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Le grand retour gastronomique du petit-lait

Ricotta en Italie, broccio en Corse, grueil (ou grueilh) en Béarn, breuil au Pays basque… Les fromages à base de petit-lait, autrefois cantonnés à l’alimentation des bergers ou des animaux de la basse-cour, ont, de nouveau, les faveurs des gastronomes. Malgré la difficulté de leur conservation, leurs qualités nutritionnelles en font un aliment “santé” de premier choix.

file-Le greuil, salé ou pas, se distingue des autres fromages de lactosérum, car il est sans rajout de lait frais ou de crème.
Le greuil, salé ou pas, se distingue des autres fromages de lactosérum, car il est sans rajout de lait frais ou de crème.

Dans les anciens temps, les fromages sériques, à base de petit-lait, difficiles à conserver, étaient principalement destinés à l’alimentation des bergers, des chevriers, des alpagistes et de leurs familles. Certains de ces produits, ont eu une plus large renommée, comme les ricottas dont on raconte que Saint François d’Assise aurait participé à leur reconnaissance. Les saveurs particulières de ces fabrications n’ont été redécouvertes qu’assez récemment par un plus large public et, désormais, la gastronomie contemporaine propose de nombreuses déclinaisons à partir des fabrications traditionnelles.

En France, le produit le plus connu est le brocciu corse qui bénéficie d’une AOC depuis 1998. Il est fabriqué avec du petit-lait de brebis et ou de chèvre généralement salé, auquel on ajoute un peu de lait frais (15%). Après chauffage, l’agrégat de protéines est récupéré et mis à égoutter dans des moules filtrant. Il peut être consommé frais ou affiné et conservé plusieurs mois (brocciu passu).

À chaque région, sa spécialité

Dans le bassin de Roquefort, la recuite ou recuocha était une préparation à base de petit-lait de brebis, issu en particulier de la fabrication du pérail, mais aussi du Roquefort. Les laiteries de l’Aveyron, encore nombreuses il y a quelques décennies, restituaient aux producteurs, après la fabrication du Roquefort, une partie du petit-lait, le gaspa. Ce dernier servait à la fois à nourrir les cochons et à fabriquer la recuocha. Quarante litres de petit-lait permettaient de produire jusqu’à 2kg de recuite qui servait à élaborer un dessert typique de l’Aveyron, la flaune.

En Provence, c’est la brousse qui était travaillée à partir de lait de vache ou de chèvre. Le terme de brousse prend généralement le sens de fromage fabriqué à partir de lait frais ou de petit-lait, ou d’un mélange des deux. Le caillage est provoqué par la chaleur (80°C) et l’adjonction de vinaigre. Seule la Brousse du Rove, à base exclusive de lait de chèvre bénéficie d’une appellation contrôlée.

En Suisse, les fromages de vache à base de lactosérum sont appelés sérac (comme dans le Jura) ou séré. Il était traditionnellement considéré comme un fromage de pauvre, un aliment de base des alpagistes. Le caillage est provoqué en rajoutant du vinaigre ou de l’acide lactique après avoir chauffé le petit-lait à 90°C. Il faut environ 40 litres de lait pour produire un kilogramme de sérac.

Mais ce sont les ricottas qui restent les produits à base de petit-lait les plus connus et réputés. D’ailleurs, cette dénomination est tombée dans le domaine public, et on trouve à travers le monde des ricottas n’ayant que peu à voir avec le fromage traditionnel italien. Deux ricottas bénéficient d’une AOP.

Les pays de la Méditerranée orientale possèdent tous un ou plusieurs fromages à base de petit-lait: anari à Chypre, myzithra et anthotyros en Grèce, lor en Turquie, urda en Roumanie, Requeson en Espagne. La plupart de ces fabrications traditionnelles étaient à base de lait de brebis et de chèvres, dominantes dans ces contrées. Les productions de fromages sériques étaient aussi développées en Europe du Nord (brunost en Norvège avec du lait de chèvre), mais aussi en Afrique du Nord, telle la rigouta en Afrique du Nord avec du lait de brebis sicilo-sardes.

Le greuil pyrénéen

Plus près de chez nous, le greuil ou greuilh tire son origine du terme béarnais grulh qui signifie petit grumeau. On retrouvait également le terme grulha en val d’Azun, et breuil au Pays basque. Comme les autres utilisations du petit-lait, le greuil était principalement consommé par les bergers en montagne.

Le greuil peut être salé ou pas, mais il se distingue des autres fromages de lactosérum, car il est sans rajout de lait frais ou de crème, et le caillage est toujours réalisé par le chauffage à 90°C, sans adjonction de vinaigre ou d’acide. Lorsqu’il atteint cette température, les lactoprotéines précipitent et remontent à la surface du chaudron. Il suffit alors de récupérer délicatement les grumeaux avec une écumoire, et de laisser ce greuil frais s’égoutter. Le rendement est de l’ordre de 1,2 à 1,5kg pour 20 litres de petit-lait. Il est généralement consommé frais, dans sa forme grumeleuse, ou mixé pour devenir plus onctueux.

Méconnu et parfois décrié pour sa durée de conservation, le greuil coche pourtant toutes les cases d’un aliment du «monde d’après»: valeur santé exceptionnelle, douceur et onctuosité, naturalité et tradition, produit local peu adapté à l’industrialisation et à la grande distribution. Fermier, artisanal ou d’estive, le greuil n’a pas fini de s’inviter à nos tables.

Jean-Marc Arranz

 

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