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Casser la spirale du mutisme qui entoure le suicide en agriculture

La Mutualité sociale agricole (MSA) mise sur un service d’écoute spécialisé et sur les cellules pluridisciplinaires de prévention pour briser la loi du silence qui entoure un sujet encore tabou.

file-La MSA estime qu’un agriculteur se suicide par jour. Rapporté au nombre d’assurés, ce chiffre montre la «surmortalité par suicide» des ressortissants du régime agricole par rapport aux autres catégories de population.
La MSA estime qu’un agriculteur se suicide par jour. Rapporté au nombre d’assurés, ce chiffre montre la «surmortalité par suicide» des ressortissants du régime agricole par rapport aux autres catégories de population.

Chaque année, la Mutualité sociale agricole (MSA) recense près d’un suicide d’agriculteur par jour. Véronique Maehgt-Lenormand est médecin national du travail pour la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole. Depuis 2014, elle porte le dossier du mal-être des agriculteurs qui les pousse, parfois, à l’irréparable.

Au cours de sa carrière, elle a été confrontée à de nombreuses situations, très compliquées. Elle sait que les premiers symptômes du mal-être se verbalisent par des phrases souvent anodines, mais en réalité pleines de sens. Quand les agriculteurs veulent bien s’exprimer, c’est souvent pour dire : «Je ne sais comment je vais m’en sortir» ; «C’est compliqué en ce moment» ; «A quoi ça sert de travailler autant» ; «Pourquoi se fatiguer autant ?».

En amont de ces signaux, d’autres, plus faibles, parviennent parfois aux proches de l’agriculteur (conjoint, enfants, amis, connaissances, conseillers agricoles, vétérinaire, techniciens agricoles…). «Le mal-être animal traduit bien souvent le mal-être de l’agriculteur et les vétérinaires sont à même de nous alerter», explique la médecin du travail. Dans ce monde de taiseux et plein de pudeur qui caractérise le milieu agricole, se dégage comme un sentiment de honte à ne pas vouloir admettre que ça ne va pas bien. «Il y a aussi de la fierté et la peur du qu’en-dira-t-on», ajoute Véronique Maehgt-Lenormand.

Sentiment de culpabilité

D’autres causes, tout aussi profondes, peuvent expliquer le passage à l’acte fatal : «Elles sont multiples et souvent imbriquées entre le personnel et le professionnel. Ce peut être une rupture (décès, séparation), le départ des enfants, des relations parfois conflictuelles entre le père et le fils», explique la médecin national du travail.

En effet, à l’image des industriels du XIXe siècle, les notions de patrimoine, de travail et de filiation restent très ancrées, aujourd’hui encore, dans le monde paysan. «Beaucoup d’agriculteurs qui, pour des raisons X ou Y, se sentent en situation d’échec, culpabilisent de ne pas avoir su faire fructifier la terre qui s’est transmise depuis des générations», explique Véronique Maehgt-Lenormand.

C’est pour briser ce silence et mettre des mots sur les maux que la MSA a mis en place, depuis 2011, un vaste plan national d’actions pour prévenir le mal-être et le suicide en agriculture. C’est d’ailleurs un plan unique, puisqu’aucune autre profession ne dispose d’un tel dispositif d’écoute. Le numéro d’appel Agri’Écoute permet de dialoguer anonymement avec des écoutants formés aux situations de souffrance et de détresse.

«Jusqu’en 2018, nous avons travaillé avec des bénévoles de SOS Amitié et SOS Suicide Phénix. Ensuite, les équipes ont été renforcées par des professionnels, des psychologues cliniciens», détaille Véronique Maeght. Les agriculteurs peuvent rappeler jusqu’à trois fois le même écoutant pour avoir un minimum de suivi. Selon les récentes statistiques de la MSA, Agri’Écoute a reçu 3.310 appels en 2019 et 1.135 au premier semestre 2020.

La cohésion de tous

Parallèlement, et pour un travail d’amont, la MSA a créé des cellules pluridisciplinaires de prévention (CPP) dont la mission est de «détecter les signes d’alerte le plus tôt possible». Les CPP au nombre d’une trentaine travaillent avec l’appui de psychologues en libéral afin de mieux prendre en compte la situation de l’agriculteur. Elles forment son personnel d’accueil mais aussi les agents proches des agriculteurs (centre de gestion, techniciens chambre…) à détecter les signaux faibles pour mettre en œuvre immédiatement un accompagnement adapté.

Les CPP ont accompagné, depuis 2012, date de leur mise en place, plus de 6.000 situations d’agriculteurs en fragilité. «La cohésion de tous et le réseau sont indispensables. S’occuper du mal-être tout seul est complètement utopique», conclut Véronique Maehgt-Lenormand.
Agri’Écoute, service dédié au monde agricole et rural accessible 24h/24 et 7J/7 (prix d’un appel local) : 09.69.39.29.19.

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