Aller au contenu principal

Phytos : le flop de la loi sur la séparation de la vente et du conseil

Près d’un an après son entrée en vigueur, beaucoup s’accordent à dire que peu de choses ont changé. Au point que le conseil indépendant réclame des contrôles.

file-La réforme du monde des phytos est-elle morte née ? En séparant les activités de vente et de conseil, elle vise à prévenir le risque de conflit d’intérêts. Mais cette séparation vente/conseil n’est pas complètement étanche.
La réforme du monde des phytos est-elle morte née ? En séparant les activités de vente et de conseil, elle vise à prévenir le risque de conflit d’intérêts. Mais cette séparation vente/conseil n’est pas complètement étanche.

«Ce n’est pas la peine de sortir une loi si elle n’est pas respectée», peste Hervé Tertrais, président du PCIA (Pôle du conseil indépendant en agriculture). L’objet de son courroux : la séparation des activités de vente et de conseil en phytos. Mesure phare de la loi Egalim, elle est en vigueur depuis le 1er janvier. Problème : sa mise en application laisse à désirer. «Des agriculteurs ont pris contact avec notre réseau d’entreprises de conseil indépendant, raconte-t-il. Mais sans donner suite. Leurs vendeurs de phytos disent pouvoir encore les conseiller, que rien n’a changé».

Les textes sont pourtant clairs : le distributeur n’est plus autorisé à faire des préconisations en phytos. C’est ce que la loi désigne comme du conseil spécifique, répondant à un besoin ponctuel de recommandation sur l’emploi de produits. Le feu reste au vert pour donner les informations (cible, dose recommandée, conditions d’application) au moment de la vente du produit ; continuer à faire des observations dans les parcelles : diagnostic sur l’état végétatif, le potentiel de rendement, la présence de ravageurs ou la pression parasitaire. Mais attention, feu rouge : c’est à l’agriculteur de prendre la décision de choisir tel produit plutôt que tel autre sur une parcelle donnée. Le technico-commercial n’a pas le droit d’influencer ce choix.

Conseil oral

Un technicien en grandes cultures d’une coopérative du Sud-Est explique la facilité avec laquelle il contourne la loi. «Là où je travaille, nous avons toujours le droit de faire du conseil à la culture, en indiquant les adventices, d’après son témoignage anonyme. On a désormais un formulaire sur lequel nous devons laisser une colonne libre pour indiquer le produit. C’est à l’agriculteur d’écrire et on peut lui dicter à l’oral. Ça reste de la dictée. J’ai des collègues dans l’Est, chez des concurrents, qui sont également dans le même mode opératoire». Sur le terrain, le conseil semble donc toujours faire bon ménage avec la vente. À défaut de pouvoir être écrit, il devient oral.

La réforme du monde des phytos semble loin de porter ses fruits. En séparant les activités de vente et de conseil, elle vise à prévenir le risque de conflit d’intérêts. Les coopératives et négoces ont massivement opté au 1er janvier pour la distribution. Reste que cette séparation vente/conseil n’est pas complètement étanche. «Dans la plupart des cas, le contact est maintenu entre l’agriculteur et son technico-commercial : il s’agit d’une relation de longue date», observe Christian Durlin, vice-président de la commission environnement à la FNSEA.

«Quand l’agriculteur pose des questions — dois-je traiter maintenant, avec quel produit ? — en général, son interlocuteur répond», d’après lui. Autrement dit, la loi n’a pas mis fin à d’anciennes pratiques, aujourd’hui interdites. Elles évoluent, l’accompagnement du producteur se faisant davantage au coup par coup. «Soit l’agriculteur fait appel au conseil spécifique, un choix onéreux, ce qui arrive très rarement, résume Christian Durlin. Soit il se débrouille par lui-même, en compilant ce que dit le vendeur, les infos recueillies à droite à gauche, notamment dans la presse. Le conseil est affaibli».

Cette situation mécontente également les entreprises du PCIA. «Le ministère doit parler de cette loi aux agriculteurs : la plupart d’entre eux ne savent pas qu’il existe un conseil indépendant, déplore Hervé Tertrais. Et envoyer des contrôleurs pour la faire appliquer».
De plus, la loi rend une partie du conseil obligatoire. En l’occurrence, le conseil stratégique, qui diffère du conseil spécifique. Le premier est inédit et pluriannuel, quand le second, facultatif, existait déjà. Cette nouveauté peine à se mettre en route. Le calendrier de mise en œuvre laisse, il faut le dire, beaucoup de temps. L’obligation de conseil stratégique n’entrera pas en vigueur avant le 31 décembre 2023. «Ça risque de se bousculer à la fin», redoute Philippe Noyau, élu en charge des phytos à l’APCA (chambres d’agriculture) et président de la chambre régionale Centre-Val-de-Loire.

Comme d’autres structures (centres de gestion, entreprises de conseil indépendant, etc.), les chambres se positionnent sur le conseil stratégique. Son contenu s’appuie sur un diagnostic d’exploitation, à réaliser au moins tous les six ans, complété par un plan d’action visant à réduire l’usage et les impacts des phytos. «On totalise aujourd’hui entre quinze et vingt diagnostics par département, indique-t-il. L’objectif des chambres est de réaliser à terme 50% du conseil stratégique». À condition d’avoir suffisamment de personnel. «Ça va être juste en nombre de collaborateurs», reconnaît-il.

 

 

Sous-titre
Vous êtes abonné(e)
Titre
IDENTIFIEZ-VOUS
Body
Connectez-vous à votre compte pour profiter de votre abonnement
Sous-titre
Vous n'êtes pas abonné(e)
Titre
Créez un compte
Body
Choisissez votre formule et créez votre compte pour accéder à tout Le Sillon

Les plus lus

L'Agenda de votre semaine

Réunion d'informations, sortie culturelle, conférence débat, portes ouvertes : retrouvez tous les événements  organisés…

Les festivités reprennent dans le Saint Mont

Comme chaque année, un copieux programme a été concocté pour le traditionnel Vignoble en fête des vignerons de Plaimont,…

Euralis et Maïsadour annoncent leur fusion

Les deux groupes coopératifs, dont les résultats financiers se sont érodés ces dernières années, ont engagé des discussions…

Esprit du Sud s’attache à défendre et transmettre les cultures locales

L’association poursuit son travail de fond pour faire comprendre l’importance de préserver les cultures régionales en tâchant…

Salon agricole de Tarbes : « Le trait d’union entre nous et les citadins »

Le Salon régional de l’agriculture de Tarbes  a ouvert ses portes ce matin au parc des expositions. L’occasion pour les…

La filière foie gras, un phoenix à qui on coupe les ailes

Peu à peu la France regagne le terrain qu’elle avait perdu. Cependant, les responsables de la filière sont vent debout contre…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 98€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site du Sillon
Consultez le journal Le Sillon au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters du journal du Sillon