La loi qui protéger le mode de vie des campagnes est définitivement adoptée
Chant du coq, odeur du fumier, carillonnement des cloches… Le Parlement a définitivement adopté la loi protégeant le «patrimoine sensoriel des campagnes». Un texte qui vise à aider les maires ruraux et la justice dans l’arbitrage de conflits de voisinage.
Le coq pourra chanter. L’agriculteur pourra épandre son lisier. La cloche du village pourra carillonner. Le Sénat a adopté en première lecture, le 21 janvier dernier, la proposition de loi visant à définir et à protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises. La Chambre haute a voté le texte dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale il y a pratiquement un an, le 30 janvier 2020. Il est donc définitivement adopté par le Parlement.
Ce texte est bien accueilli par le monde agricole. «Je salue l’adoption de cette loi, mais je ressens une petite amertume, note Bernard Layre, premier vice-président de la FNSEA Nouvelle-Aquitaine et maire de Caubios-Loos (64). C’est tout de même dramatique de devoir arriver à une loi pour faire reconnaître nos pratiques et notre patrimoine».
Conflits et procès
Déposée par le député de la Lozère, Pierre Morel-À-L’Huissier, cette loi doit accompagner les élus locaux dans leurs démarches de médiation et pour désamorcer en amont les contentieux de voisinage. «Ce texte vise deux objectifs, explique le député. Reconnaître la valeur intrinsèque de notre patrimoine rural et de son authenticité, en protégeant un mode de vie, et lutter contre les contentieux de voisinage portés par les personnes qui s’installent à la campagne sans en accepter les caractéristiques intrinsèques.»
La future loi inscrit, dans le Code de l’environnement, que les sons et odeurs des espaces naturels font partie du patrimoine commun de la Nation. Elle charge les services régionaux de l’inventaire général du patrimoine culturel «d’étudier et qualifier l’identité culturelle des territoires» en prenant en compte ce patrimoine sensoriel. Dans les espaces ruraux, précise le texte, les inventaires réalisés permettront de «connaître et faire connaître» le patrimoine territorial et ses liens avec «le paysage, […] les activités, pratiques et savoir-faire agricoles associés.»
Enfin, le gouvernement devra examiner la possibilité d’introduire, dans le Code civil, la notion de «responsabilité» de trouble anormal de voisinage. L’exécutif devra remettre un rapport au Parlement à ce sujet dans les six mois après promulgation de la loi.
Des néoruraux idéalistes
De nombreux procès autour des litiges liés aux nuisances sonores ou olfactives de la campagne ont défrayé la chronique ces dernières années. Citons par exemple un coq condamné en justice pour son chant trop matinal (Maurice en Charente-Maritime, mais aussi un autre dans l’Oise), ou encore une propriétaire de canards qui a comparu au tribunal de Dax (Landes) pour nuisances sonores, des grenouilles menacées de disparition par des voisins belliqueux (en Gironde), des cigales dans le viseur de vacanciers munis d’insecticide (dans le Var et le Gard).
Ces litiges, le plus souvent, opposent des néo-ruraux venus s’installer à la campagne à des agriculteurs ou des élus, interpellés sur l’odeur du lisier ou le carillon de l’église. Et le nombre de plaintes pourrait augmenter dans les prochains mois compte tenu du nouveau mouvement vers la campagne observé chez les urbains pendant les confinements imposés par la crise sanitaire.
«Nous vivons dans une société de plus en plus individualiste et égoïste, analyse Bernard Layre. Beaucoup de personnes ont du mal à s’intégrer avec l’existant. De plus, ces néo-ruraux se font souvent une image idéalisée de la campagne. Mais la réalité est différente de l’imaginaire. L’important, quand il y a un problème, c’est le dialogue et l’ouverture».
Y. A.