Le steak haché, «vache à lait» des professionnels de la viande
Après une légère baisse la semaine de Pâques, la consommation de viande bovine a bien repris malgré la fermeture des restaurants et des cantines. Les ventes ont augmenté de 14% en GMS, se sont bien tenues en boucheries traditionnelles et même ont doublé en ventes directes. C’est surtout la demande de steaks hachés qui explique cette reprise dont ne profitent pas les éleveurs…
Avec les enfants confinés à la maison, les difficultés de faire ses courses, les ménages se tournent vers le steak haché, facile à cuisiner et à conserver. Les ventes des burgers ont augmenté de 35%, et même de 55% pour le congelé, par rapport aux années précédentes. Preuve que cette viande le vent en poupe, il n’y a qu’à observer les files d’attente qui se sont formées lors de la réouverture des ventes à emporter des enseignes de fast-food.
«Il y a donc un besoin de viande», rappelle Guy Hermouet, président de la section bovine d’Interbev. Et pourtant, malgré ce contexte favorable, les prix payés aux éleveurs sont à la baisse. Dix à quatorze centimes de moins au kilo pour les jeunes bovins, huit à dix centimes de moins pour les vaches.
«Donner ses lettres de noblesse au steak haché»
Les abatteurs expliquent cette baisse de la rémunération des éleveurs par la mévente du cuir. En effet, les peaux ne trouvent plus preneurs suite à la fermeture des tanneries en Chine et en Italie. Cette situation a même suscité une demande des professionnels pour obtenir une aide au stockage de ces peaux.
Mais Guy Hermouet refuse cet argument, «le problème des peaux n’explique pas tout. Ce qu’il faut, c’est donner ses lettres de noblesse au steak haché». Habituellement, c’est la viande du troupeau laitier qui est destinée au steak haché. Mais face à l’augmentation de la demande, les bouchers y mettent de plus en plus de la viande issue du troupeau allaitant, avec même des morceaux nobles comme le rumsteack ou le faux-filet.
Il y a trois ans, 57% d’une carcasse étaient destinés au steak haché, aujourd’hui on est arrivé à 70%. «Il faut augmenter le prix de la viande pour haché (VPH)», déclare Guy Hermouet. «Le steak haché est devenu la vache à lait de la viande bovine» assure le responsable professionnel qui dénonce un manque de transparence de la distribution où les marges vont de 25 à 60%.
Répartition des marges
Aux États-Unis, la VPH est payée deux fois plus cher que dans l’Hexagone. De plus, en France, la viande pour haché est uniquement constituée de muscles, garant de la qualité. L’interprofession demande donc à faire remonter une partie de la marge aux éleveurs en revalorisant la VPH.
Pour cela, elle vient de demander une étude à l’association pour le développement de l’industrie de la viande (l’ADIV) qui devrait être présentée dans les jours qui viennent. Il s’agit de préciser les coûts de revient de la viande hachée aux différentes étapes de la filière en fonction de sa composition, notamment de la proportion de muscles issus de races à viande.
En attendant, et alors que la consommation entre dans sa période d’été, avec une demande accrue sur les entrecôtes et les faux-filets, les éleveurs poursuivent la rétention de certains animaux en ferme, de façon à peser sur l’offre.