Qualité du lait et du fromage de brebis
L'utilisation d'aliments gras et riches en matières grasses d'intérêt nutritionnel permet d'améliorer les taux de matières grasses du lait de brebis ainsi que la qualité de cette matière grasse.
L'essai mené l'hiver dernier sur le troupeau de brebis Basco-Béarnaises de la ferme du lycée d'Oloron-Soeix a permis de quantifier les effets et l'intérêt de ce type d'aliment. Le lycée dispose d'une installation de traite en 2 fois 20 places avec décrochage automatique. L'installation va être équipée très prochainement avec un lecteur de boucle électronique qui permettra de lire chaque boucle et d'ajuster à chaque brebis la quantité de concentré offerte en salle de traite.
Les protocoles et objectifs ont été définis en commun entre les participants à l'essai : les responsables de l'exploitation agricole du lycée d'Oloron-Soeix, le CDEO (Centre départemental de l'élevage ovin), la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques (pour le GIS), la société Evialis. L'essai a bénéficié par ailleurs d'un soutien et d'une participation du conseil régional d'Aquitaine. 1 Pourquoi utiliser des aliments plus riches en matières grasses ? »L'incorporation de matières grasses (ou l'utilisation d'aliments riches en matières grasses) n'est pas une préoccupation récente en lait de brebis, comme en témoignent les nombreux résultats sur le sujet. Il s'agissait alors de rechercher une amélioration du taux butyreux (paiement du lait). Aujourd'hui, les objectifs et les enjeux sont élargis. L'intérêt porte sur la connaissance de la diversité des acides gras du lait (plusieurs centaines connues), qui peuvent avoir des effets négatifs ou positifs sur la santé du consommateur de fromage, et influent sur le goût et les arômes du fromage.
L'effet de l'alimentation des animaux laitiers sur la composition en acide gras est aujourd'hui bien connu : le pàturage (vs du rationnement en bergerie) joue un rôle positif, ainsi que certains aliments connus (lin, colza, luzerne par exemple).
Au niveau local, l'utilisation d'aliments gras se raisonne dans le respect du cahier des charges Ossau-Iraty (matières grasses autorisées), qu'il s'agisse d'aliments composés (avec incorporation d'huiles ou de matières premières grasses) ou des tourteaux fermiers (issus du pressage).
Pour les brebis de races locales, quelles quantités acceptables sans effet négatif sur les animaux et sur la production ? Quels effets sur la qualité des acides gras ? Quel effet sur le goût du fromage ? Pour répondre à ces interrogations, un premier essai a été conduit l'hiver dernier sur l'exploitation du lycée agricole d'Oloron-Soeix. 2 Protocole de comparaison avec un aliment gras enrichi en acides gras d'intérêt nutritionnel » L'essai a été conduit sur deux lots de 89 brebis chacun, durant 6 semaines en début de traite (janvier, février). Deux lots équilibrés (productions laitières et composition chimique identiques, mêmes stades de lactation) sont ainsi constitués à partir d'un premier contrôle laitier. Les brebis, ne sortent pas. Elles reçoivent chaque jour une ration de base de 1 kg de foin de luzerne et 1 kg de regain de prairie permanente, complétée par 500 grammes de mais et 840 grammes d'un mélange de déshydratés (pulpe et luzerne) et de l'aliment de production. Les lots se différencient par l'incorporation de matières premières grasses (colza, lin extrudé) dans l'aliment « essai », à même niveau d'aliments et de nutriments (azote, énergie).
La teneur moyenne en matières grasse des aliments concentrés et déshydratés s'élève à 4 % pour le lot témoin et 6 % pour le lot avec matières grasses. Au bout de 3 semaines, l'apport de mais en salle de traite a été réduit, passant de 500 grammes à 250 grammes pour l'ensemble des animaux. Ainsi chaque lot reçoit les mêmes quantités de fourrages et concentrés, les apports en énergie et en azote sont identiques. Les consommations de fourrages sont contrôlées 2 fois par semaine (pesée du distribué et des refus). 3 Teneur en matière grasse fortement accrue, mais avec réduction de la production laitière » Les brebis produisaient 2,45 l/brebis/jour à la mise en lot. Au cours de cet essai, on observe un écart instantané de production laitière de 7,3 % entre les deux lots, avec une production journalière moindre pour le lot avec matières grasses. Cet écart se réduit par la suite, pour devenir nul après la fin de l'essai. Inversement, la teneur en matière grasse s'élève rapidement pour les brebis supplémentées : + 9,2 g/l au premier contrôle, et + 8,7 g/l au deuxième contrôle pour le lot matière grasse. Cet écart se réduit par la suite.
Parallèlement, et indépendamment de l'aliment, la baisse de lait est plus marquée durant la deuxième période de l'essai, sans qu'il ait été possible de lier cette baisse à la réduction de la distribution de mais. Les mesures d'état corporel et les pesées n'ont pas montré de différence entre les deux lots.
