Comment et pourquoi redonner du sens à l’Union européenne ?
Si à toute chose malheur est bon, le Brexit servira-t-il de catalyseur pour que les Européens redécouvrent les vertus, les mérites et les réussites de l’Union ? Toujours est-il que pour Michel Barnier qui est intervenu le 27 mars lors d’une table ronde organisée dans le cadre du congrès de la FNSEA, il ne faut pas occulter le débat démocratique et reconnaître «qu’il y a de nombreuses choses à corriger», notamment concernant «l’ultralibéralisme».
À quelques semaines des élections pour le Parlement européen qui se dérouleront en mai prochain, et à… quelques jours, voire quelques semaines, à moins que ce ne soit quelques mois du Brexit !, l’Union européenne apparaît comme fragilisée et elle peine à rassembler, à intéresser les citoyens européens. En témoigne le faible taux de participation aux dernières élections européennes de 2014 qui était de 42,43% en France.
Le 28 mars, à Nancy, les participants à une table ronde intitulée «Comment et pourquoi parler d’Europe», lors du 73e congrès de la FNSEA, ont échangé sur le projet européen et ont livré leur analyse sur la manière de le promouvoir auprès des citoyens. «L’Union européenne est fragile, il faut penser à cette fragilité et aux risques si elle venait à se briser», souligne Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, en introduction des débats.
Les leçons «positives» du Brexit
Le Brexit a mobilisé une grande partie du temps de parole des orateurs. Il se trouve en effet au cœur de l’actualité, puisque les Britanniques auraient dû quitter l’Union le 29 mars. Cependant, en raison de la succession de votes de rejets de l’accord fixant les règles du divorce par le Parlement britannique, dont plusieurs la veille des débats, la date de sortie a été repoussée. Le 27 mars, les congressistes de la FNSEA ont eu la chance d’évoquer cette question avec Michel Barnier, négociateur en chef du Brexit.
Sur le sujet, sa prise de parole, rare, a été d’autant plus appréciée. S’il considère que le Brexit n’apporte rien aux deux parties, il en tire tout de même des leçons positives. «Durant ces négociations les 27 se sont unis, et sont restés soudés, ces négociations ont donc permis de créer une nouvelle unité», constate-t-il. De plus, il estime que le Brexit a permis aux autres pays de mieux concevoir la chance que représente l’Europe. «Depuis quelque temps, on entend moins de discours qui appellent à sortir de l’Union européenne, les Français réalisent l’intérêt qu’il y a à rester dans l’Europe», explique Michel Barnier.
«J’ai envie de dire merci aux Britanniques, car l’Europe était devenue comme l’air pur, on le respire tous les jours, mais on réalise qu’il existe et qu’il est important quand il est pollué», ajoute Michel Dantin, eurodéputé français (LR). Toutefois, comme Stuart Roberts, vice-président de la NFU (syndicat agricole au Royaume-Uni), et Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert Schuman, Michel Barnier regrette que des discours de «mensonges», des non-dits, aient entraîné le Brexit.
Michel Dantin dénonce, également, l’habitude de nombreux gouvernements, notamment britannique et français, de systématiquement rejeter la faute sur l’Europe de tout ce qui ne va pas. «Il a été trop facile de dire, c’est la faute à l’Europe, mais nous, Français, nous avons rarement voté contre un texte européen. Généralement, nos gouvernements votent oui, ou s’abstiennent», précises Michel Dantin. Pour Michel Barnier, ces postures gouvernementales sont en partie responsables de l’absence de débat démocratique au niveau européen.
Parler plus et mieux d’Europe
«On ne doit pas parler d’Europe que dans les moments tragiques», souligne le négociateur en chef du Brexit. Pour contrecarrer ces mensonges, cette méconnaissance, la pédagogie et la communication semblent être des options retenues par les participants à la table ronde. «L’Union européenne est une réussite, il faut commencer à le dire, une réussite qui est allée au-delà de nos espérances, elle a permis de décloisonner les pays, de créer un espace de paix, nous sommes aussi le premier PIB mondial, la première puissance commerciale, nous avons réussi notre mutation», expose Jean-Dominique Giuliani.
En dépit de leur attachement à l’Europe, Michel Dantin, Michel Barnier et Jean-Dominique Giuliani ne se «reposent pas sur un optimisme béat», ils reconnaissent tous les trois que l’Europe a ses torts et qu’elle doit continuer à évoluer, en misant, notamment sur l’innovation, et en faisant muter le système économique. «Tout n’est pas parfait à Bruxelles, il y a de nombreuses choses à corriger, l’une des erreurs fondamentales commises par l’Europe a été de céder aux sirènes de l’ultralibéralisme», synthétise Michel Barnier.
Si l’Europe se questionne, les deux heures de débats organisés par la FNSEA semblent avoir démontré que l’Union est nécessaire pour les citoyens et le monde agricole. «Si l’on n’est pas ensemble, on est foutu ! Nous deviendrons des sous-traitants, sous l’influence des Chinois et des Américains», résume Michel Barnier.