Le train de La Rhune, un centenaire au sommet de sa forme
Une exposition retraçant l’histoire de ce monument du Pays basque est présentée à Sare (64) jusqu’au 3 novembre. Des festivités sont également prévues en septembre pour célébrer cet anniversaire.
Une exposition retraçant l’histoire de ce monument du Pays basque est présentée à Sare (64) jusqu’au 3 novembre. Des festivités sont également prévues en septembre pour célébrer cet anniversaire.
Depuis le 30 juin 1924, le train de la Rhune relie le col de Saint-Ignace au sommet de la plus haute montagne de la côte basque, qui culmine à 905 mètres d’altitude. Outre sa longévité et son caractère unique, celui qui a un temps été appelé le petit train, est partie intégrante du patrimoine historique national, basque, mais aussi de la vie de familles saratares (N.D.L.R. : habitants de Sare).
Pour fêter le centenaire de la seule ligne d’époque de ce type encore en exploitation commerciale dans le monde, une exposition installée à Sare et intitulée “1924-2024 : le train de la Rhune, un siècle d’ascension” en retrace l’aventure du 30 juin au 3 novembre. Elle sera complétée par des festivités qui auront lieu en septembre.
L’appel à la population lancé par le conseil départemental des Pyrénées-Atlantiques fin janvier a permis de réunir des images d’archives, vidéos et autres documents, mis en scène sur les quais de la gare : des panneaux présentent des images d’archives commentées et des vidéos sont diffusées dans une locomotive stationnée sur le quai. Le dispositif est complété par un audioguide dédié à l’histoire du train et au massif de La Rhune.
Un siècle d’histoire
L’idée d’un train permettant l’ascension de La Rhune naît en 1909. Les travaux seront interrompus par la Première Guerre mondiale, pour reprendre en 1919. La voie est achevée en avril 1924 jusqu’au plateau des Trois Fontaines, puis inaugurée le 30 juin 1924. Sa fréquentation ira crescendo jusqu’à la crise de 1930, puis son usage se verra confisqué par l’armée allemande après qu’elle se soit emparée du sommet et de son unique hôtel.
La fin de la Seconde Guerre mondiale verra le retour des utilisateurs du train, notamment grâce à la création d’une ligne de tramway reliant Saint-Jean-de-Luz au Col de Saint-Ignace et à l’intérêt des aristocrates de la côte pour ce nouveau loisir. Si ce tramway électrique a disparu, une voie verte relie de nouveau, depuis peu, Chantaco à Saint-Jean-de-Luz et à la gare de Sare.
Aujourd’hui, de 300 000 à 320 000 personnes empruntent chaque année le train, pour profiter de la vue exceptionnelle offerte par le sommet de La Rhune, avec une affluence record en juillet et août, ce qui constitue une des activités touristiques principales du Pays basque.
Un patrimoine exceptionnel
Hormis une voie ferrée qui montrait des signes d’usure et a donc été entièrement renouvelée en 2023 pour un budget de 25,5 millions d’euros, le train à crémaillère lui-même a traversé le siècle sans modification majeure. D’une conception novatrice pour l’époque, ce train utilise environ 30% de l’électricité produite par la descente d’un train pour alimenter le train en cours d’ascension. L’utilisation d’un rail denté permet au convoi de gravir des pentes raides, jusqu’à 26 %, pour accéder au sommet.
«Les trains en eux-mêmes sont identiques à ceux du siècle dernier», assure Quentin Guijarro, responsable technique de la maintenance. Et son arrivée dans l’équipe du train de La Rhune, alors qu’il était apprenti en mécanique, résonne comme un clin d’œil à l’histoire de sa famille. En effet, son grand-père, Émile, a travaillé toute sa vie en qualité de chef d’atelier. Son oncle comme chef mécano, son père y faisant quelques saisons avant de quitter la région. «J’ai été formé par ceux qui avaient appris avec mon grand-père et de mon oncle.»
Quentin Guijarro confie sa fierté de travailler depuis 10 ans sur un train historique, de collection, et d’exercer un métier de passion, «qui s’apprend surtout par la transmission des anciens. C’est un métier en or, dans un cadre en or» ajoute ce passionné de montagne et de nature.
Incroyable mécanique
Outre l’entretien annuel réalisé par une quinzaine de salariés sur site toute l’année, dont une équipe de peintres dédiée à l’entretien des boiseries d’époque, une révision générale a lieu tous les 10 ans, assurée par l’entreprise Garland. C’est également cette entreprise, située à Bayonne, qui fabrique les pièces de remplacement, et ce depuis la mise en service du train. Les pièces détachées n’existant plus, la maintenance se fait donc avec les savoir-faire, les outils forgés et transmis par les anciens. Tout est fabriqué sur mesure.
Le 30 juin dernier, en ce jour spécial de centenaire, le maître d’apprentissage de Quentin Guijarro lui a réservé une surprise : il a pu se mettre aux commandes du train, décoré pour l’occasion de fleurs formant le nombre 100. Un cadeau en souvenir de son grand-père qui avait lui-même conduit en 1974 une locomotive arborant le nombre 50 en fleurs. D’ailleurs, la vidéo immortalisant ce moment, issue des archives de la famille, est présentée dans le cadre de l’exposition. On y voit même la grand-mère de Quentin et son père enfant.
Qu’on se le dise, un train moderne enlèverait sa « saveur » à La Rhune, note Quentin Guijarro, dont un des combats est la défense de ce patrimoine : «Le train a fait ses preuves et il peut rouler 100 ans de plus.»
Cécile Nati Rignault