Berger sans terre : un statut particulier
Alain Diehl n'est pas issu d'une famille de bergers mais a choisi ce métier après une mûre réflexion. Installé à Aubertin, a plongé dans le pastoralisme en 2005. Rien ne le prédestinait pourtant au métier de berger. « Je viens de la région bordelaise et mon père était notaire. J'ai effectué des études de droit et gestion en finance du patrimoine avant de me diriger vers la promotion immobilière. Après deux ans d'urbanisme dans le centre de Bordeaux, j'ai décidé de tout arrêter en 2004 afin de préparer l'IUFM pour devenir professeur des écoles ».
En fait, Alain savait ce qu'il ne voulait pas faire, mais ne savait pas quoi faire C'est une rencontre à Arette avec Françoise Estournes, bergère de 400 brebis pour le cousin de son mari sur une estive de La Pierre-Saint-Martin, qui a été en quelque sorte le déclic. « J'ai posé des questions de néophyte et elle m'a répondu que si je voulais en savoir plus elle transhumait le 20 juin suivant », se souvient l'éleveur. En fait, il manquait un berger. Alain pensait rajouter à son CV une expérience pour son futur métier de professeur. « Si tu me montres, je garde les brebis, déclara-t-il à la productrice. Mon salaire sera ce que je vais apprendre ».
Une deuxième rencontre avec un autre berger, Jean-Marc Salies, au sein d'une même cabane fut déterminante. « C'est lui qui m'a tout appris en ce qui concerne le fromage. J'ai pris une grande claque quand je suis rentré pour la première fois dans un saloir, se remémore Alain non sans émotion. Tous mes sens étaient en éveil et j'étais étonné du résultat que l'on pouvait obtenir à partir de simples brins d'herbe. Cela m'a donné envie d'être berger ».
Un long parcours initiatique
Cependant, l'apprenti était conscient que ce qu'il avait vu ne représentait qu'un quart de l'année. « Pour mériter ces 3 mois en altitude il faut en passer 9 en bas ». Sûr de sa future orientation, il s'est inscrit en BTS production animale à Montardon et a obtenu son diplôme en 2007. « J'ai effectué une troisième saison d'estive en tant que salarié à Lescun au pied des aiguilles d'Ansabère ».
Pour mettre toutes les chances de son côté, Alain a passé une spécialisation ovins lait (SIL) à Saint-Palais avant d'effectuer un stage chez un berger sans terre propriétaire d'un troupeau de manechs à têtes noires. « Un berger sans terre, explique Alain, possède le statut d'exploitant agricole mais n'a aucun droit sur aucune terre. Pour s'installer, il doit avoir un certain nombre d'hectares en fermage, acheter un cheptel de 70 brebis minimum et attester d'un lieu d'estive et d'hivernage ».
Un vrai statut
Alain est installé depuis 2008 à Aubertin avec son épouse Yasmine. « Mes 170 brebis basco-béarnaises sont en hivernage à L'ilh de case à Saint-Faust, j'affine à Aubertin et je loue la montagne l'été (estive de Consaterre à 2 400 m) en vallée d'Aure. Je produis 2,5 tonnes de fromages par an et je me suis équipé d'une fromagerie mobile ». Désormais véritable berger, Alain participe aux travaux de mise aux normes des cabanes dans les Hautes-Pyrénées en attendant d'avoir sa propre exploitation.
Philippe Delvallée