Production laitière : s'adapter à un nouveau contexte
La rencontre organisée par la FDSEA des Landes a permis aux producteurs laitiers d'échanger sur la conjoncture lait, mais aussi sur les enjeux de la contractualisation ou sur les marges de manoeuvre pour augmenter la compétitivité.
Les débats étaient riches et de qualité à la section lait qui réunissait jeudi 18 mars une quarantaine de producteurs, dont de nombreux jeunes, à Mont-de-Marsan. Au programme de la soirée, la section avait prévu l'intervention de Gilles Psalmon, directeur de la fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), sur la contractualisation et de Guillaume Bourge, animateur à la FRPL sur la conjoncture lait.
Les principaux éléments de conjoncture laissent apparaître un léger mieux. Au niveau mondial, la collecte se stabilise et la reprise de la demande reste une inconnue. « Les cours des produits industriels, tels le beurre ou la poudre de lait, étaient en hausse fin 2009. Ils se stabilisaient en janvier et baissaient un peu en février. La tendance serait de nouveau à la hausse, mais il est difficile d'estimer ce que seront les prochains mois ». La production allemande progresse
Dans le reste de l'Europe, la collecte se stabilise également, mais les Etats membres sont sur des stratégies complètement différentes. Ainsi, l'Allemagne est sur une logique d'accroissement de la production, qui a déjà progressé de 3 % depuis l'an dernier. « Ils font leur quota laitier à 99 %, y compris leur 1 % de production supplémentaire accordé par l'Europe ».
A l'inverse, la France a fait le choix d'une maîtrise de la production en espérant une augmentation des prix. C'est pourquoi elle a gelé l'augmentation du quota de 1 % accordée par Bruxelles, ainsi que les allocations provisoires (possibilité de prêter à des producteurs les volumes non réalisés par d'autres éleveurs). Ainsi, la France achèvera la campagne (31 mars) à 91 % de sa référence administrative.
Cette stratégie a permis, en 2009, un prix du lait plus élevé de 35 euros en France par rapport à l'Allemagne. Cette politique française est, désormais, remise en cause par les industriels qui contestent l'écart de prix entre l'Hexagone et ses concurrents, en particulier l'Allemagne. Ils estiment que le surcoût du lait français entraîne une baisse de compétitivité des entreprises et une dégradation de la balance commerciale des produits laitiers français en 2009.
Dans un tel contexte, Jean-Yves Haurat, président de la commission lait à la chambre d'agriculture, plaide pour une progression de la production de lait en France : « il est utopique de penser que la position française de maîtrise du lait puisse être partagée avec d'autres membres de l'Union européenne. De plus, on subit les décisions prises par l'Allemagne et d'autres pays européens qui entraînent une surproduction en Europe et des baisses des prix ». Il estime donc que les producteurs français doivent donc « cesser de se faire piquer leurs parts de marchés ». En produisant plus, ils pourront par ailleurs diluer les charges sur leur exploitation. « La France ne doit pas être seule à mettre le frein sur la production. Si nous montrons que nous pouvons faire notre référence, les autres pays se décideront peut-être enfin à réduire leur volume ».
Gilles Psalmon, directeur de la FNPL, a quant à lui insisté sur l'entrée de la filière laitière dans une autre époque. Les outils de régulation des marchés agricoles, avec soutien des prix et encadrement des volumes disparaissent progressivement. En 2015, les quotas laitiers n'existeront plus. « La FNPL ne voulait pas de ces changements et s'est battue contre. Mais maintenant, il faut faire avec ».
L'enjeu est donc dorénavant de faire face à un marché européen du lait beaucoup plus volatil. Il est aussi que producteurs et transformateurs construisent ensemble une nouvelle relation, un nouveau mode d'organisation, puisqu'ils se retrouvent face à face suite au désengagement de L'État. « 80000 producteurs se trouvent face à 200 entreprises laitières, elles-mêmes face à 5 ou 6 centrales d'achat. Il y a là un rapport de force déséquilibré ».
Pour rééquilibrer le rapport de force, la mise en place d'une interprofession est primordiale car elle permet un lien entre les maillons de la filière. « Cette interprofession doit être confortée par la loi. Son rôle, demain, doit être d'éclairer le marché, de donner des indicateurs de prix, de volume, d'éditer un guide des bonnes pratiques contractuelles entre producteurs et transformateurs ». Elle aurait ainsi un rôle de garde-fou important pour le producteur. La FNPL souhaite par ailleurs un renforcement des groupements de producteurs laitiers à l'échelle du bassin de production.
Dominique Maurel