Bruxelles reporte à nouveau le vote sur le glyphosate
Après deux jours de discussions, les 18 et 19 mai et faute de dégager une majorité qualifiée entre les États membres, la Commission européenne a renoncé à soumettre sa proposition de renouvellement pour neuf ans de l’autorisation du glyphosate au vote des experts du comité permanent compétent.
L’autorisation actuelle du glyphosate court jusqu’au 30 juin. Bruxelles pourrait donc proposer de la proroger pour six mois, comme cela a déjà été fait en septembre, afin de poursuivre les discussions avec les délégations. Mais à ce stade elle menace, au contraire, de ne pas prolonger cette autorisation afin de forcer les États membres qui s’abstiennent à prendre position. Un nouveau vote devrait être programmé pour le mois de juin.
La France devrait voter contre. Et l’Allemagne qui avait, après de longues tergiversations entre les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement, tranché en faveur du renouvellement, pourrait finalement s’abstenir sous la pression des socialistes (minoritaires au sein de la coalition au pouvoir). Sans ces deux poids lourds, la majorité de 55% des États membres et de 65% de la population européenne est difficile à atteindre.
La question des co-formulants
Afin de trouver un compromis, la Commission a, depuis des semaines, multiplié les propositions réduisant la période d’autorisation de quinze ans à neuf ans. Le projet mis sur la table interdit l’usage des tallow amines en tant que co-formulants. Bruxelles publiera par la suite une liste plus large de co-formulants dangereux pour éclairer les États membres qui ont la responsabilité, au niveau national, de donner leur feu vert aux différentes formulations mises sur le marché.
La Commission a aussi assuré qu’elle retirera le produit «sans délai» si l’étude que doit publier l’an prochain l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) le juge dangereux. Des propositions qui se sont avérées insuffisantes pour convaincre la majorité.
La ministre contredit l’Anses
La ministre de l’Écologie, Ségolène Royal, a qualifié de «très bonne nouvelle» la suspension du vote, saluant l’Italie, l’Allemagne, la Suède, l’Autriche et le Portugal qui ont fait savoir qu’ils s’abstiendraient ou voteraient contre. La ministre de la Santé, Marisol Touraine, avait assuré le 18 mai que la France ne souhaitait pas le renouvellement de l’autorisation du glyphosate. «Indépendamment des débats sur le caractère cancérigène ou non du glyphosate […], les études dont nous disposons montrent que c’est un perturbateur endocrinien», a-t-elle souligné sur France Info.
En réaction, la Plateforme Glyphosate France interroge: «Pourquoi désavouer publiquement les expertises scientifiques de ses propres institutions?». Dans un communiqué, l’entité, regroupant sept entreprises, rappelle que l’Anses a jugé en février dernier «peu probable que le glyphosate ait un effet potentiel sur la perturbation endocrinienne des voies dépendantes de la régulation oestrogénique».
Politisation du débat
La Plateforme Glyphosate France avait estimé, la veille, qu’il n’y a aucune raison pour un «marchandage» de la ré-homologation de la substance active utilisée dans les phytos les plus répandus au monde. La Plateforme a réaffirmé que le glyphosate est «la substance la plus étudiée au monde».
Pour la Glyphosate Task Force (GTF), un consortium de sociétés phytosanitaires emmené par Monsanto, le retard pris dans les dernières étapes «ne fait qu’exposer la politisation aiguë» de la procédure de renouvellement. «Le GTF estime que la situation est discriminatoire, disproportionnée et totalement injustifiée», a déploré son président Richard Garnett, cité dans un communiqué. Le secrétaire général du principal syndicat agricole européen COPA-Cogeca a fait part de ses craintes d’un «vrai désavantage compétitif» en cas d’interdiction.