Gel : le gouvernement esquisse les premiers contours d’un soutien exceptionnel
Après l’épisode de gel qui a ravagé du 5 au 8 avril vergers, vignes, arbres fruitiers mais aussi grandes cultures comme le colza et les betteraves, Julien Denormandie a réuni, ce lundi 12 avril, en visioconférence l’ensemble des acteurs afin de coordonner les réponses à cette crise.
Établir un premier bilan ; mettre en place les dispositifs de gestion de crise, c’est-à-dire les dispositifs calamités, des exonérations de charges sociales et fiscales ; mettre en place un dispositif d’aide exceptionnel avec la définition de modalités sur le court et le long terme. Enfin, assurer la collégialité de tous les acteurs… Tels étaient les objectifs de la réunion qui a rassemblé hier pendant un peu plus de deux heures, par visioconférence, les représentants des filières viticoles, céréalières (AGPB, FOP notamment), fruitières (FNPFruits) ainsi que des représentants des différents cabinets ministériels (Matignon, Bercy, Travail), la MSA et les chambres d’agriculture.
Pool de coassurance
Toutes les filières ont demandé l’activation de mesures d’urgence comme l’exonération de la taxe sur le foncier non bâti, le déplafonnement des aides de minimis, l’activation du Fonds d’allègement des charges (FAC) ou encore le déplafonnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).
Particulièrement touchées, les filières arboricoles et viticoles ont demandé le report des cotisations sociales, des mesures de chômage partiel et la création d’un prêt garanti d’État (PGE) agricole — ou l’assouplissement du dispositif PGE créé durant l’épidémie de Covid-19.
Dans le cadre du régime des calamités agricoles, et au-delà du déplafonnement promis par Jean Castex, l’arboriculture réclame «une tranche supplémentaire d’indemnisation comme ça a été le cas en 2012». Elle demande également le report des prêts bancaires, notamment pour les jeunes agriculteurs, et un soutien psychologique aux producteurs affectés.
Les organismes professionnels mobilisés
À plus long terme, certaines filières ont émis le souhait de travailler à un système assurantiel, de développer des moyens de protection aujourd’hui insuffisants par le manque d’eau (solution de stockage) et d’activer la recherche pour obtenir des variétés résistantes au gel.
De son côté l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture s’est engagée à mettre en place une cellule de crise par département, notamment pour identifier les cas de détresse, et donner un premier niveau de conseils.
Si les assureurs ont constaté que le nombre d’exploitations et d’hectares couverts était encore faible — 117.000 ha sur 555.000 —, elles ont certifié que «les engagements seront maintenus» et souhaiteraient la mise en place d’un pool de coassurance pour la gestion des calamités nationales.
Des aides dès le début de l’été
Intervenant sur le plateau d’Audition Publique (LCP-Public Sénat-Le Figaro) également ce lundi 12 avril, Julien Denormandie a précisé les contours des «enveloppes exceptionnelles» promises la veille par le Premier ministre. Parmi les mesures envisagées : un recours facilité au chômage partiel, des allègements de charges patronales mais aussi, «vu l’ampleur des dégâts», la création d’un «fonds exceptionnel qui vienne compenser les pertes de revenu», a détaillé M. Denormandie. Il sera notamment accessible aux viticulteurs.
Selon la présidente de la FNSEA, «le ministre s’est fixé pour objectif que les premiers financements arrivent mi-juin/début juillet pour les arboriculteurs et producteurs de petits fruits», a rapporté Christiane Lambert, à l’issue de la réunion.
Le ministre qui a demandé une «attention particulière aux jeunes agriculteurs» a donné rendez-vous aux mêmes acteurs pour une prochaine réunion dans la semaine du 19 au 23 avril.
Premières évaluations
Jérôme Despey, président du conseil spécialisé Viticulture de FranceAgriMer, a indiqué que 90% du territoire était touché. Certaines zones le sont à 100% quand d’autres, à l’image des deux départements charentais et de l’Alsace ont subi un moindre impact du gel. À ce jour, il s’attend au minimum à un tiers de perte de production, soit l’équivalent de 20 millions d’hectolitres et un manque à gagner de «plusieurs milliards d’euros».
Concernant l’arboriculture, 100% des productions ont été touchées avec des pertes pouvant aller «jusqu’à 100% sur certains vergers», a détaillé Françoise Roch, présidente de la Fédération nationale des producteurs de fruits (FNPF). En maraîchage, l’impact semble avoir été variable selon les régions et l’évaluation des dégâts est en cours.
Il en est de même sur les grandes cultures. Une partie du colza a souffert et des dégâts sont à craindre sur certaines céréales d’hiver. Ce serait entre 25.000 à 50.000 ha de betteraves qui auraient gelé. S’il est encore temps de resemer, le coût avoinerait environ 700 euros/ha soit entre 17 millions et 35 millions d’euros pour les agriculteurs victimes du gel, a estimé la CGB.