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Le caviar de l’Adour, une perle de la gastronomie française

À Riscle, sur les bords de l’Adour, depuis le début des années quatre-vingt-dix, on élève des esturgeons pour produire le caviar de la prestigieuse marque Prunier. Et le site de production gersois est en pleine évolution. En 2015, il produisait 1,2 tonne de caviar. Cette année, la production dépassera les trois tonnes.

file-Comme les civelles et les saumons, les esturgeons frayent dans les eaux de l’Adour depuis la nuit des temps.
Comme les civelles et les saumons, les esturgeons frayent dans les eaux de l’Adour depuis la nuit des temps.

Un museau pointu équipé de barbillons tactiles, une curieuse bouche ventrale proéminente qui aspire le fond, aucune écaille sur le corps, une nageoire caudale asymétrique qui le fait ressembler à un requin blanc, l’esturgeon, poisson millionnaire en années existait déjà à l’apparition des premiers dinosaures!

Présent en France dans de nombreux fleuves côtiers, il est pêché uniquement pour sa chair jusque dans les années 1920. L’histoire raconte qu’une princesse russe en villégiature en Gironde, offusquée de voir qu’on se débarrassait des œufs, expliqua que dans son pays les pêcheurs d’esturgeons devenaient riches en les vendant à très bon prix.

Dans les Landes, où le sturio — un esturgeon européen sauvage et migrateur, remonte l’Adour pour pondre — les riverains du fleuve entendent le message. Vers 1926, ils se mettent à commercialiser ces pépites qui font le fameux caviar. Partout, ces poissons aux œufs d’or attirent les convoitises au point, qu’inconsidérément traquée, l’espèce disparaît peu à peu. En 1982, un arrêté ministériel de 1982 en interdit sa pêche.

De la surpêche à l'élevage

En 1990, le Cemagref (Centre du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts) de Bordeaux parvient à élever et à faire reproduire des esturgeons d’origine sibérienne, l’Acipenser baerii, une espèce strictement d’eau douce parmi les 25 membres de la famille esturgeon. Cette initiative 100% française ouvre la voie de l’élevage pour la production de caviar d’aquaculture.

À Riscle, Pierre Tachon, aquaculteur sur les bords de l’Adour, produit ses premiers esturgeons en 1998. Pour transformer et vendre sa production de caviar, il se rapproche de la maison Prunier Manufacture dirigée par Laurent Sabeau à Montpon-Ménestérol en Dordogne. Par la suite, il lui cédera son élevage Esturgeons de l’Adour (EDA) où il continuera d’occuper le poste de directeur jusqu’au printemps 2016.

À Riscle, sur un terrain de trois hectares s’aligne une quarantaine de bassins alimentés par le canal du Tarsaguet relié à l’Adour. «L’espace est divisé en deux zones: l’écloserie où naissent les alevins qui alimentent les deux sites et, sur une superficie de 10.600 m2, la zone d’élevage segmentée en une quarantaine de bassins occupés par 261.000 esturgeons d’âge échelonné» précise Virginie en charge de la partie administrative. Le travail est artisanal, chaque cycle est délicat et minutieux et, de la naissance du poisson au caviar, il faut compter sept à huit années, «ce qui explique, entre autres, le prix du produit» argumente la gestionnaire.

Différentes espèces

Dans les bassins d’EDA, on élève deux espèces d’esturgeons qui produisent un caviar aux spécificités différentes. Il y a l’Acipenser baerii, un esturgeon sibérien qu’on retrouve dans les six autres élevages d’esturgeon du Sud-Ouest (Gironde, Dordogne, Landes Charentes). Depuis 2013, l’Acipenser gueldenstaedti, une espèce de la Mer Caspienne plus délicate encore qui produit l’osciètre, un caviar très apprécié pour les nuances de ses saveurs a fait son apparition dans les bassins gersois.

En poste depuis un an à Riscle, Jonathan qui a fait son BTS en alternance sur la pisciculture de Montpon et le lycée aquacole de Guérande en Loire-Atlantique trouve beaucoup d’intérêt dans la variété du travail. «De la reproduction jusqu’à ce que les femelles soient matures pour avoir des œufs en passant par l’alevinage, on accompagne toutes les étapes du cycle d’un poisson très résistant. Mais il faut le manipuler avec beaucoup de précaution car, comme le requin, c’est un cartilagineux et on peut facilement casser sa colonne vertébrale. C’est pourquoi on utilise très peu l’épuisette mais essentiellement les mains en descendant dans les bassins».

Né en février, l’alevin de cinq grammes et cinq millimètres pèsera 700 grammes de poids moyen en fin de première année. À trois ans, il est à deux kilos et en fin de cycle à six à sept kilos pour un mètre en moyenne. Au terme de la troisième année d’élevage, les mâles et les femelles sont séparés. Comme rien ne permet de les distinguer, on a recours à l’échographie pour ces opérations de sexage.

Lente maturation

Pour la production de caviar, on privilégie, bien entendu, les femelles et les mâles sont dirigés vers le laboratoire de transformation de Montpon où leur chair sera commercialisée sous forme de filets et pavés. Les femelles vont poursuivre leur croissance dans les eaux de l’Adour quatre années supplémentaires pour que les œufs soient matures. «La qualité du caviar correspond à un stade précis et durant cette phase de maturation, on refait des échographies. À Riscle, on en fait 80.000 par an» précise André Sabeau.

Les poissons jugés à point sont transportés à Montpon où ils sont plongés dans des bassins spéciaux. «Durant cette phase d’affinage de trois semaines environ en eau très claire, ils ne sont plus nourris. On fait ensuite une biopsie pour récupérer des œufs et vérifier qu’ils répondent à nos critères de qualité avant l’abattage».

À sept à huit ans, la récolte des deux gonades d’œufs représente 10% à 12% du poids de l’esturgeon. L’élaboration du caviar est alors réalisée selon un savoir-faire traditionnel. Les grains sont délicatement tamisés à la main, lavés plusieurs fois, pesés, mélangés à du sel, puis légèrement séchés. L’étape du salage est la plus importante avant la mise en boîte qui lance l’affinage pendant lequel le caviar va lentement évoluer.

Gilbert Delahaye

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