À ce niveau d'apport de matière grasse, volontairement fixé à un niveau élevé, on observe toujours une augmentation du taux de matière grasse, mais aussi une baisse de la production laitière (- 4,5 % sur l'ensemble de la période), laissant penser que l'optimum a été dépassé. La baisse de persistance laitière durant la deuxième partie de l'essai nous interroge sur les stratégies de réajustement des apports en fonction de l'évolution des niveaux laitiers. Les accroissements de poids et de réserves corporelles ont été similaires sur les deux lots en essai. 4 Modification du profil des acides gras » L'aliment enrichi en matière grasse se caractérise par une meilleure qualité des acides gras, avec une moindre proportion d'acides gras saturés (les plus à risque pour notre santé), et une plus grande proportion d'acides gras insaturés, en particulier les linoéiques conjugués (dont les fameux oméga 3). Cette amélioration de la qualité des acides gras se retrouve dans les laits, avec le même type du profil (baisse des teneurs en AGS, augmentation des AGI). Ces résultats sont cohérents avec les résultats sur lait de chèvre et de vache. Ils confirment que l'alimentation est un levier majeur pour améliorer la composition fine de la matière grasse. 5 Analyse sensorielle : pas d'effet perceptible » Des fabrications expérimentales ont pu être réalisées pendant l'essai (avec la participation du technicien de l'Association des éleveurs transhumants des trois vallées béarnaises). Après affinage de 7,5 mois, ces fromages ont été soumis à une commission d'agrément du Syndicat d'Ossau-Iraty qui a accepté avec bienveillance de participer à cette évaluation. Il n'a pas été possible de mettre en évidence, pour les critères d'agrément en appellation d'origine contrôlée, une différence significative.Mathilde Poivre (LPA Oloron),Odile Sallato et Jean-Michel Cami (CDEO), Jean-Louis Courty et Vincent Vierge (Evialis), Joël Le Scouarnec (In Vivo NSA),Jean-Marc Arranz (GIS-ID64/CDA64) Essai 2012Un nouvel essai a été programmé pour cet hiver.
Nous étudierons à nouveau le rôle des matières grasses, à des niveaux d'incorporation différents, mais aussi l'impact des réajustements alimentaires en cours d'essai lorsqu'on cherche à ajuster au mieux le niveau d'apport de nutriments à la production réelle.
Ce deuxième objectif est d'ordre économique. Cet essai regroupe les mêmes partenaires : la CDA64, le CDEO, le lycée d'Oloron et la société Evialis. Il participe à un programme transfrontalier en collaboration avec l'Institut Neiker qui mène des essais comparables sur la brebis Latxa (domaine d'Arkaute Vitoria), et reçoit à ce titre le soutien du conseil régional d'Aquitaine (du fonds de coopération Aquitaine Euskadi).
Les protocoles et objectifs ont été définis en commun entre les participants à l'essai : les responsables de l'exploitation agricole du lycée d'Oloron-Soeix, le CDEO (Centre départemental de l'élevage ovin), la chambre d'agriculture des Pyrénées-Atlantiques (pour le GIS), la société Evialis. L'essai a bénéficié par ailleurs d'un soutien et d'une participation du conseil régional d'Aquitaine. 1 Pourquoi utiliser des aliments plus riches en matières grasses ? »L'incorporation de matières grasses (ou l'utilisation d'aliments riches en matières grasses) n'est pas une préoccupation récente en lait de brebis, comme en témoignent les nombreux résultats sur le sujet. Il s'agissait alors de rechercher une amélioration du taux butyreux (paiement du lait). Aujourd'hui, les objectifs et les enjeux sont élargis. L'intérêt porte sur la connaissance de la diversité des acides gras du lait (plusieurs centaines connues), qui peuvent avoir des effets négatifs ou positifs sur la santé du consommateur de fromage, et influent sur le goût et les arômes du fromage.
L'effet de l'alimentation des animaux laitiers sur la composition en acide gras est aujourd'hui bien connu : le pàturage (vs du rationnement en bergerie) joue un rôle positif, ainsi que certains aliments connus (lin, colza, luzerne par exemple).
Au niveau local, l'utilisation d'aliments gras se raisonne dans le respect du cahier des charges Ossau-Iraty (matières grasses autorisées), qu'il s'agisse d'aliments composés (avec incorporation d'huiles ou de matières premières grasses) ou des tourteaux fermiers (issus du pressage).
