Acteur du Territoire
Les sonnailles Daban résonnent depuis dix générations
Installé à Nay en Béarn, Maurice Daban a été nommé au grade de chevalier de l’ordre du Mérite début juin. Cette reconnaissance lui a été accordée pour son savoir-faire artisanal unique et ancestral. À 85 ans, il continue de fréquenter quotidiennement l’atelier dans lequel il a façonné, toute sa carrière, des sonnailles au timbre unique. L’entreprise artisanale est l’une des dernières à fabriquer cet objet indispensable aux troupeaux d’estives.
Installé à Nay en Béarn, Maurice Daban a été nommé au grade de chevalier de l’ordre du Mérite début juin. Cette reconnaissance lui a été accordée pour son savoir-faire artisanal unique et ancestral. À 85 ans, il continue de fréquenter quotidiennement l’atelier dans lequel il a façonné, toute sa carrière, des sonnailles au timbre unique. L’entreprise artisanale est l’une des dernières à fabriquer cet objet indispensable aux troupeaux d’estives.
En cette matinée de début juin à Nay (64), Maurice Daban sort de chez lui lorsqu’une voisine l’interpelle : « Bonjour Monsieur le médaillé ! » Elle a lu dans le journal que l’octogénaire a été nommé au grade de chevalier de l’ordre national du Mérite. Lui n’en savait rien encore.
Les jours suivants il recevra trois lettres du Président de la République Emmanuel Macron, d’Olivier Dussopt ministre du Travail, et du Préfet Julien Charles pour lui confirmer la promotion. Ce titre honorifique lui a été remis pour ses bons et loyaux services dans la fabrication de sonnailles.
À 85 ans, l’homme menu reste alerte et entend souvent la remarque de ne pas faire son âge. Maurice Daban a façonné des sonnailles durant toute sa carrière. Ne souhaitant pas faire ce métier au départ, il choisit de reprendre l’affaire familiale à son retour de la guerre d’Algérie en 1962. « C’était mon frère aîné qui devait prendre la suite mais il n’avait qu’une envie : être moniteur de ski ». Acquérant la maîtrise sur le tas, Maurice Daban sera à bonne école avec un ouvrier de son père « J’étais adroit de mes doigts, j’avais fait quelques bricoles quand j’étais gamin… J’ai ça dans le sang. »
Une harmonie
« Lorsqu’on entend une sonnaille résonner en montagne, il y a de forte chance qu’elle vienne de chez nous », prétend le chef d’entreprise à la retraite, à la tête de l’un des derniers ateliers de la sorte dans l’Hexagone. La fabrication de cet objet nécessite un savoir-faire ancestral qui avait fait l'objet d'un reportage de Victoria David et Julia Gardet sur TF1 en mai 2022.
Les bergers choisissent la pièce en fonction de la musicalité.
Les éleveurs qui transhument connaissent bien l’utilité et l’importance de la qualité sonore de l’instrument. Il permet à chacun d’identifier ses animaux. Les bêtes à l’instinct grégaire se rassemblent grâce au son harmonieux des sonnailles spécifiques à chaque troupeau. Les vipères fuient lorsqu’elles résonnent.
Plus le métal est épais, plus le son est clair : il se réverbère mieux sur le bois et donc dans les forêts. Ces modèles de forme ovale sont plutôt vendus aux éleveurs girondins et des Landes. Les sonnailles plus fines produisent des sons graves plus perceptibles dans le brouillard. Elles sont plutôt utilisées en montagne. «Ici ils mélangent, ça fait une harmonie, les éleveurs ont quand même du goût», s’amuse l’artisan.
Pour obtenir cette perfection sonore, le métal de la sonnaille est façonné puis emballé dans un moule en argile avant d’être passé au four. Ce procédé permet d’obtenir un timbre beaucoup moins métallique.
«Les bergers choisissent la pièce en fonction de la musicalité. Le client repart avec le son qui lui convient», explique Maurice Daban. La dernière étape de la fabrication (N.D.L.R. : qui s’appelle dans le jargon “la mise à son”), consiste à modifier l’ouverture pour qu’elle résonne comme l’éleveur le souhaite. Maurice Daban fait naviguer le battant d’un geste souple et régulier à l’intérieur de la sonnaille avant d’accorder le ton. Le petit marteau qui heurte le fer était traditionnellement fabriqué en os, très solide, ou en bois, plus sonore. Mais l’artisan lui préfère aujourd’hui la matière plastique qui associe ces deux qualités.
Savoir ancestral
Si Maurice Daban, continue de venir tous les jours, l’atelier labellisé Entreprise du patrimoine vivant est aujourd’hui dirigé par son fils Nicolas. La transmission familiale perdure depuis dix générations. Les premières traces ancestrales remontent à Jean Daban, né en 1639, à Sainte-Suzanne (64), commune aujourd’hui rattachée à Orthez. Le laboureur forgeron a certainement commencé à fabriquer des sonnailles vers 1660. Une tradition probablement venue des origines carcassonnaises de la famille.
En 1795, Jean-Bernard Daban s’installe à Nay, a proximité de gisements d’argile et des mines de Baburet, près de Ferrières, qui tient son nom de l’extraction du minerai de fer. Selon Maurice Daban, «il avait la même qualité que le fer suédois». Proche aussi d’un reposoir à troupeau et d’éleveurs, ce nouveau lieu est au carrefour des vallées des Hautes-Pyrénées et du Béarn, à proximité de la mer et de l’Espagne, où s’exporteront de nombreuses sonnailles. «Mon grand-père travaillait déjà avec les Espagnols, raconte Maurice Daban. Avant 1936, mon père qui avait fait la guerre en Tunisie, partait à moto faire du commerce en Espagne.» Les sonnailles Daban s’exporteront même aux USA.
Aujourd’hui, cet objet est aussi porté par les chiens de berger, de chasse ou simple compagnon de marche. Il peut également faire office d’un joli cadeau que l’on peut acheter directement à l’atelier à la zone d’activité Samadet à Bourdettes près de Nay, ou sur la boutique en ligne.
Un peu perdu dans la brume en montagne, à proximité d’un troupeau, le randonneur pourrait se laisser envoûter par le son magique des sonnailles fabriquées en Béarn.
Fabrice Héricher