mort »
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