Avec l'extension des zones vulnérables, «on veut tuer le mais»
«Ce dossier, c'est mission impossible!», tempête Dominique Graciet, président de la chambre régionale d'agriculture d'Aquitaine à propos du projet d'extension du périmètre du zonage nitrates annoncé fin juillet par le ministère de l'Environnement. Annonce faite «sans aucune concertation et en dépit des nombreux mois de discussions préalables».
L'extension de la zone vulnérable et les modalités du nouveau programme d'action contre les nitrates, notamment les investissements nécessaires à la gestion des effluents, seront désastreuses pour le modèle économique agricole du Sud-Ouest.
Pour le Dominique Graciet, le dossier de l'extension des zones vulnérables est «impossible» car les investissements induits afin de mettre aux normes la gestion des effluents sur les exploitations risquent de provoquer l'arrêt de nombreux ateliers d'élevage d'Aquitaine et de Midi-Pyrénées.
Estimés à près de 80 millions d'euros, les investissements, qui sont à réaliser avant le 1er octobre 2016, vont de toute façon mettre en grande difficulté ces filières. Et la mission est d'autant plus impossible que «si l'on prend comme exemple le département des Landes, nous avons seulement la capacité de traiter 300, voire 400 dossiers par an alors qu'il faudrait faire 3 ou 4 fois plus» ajoute, furieux, le président de la chambre régionale d'agriculture d'Aquitaine.
Des aménagements indispensables
Jeudi 11 septembre, c'est avec ce sujet brûlant qu'a débuté la traditionnelle conférence de presse de rentrée organisée par la chambre régionale d'agriculture d'Aquitaine. «Nous demandons deux cycles d'épandage, la possibilité d'épandre sur cultures dérobées et aussi que la capacité de stockage des élevages soit dimensionnée pour 6 mois et non pas 9 ou 10 mois comme c'est prévu, précise-t-il. Il faut aussi qu'une étude scientifique soit lancée pour que l'on puisse connaître l'impact réel des nitrates sur l'eutrophisation des cours d'eau et la pertinence de la fixation des seuils».
On veut «tuer le mais en refusant de comprendre que l'élevage dépend de cette culture» résume avec amertume, Dominique Graciet. La sanction paraît d'autant plus grande que selon les relevés officiels de qualité des eaux, l'Aquitaine affiche en 2011 deux concentrations dans ses eaux inférieures aux chiffres nationaux: soit 8,9mg/l de NO3 alors que la moyenne nationale est de 13,9 sur les eaux superficielles, et de 11,5mg/l de NO3 pour l'Aquitaine sur les eaux souterraines alors que la moyenne nationale est de 23.
Revenu agricole : un recul de 25 ans!
La colère est d'autant plus vive qu'elle est aussi attisée par les chiffres confirmés, début juillet, par la commission des comptes de l'agriculture nationale à propos du revenu agricole prévisionnel courant avant impôt par actif non salarié. En effet, l'Aquitaine afficherait, pour 2013, une baisse de 66% de ce revenu par rapport à 2012, soit une érosion trois fois plus forte que celle observée en moyenne nationale (-22%) sur la même période.
De plus, le revenu 2013 serait le plus faible obtenu depuis 25 ans. Sa faiblesse s'expliquant par la baisse des prix des produits, la hausse des intrants mais aussi la chute des productions, conséquence des diverses intempéries qui ont marqué l'année 2013 comme la grêle et la coulure en Gironde et Dordogne ou les inondations et les excès de pluviométrie dans le sud Adour.
Soutien à l'innovation
Deux projets tournés vers l'avenir ont été aussi évoqués lors de cette rencontre avec la presse. Le premier est la création prochaine du réseau régional de l'innovation d'Aquitaine dont le but est de coordonner les différents maillons de la chaîne de l'innovation en Aquitaine au service des exploitations agricoles. «Il s'agit de décloisonner la recherche, l'innovation et le développement», explique Bérangère Gouhier, chargée de mission à la chambre régionale d'agriculture d'Aquitaine. Pour cela, un comité de pilotage regroupant la compagnie consulaire, le conseil régional, l'INRA, IRSTEA, Bordeaux Sciences Agro et Agri Sud-Ouest Innovation devrait bientôt être mis sur pied.
L'idée étant, dans un premier temps, de lancer le repérage des sujets innovants. L'agriculture de précision, l'utilisation des drones, ou encore, l'autonomie protéique et fourragère des élevages sont les premiers thèmes transversaux déjà identifiés.
Innovation et biodiversité
Autre création récente et tournée, elle aussi, vers l'avenir: le groupe technique pour la biodiversité. Constitué de la fédération régionale des chasseurs d'Aquitaine, l'Association de développement de l'apiculture en Aquitaine (ADAAQ), le Centre régional de la propriété forestière (CRPF)/Syndicat des Sylviculteurs du Sud-Ouest (SSSO) et les chambres d'agriculture d'Aquitaine, ce groupe a pour but de mener des réflexions sur la biodiversité en Aquitaine, de lancer des actions et de définir les modalités de leur financement. Il s'est déjà réuni deux fois cet été.
Les premiers dossiers travaillés concernent une veille juridique commune, un projet d'inventaire exhaustif des pratiques de préservation faune/flore déjà mises en oeuvre mais bien souvent de façon diffuse sur le territoire, des propositions d'accompagnement et aussi des échanges en amont de la mise en place, prévue cet automne, de l'Agence régionale de la biodiversité, déclinaison régionale de l'Agence française de la biodiversité prévue dans le projet de loi-cadre sur la biodiversité.
Marie-Noëlle Charles