Aides à l'installation : régime dérogatoire pour les arboriculteurs
Désormais, en attendant la pleine production de son verger, un jeune agriculteur installé sur une production de fruits (ou vigne) peut travailler à plein-temps à l'extérieur de l'exploitation sans perdre les aides.
Bien qu'encore inquiète sur l'avenir de son exploitation, Sandrine Tachoires reconnaît que l'appui du syndicat des Jeunes Agriculteurs a permis d'ouvrir une fenêtre, alors qu'elle pensait son projet voué à l'échec. © Le Sil
Le courrier reçu de la DDTM, fin octobre, a rassuré Sandrine Tachoires sur l'avenir de son exploitation. La jeune agricultrice a enfin la confirmation qu'elle peut exercer une activité professionnelle à l'extérieur de l'exploitation et à temps complet en attendant que ses pommiers bio produisent.
Avec un BTS dans le secteur agricole, quinze années d'expérience dans la grande distribution et beaucoup de motivation, la jeune femme s'est installée en 2009 à Labatut (Landes), sur un projet de production (5,5 ha) et de vente directe de pommes bio (verger à planter), tout en conservant, à temps partiel, son emploi. « Je connais déjà mes marchés. Toute ma production sera écoulée sans problème » précise-t-elle.
Un premier hectare de pommier est planté en 2009, le reste de la plantation devant s'étaler sur 3 ans. Décidé dans le plan de développement de l'exploitation, un atelier de maraîchage bio s'ajoutait alors à cette production de pommes afin d'assurer, dès la première année, un revenu, comme l'impose la circulaire sur les aides à l'installation. Un revenu qui n'a pas été au rendez-vous. « Je ne connaissais pas bien le maraîchage pour lequel j'étais mal équipée et dont j'avais mal assuré le débouché. J'ai dû l'arrêter pour ne pas mettre en péril mon exploitation ».
Des emprunts pour investir et pas de revenu
Conséquence de ces déboires et en l'absence de production du verger en création, le revenu hors exploitation dépasse celui de l'exploitation, remettant en cause le statut d'agricultrice de la jeune fille et donc ses aides à l'installation. En effet, ces dernières sont conditionnées au respect, par le bénéficiaire, d'un certain nombre d'engagements pendant une période de cinq ans. Parmi ceux-ci, il s'engage à retirer au moins 50 % de son revenu professionnel global des activités agricoles.
« J'ai donc dû abandonner mon activité hors exploitation en janvier 2010 ». D'autre part, ces mêmes textes prévoient que si le revenu de l'exploitation n'atteint pas les minima fixés par l'administration, cette dernière peut demander de rembourser la somme correspondant à la dotation et aux bonifications d'intérêt. Une menace dont la jeune agricultrice est alors bien consciente.
En février 2011, afin d'accélérer la mise en place de son verger, elle investit dans la poursuite de la plantation sur les terres libérées par l'arrêt de l'activité maraîchage et installe l'irrigation. « Mon banquier n'a pas apprécié cette situation (un prêt à rembourser et une absence de revenu) et mes comptes ont été bloqués jusqu'à ce qu'une solution soit trouvée ». D'un naturel optimiste, Sandrine Tachoires avoue avoir baissé les bras cet été. « Je ne savais que faire, sachant qu'il faudrait deux ans avant que mes vergers entrent en production et donc qu'ils assurent un revenu ».
Pas de remise en cause du statut
Une fenêtre s'est entrouverte pour elle gràce à l'intervention des Jeunes Agriculteurs, via Jean-Marc Benquet et Arnaud Tachon. Le syndicat a obtenu de l'administration, dans ce cadre spécifique d'une installation avec création d'un verger (ou d'une vigne, ou autre plante pérenne), une dérogation pour que le jeune puisse travailler deux ans en dehors de l'exploitation en attendant la pleine production de son verger. Et cela, sans remettre en cause son statut d'agriculteur, quel que soit le revenu hors exploitation. D'autre part, une suspension des engagements est accordée pendant deux ans, reportés au 21 avril 2013.
Dès l'annonce de la bonne nouvelle, Sandrine Tachoires a donc cherché du travail. Elle est maintenant en CDD chez Bonduelle jusqu'en mars. Une épée de Damoclès demeure cependant au-dessus de la tête de cette exploitation, en attendant la décision de la banque de lever le blocage du compte. « L'exploitation est donc toujours en suspens. Il est dur, dans ce contexte, d'investir du temps pour s'occuper du verger, en plus du travail à l'usine, en ne sachant pas si je pourrai poursuivre l'activité. »
Dominique Maurel
Dominique Maurel