Pour les brebis de races locales, quelles quantités acceptables sans effet négatif sur les animaux et sur la production ? Quels effets sur la qualité des acides gras ? Quel effet sur le goût du fromage ? Pour répondre à ces interrogations, un premier essai a été conduit l'hiver dernier sur l'exploitation du lycée agricole d'Oloron-Soeix. 2 Protocole de comparaison avec un aliment gras enrichi en acides gras d'intérêt nutritionnel » L'essai a été conduit sur deux lots de 89 brebis chacun, durant 6 semaines en début de traite (janvier, février). Deux lots équilibrés (productions laitières et composition chimique identiques, mêmes stades de lactation) sont ainsi constitués à partir d'un premier contrôle laitier. Les brebis, ne sortent pas. Elles reçoivent chaque jour une ration de base de 1 kg de foin de luzerne et 1 kg de regain de prairie permanente, complétée par 500 grammes de mais et 840 grammes d'un mélange de déshydratés (pulpe et luzerne) et de l'aliment de production. Les lots se différencient par l'incorporation de matières premières grasses (colza, lin extrudé) dans l'aliment « essai », à même niveau d'aliments et de nutriments (azote, énergie).
La teneur moyenne en matières grasse des aliments concentrés et déshydratés s'élève à 4 % pour le lot témoin et 6 % pour le lot avec matières grasses. Au bout de 3 semaines, l'apport de mais en salle de traite a été réduit, passant de 500 grammes à 250 grammes pour l'ensemble des animaux. Ainsi chaque lot reçoit les mêmes quantités de fourrages et concentrés, les apports en énergie et en azote sont identiques. Les consommations de fourrages sont contrôlées 2 fois par semaine (pesée du distribué et des refus). 3 Teneur en matière grasse fortement accrue, mais avec réduction de la production laitière » Les brebis produisaient 2,45 l/brebis/jour à la mise en lot. Au cours de cet essai, on observe un écart instantané de production laitière de 7,3 % entre les deux lots, avec une production journalière moindre pour le lot avec matières grasses. Cet écart se réduit par la suite, pour devenir nul après la fin de l'essai. Inversement, la teneur en matière grasse s'élève rapidement pour les brebis supplémentées : + 9,2 g/l au premier contrôle, et + 8,7 g/l au deuxième contrôle pour le lot matière grasse. Cet écart se réduit par la suite.
Parallèlement, et indépendamment de l'aliment, la baisse de lait est plus marquée durant la deuxième période de l'essai, sans qu'il ait été possible de lier cette baisse à la réduction de la distribution de mais. Les mesures d'état corporel et les pesées n'ont pas montré de différence entre les deux lots.
À ce niveau d'apport de matière grasse, volontairement fixé à un niveau élevé, on observe toujours une augmentation du taux de matière grasse, mais aussi une baisse de la production laitière (- 4,5 % sur l'ensemble de la période), laissant penser que l'optimum a été dépassé. La baisse de persistance laitière durant la deuxième partie de l'essai nous interroge sur les stratégies de réajustement des apports en fonction de l'évolution des niveaux laitiers. Les accroissements de poids et de réserves corporelles ont été similaires sur les deux lots en essai. 4 Modification du profil des acides gras » L'aliment enrichi en matière grasse se caractérise par une meilleure qualité des acides gras, avec une moindre proportion d'acides gras saturés (les plus à risque pour notre santé), et une plus grande proportion d'acides gras insaturés, en particulier les linoéiques conjugués (dont les fameux oméga 3). Cette amélioration de la qualité des acides gras se retrouve dans les laits, avec le même type du profil (baisse des teneurs en AGS, augmentation des AGI). Ces résultats sont cohérents avec les résultats sur lait de chèvre et de vache. Ils confirment que l'alimentation est un levier majeur pour améliorer la composition fine de la matière grasse. 5 Analyse sensorielle : pas d'effet perceptible » Des fabrications expérimentales ont pu être réalisées pendant l'essai (avec la participation du technicien de l'Association des éleveurs transhumants des trois vallées béarnaises). Après affinage de 7,5 mois, ces fromages ont été soumis à une commission d'agrément du Syndicat d'Ossau-Iraty qui a accepté avec bienveillance de participer à cette évaluation. Il n'a pas été possible de mettre en évidence, pour les critères d'agrément en appellation d'origine contrôlée, une différence significative.Mathilde Poivre (LPA Oloron),Odile Sallato et Jean-Michel Cami (CDEO), Jean-Louis Courty et Vincent Vierge (Evialis), Joël Le Scouarnec (In Vivo NSA),Jean-Marc Arranz (GIS-ID64/CDA64) Essai 2012Un nouvel essai a été programmé pour cet hiver.
Nous étudierons à nouveau le rôle des matières grasses, à des niveaux d'incorporation différents, mais aussi l'impact des réajustements alimentaires en cours d'essai lorsqu'on cherche à ajuster au mieux le niveau d'apport de nutriments à la production réelle.
Ce deuxième objectif est d'ordre économique. Cet essai regroupe les mêmes partenaires : la CDA64, le CDEO, le lycée d'Oloron et la société Evialis. Il participe à un programme transfrontalier en collaboration avec l'Institut Neiker qui mène des essais comparables sur la brebis Latxa (domaine d'Arkaute Vitoria), et reçoit à ce titre le soutien du conseil régional d'Aquitaine (du fonds de coopération Aquitaine Euskadi).