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Le pacte de paix des bergers pyrénéens

Borne frontière 262 au sommet du col de la Pierre-Saint-Martin, dans les Pyrénées-Atlantiques. Le 13 juillet dernier, les élus de la vallée de Barétous, en Haut-Béarn, et ceux de la vallée de Roncal, en Navarre, scellaient sur la pierre le plus vieux traité d'Europe encore en vigueur : la Junte de Roncal, appelée également « tribut des trois vaches ». Ce traité permet aux bergers français de passer la frontière avec leurs troupeaux pour gagner les estives et les sources espagnoles.
Sous un soleil radieux, les montagnes baignées d'une splendide mer de nuages, plus de 2000 personnes ont assisté au renouvellement de ce pacte ancestral, empreint d'histoire et de folklore. Vêtus de leurs habits traditionnels, les maires des villages de Barétous et ceux de Roncal perpétuent les gestes et les paroles de leurs prédécesseurs.
Un rituel ancestral La cérémonie est ouverte et conduite par le maire espagnol d'Isaba, Angel Luis de Miguel Barace. Ce dernier demande par trois fois aux élus français : « àŠtes-vous disposés à  payer le tribut des trois vaches comme les années antérieures ? » Après l'accord donné par les Français, les maires des deux vallées se livrent au cérémonial phare de cette junte. Penchés sur la borne frontière, les mains enserrées sur la pierre, ils crient trois fois, dans un élan de fraternité, une phrase devenue mythique dans ce coin des Pyrénées : « Pax avant ». Comprenez la paix dorénavant.
Dans un second temps, le maître de cérémonie s'adresse aux bergers barétounais, gardiens des troupeaux. « Jurez-vous au nom de Dieu de remplir votre charge fidèlement ? », interroge-t-il, encore trois fois. Les éleveurs, tenant un bàton de berger, répondent trois fois par l'affirmative. « Si vous le faites ainsi, Dieu vous récompensera et sinon il l'exigera », conclut le maire d'Isaba. Puis, après lecture de l'acte, chaque élu appose sa signature sur le traité.
Ces formalités administratives remplies, arrive le second temps fort de cette junte : le paiement du tribut. Un troupeau de Blonde d'Aquitaine se dessine sur la crête. Il fend la foule pour rejoindre un parc de contention qui jouxte la borne 262. Les Espagnols choisissent alors trois bêtes, « àgées de deux ans et sans défauts », comme le veut la tradition. L'accord est ainsi scellé entre Barétounais et Roncalais. La paix est sauvegardée dans les montagnes pyrénéennes. Et ce ne fut pas tout le temps le cas
En effet, la junte de Roncal a mis fin au XIVe siècle à  une guerre fratricide entre bergers béarnais et navarrais. La légende raconte que cette lutte a commencé entre le Roncalais Pedro Carrica d'Isaba et le Barétounais Pierre Sansoler. Les deux hommes se retrouvent près d'une source, trésor rare dans cette partie du massif pyrénéen. Sansoler arrive le premier à  la source, mais c'est Carrica qui a la priorité. Et pour cause : la fontaine se situe en territoire espagnol.
La paix achetée Une terrible dispute éclate entre les deux bergers, qui se termine tragiquement par la mort du Barétounais Sansoler. S'en suit alors une série de vengeances, plus sanglantes les unes que les autres, digne des plus grandes vendettas de l'histoire. Pour tenter de mettre fin aux atrocités, et voyant que le conflit prenait de l'ampleur, une rencontre est organisée à  Anso, en Espagne, par les représentants de Carlos II de Navarre et de Gaston de Béarn, souverains des deux pays.
Malgré cette initiative, la guerre entre les deux clans continue et atteint son apogée à  la bataille d'Aguincea. Lourdement défaits, les Barétounais finissent par rendre les armes. Ils assurent alors qu'ils se soumettront à  l'arbitrage d'Anso. Les juges estiment au final que les deux parties avaient subi des préjudices équivalents. D'autre part, ils confirment aux bergers espagnols le droit d'exiger un tribut. La date du paiement est fixée au 13 juillet de chaque année. Ainsi naquit la Junte de Roncal, en l'an 1373. Yannick Allongue
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