COP 21 : l’agriculture est prête à relever le défi
Les négociations internationales sur le climat se déroulent à Paris jusqu’au 11 décembre. La nouveauté de cette conférence sur le changement climatique est la présence de l’agriculture à la table des négociations. Elle n’est plus un simple sujet d’experts mais un véritable sujet politique qui sera discuté au Bourget.
Les négociations climatiques de la COP 21 qui a ouvert ses portes le 30 novembre au Bourget à Paris, vont se dérouler jusqu’à vendredi prochain, 11 décembre. Les délégations des 196 membres de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) ont pour objectif de trouver un accord pour limiter le réchauffement de la planète à deux degrés par rapport à l’ère préindustrielle.
Les discours des chefs de gouvernement, prononcés le 1erdécembre, ont laissé place au travail des experts. Le coup d’envoi est donné par l’agriculture, thème de cette première journée. Ce fut notamment l’occasion de lancer officiellement le programme 4 pour 1000 sur le stockage de carbone dans les sols, mais aussi de présenter les initiatives du secteur de l’agriculture et de la forêt retenues dans l’Agenda des solutions.
Diviser par 4 les émissions de GES
Tous les membres de la CCNUCC ont annoncé leurs engagements de réduction des gaz à effet de serre (GES). Pour sa part, l’Union européenne vise une diminution de 50% de ses émissions de GES d’ici 2050 par rapport au niveau de 1990. Au cours des négociations, ses engagements de réduction seront une base pour les discussions. En revanche, la façon de réaliser ces engagements est propre à chaque pays.
De fait, la place des secteurs émetteurs de GES (énergie, transports, industrie, agriculture) est différente d’un pays à l’autre. Cela vaut particulièrement en agriculture. Par exemple, en Nouvelle-Zélande, l’agriculture représente plus de 46% des émissions nationales, selon les données de l’OCDE. Ainsi, le secteur de l’élevage y est très sollicité pour limiter les émissions de GES. En France, l’agriculture représente «seulement» 18% des émissions nationales.
La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC), décrétée le 18 novembre au Journal officiel, en tient compte. Elle fixe les objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Ainsi, le pays s’engage à diviser par quatre ses émissions de GES entre1990 et2050, soit une baisse de 75%. Le monde agricole va devoir faire un effort de diminution de 12% de ses émissions de GES à l’horizon 2028. Cet effort reste modeste comparé à la baisse demandée à l’industrie, aux transports et à l’énergie. Mais il fixe un cap pour l’agriculture française dans la lutte mondiale contre le dérèglement climatique.
Un cadre réglementaire rénové
Pour mettre en œuvre la stratégie bas-carbone, la France a déjà mis en place certaines règles. Présidente de cette conférence climatique, la France veut d’autant plus montrer l’exemple. «La première responsabilité de l’État est d’être exemplaire lui-même. C’est la condition pour convaincre et entraîner et l’Europe et le monde», déclarait Ségolène Royal, ministre de l’écologie, début janvier. Et depuis plusieurs mois, les pouvoirs publics vantent le nouveau cadre réglementaire français pour lutter contre le dérèglement du climat. L’Assemblée nationale a voté, le 25 novembre, une résolution transpartisane pour «une société bas-carbone».
Outre l’union parlementaire affichée face au défi climatique, les politiques agricoles et environnementales menées sous la houlette du Président de la République se veulent uniques et exemplaires en matière climatique. «La France est le premier pays du monde à avoir inscrit dans la loi sa contribution nationale pour lutter contre le dérèglement», soulignait le ministère de l’écologie, le 13 novembre. De fait, la stratégie bas-carbone est inscrite dans la loi pour la transition énergétique. Ce même ministère a aussi l’intention de rénover la loi biodiversité. Le projet de loi devrait être discuté début 2016. Une telle révision de la réglementation relative à la biodiversité n’avait pas été faite depuis trente-huit ans.
La France se veut exemplaire en matière climatique
Du côté du ministère de l’agriculture, le projet agro-écologique et la politique forestière sont les pierres angulaires de la politique menée par Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture et porte-parole du gouvernement. Quentin de La Chappelle, président de la FNCivam et céréalier dans la Marne, a reconnu, lors d’une conférence sur l’agriculture et le climat organisée par l’Institut national des relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris le 25novembre, que l’agro-écologie prend «une vraie place», aussi dans les pays du Sud où «ils (les agriculteurs) ne sont pas dépendants des énergies fossiles». Par ailleurs, il a exprimé son intérêt pour les mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) — système mis en place par la France dans le cadre du second pilier de la politique agricole commune.
La réforme Ciolos de la PAC a permis à l’Union européenne de «verdir» cette politique. «Un tiers des aides européennes est conditionné à des pratiques favorables à l’environnement», insiste Richard Etievant, chef de l’unité verdissement et éco-conditionnalité à la direction générale de l’agriculture de la Commission européenne également présent à la conférence de l’IRIS. Il se souvient : «Les négociations ont été difficiles pour prendre en compte l’environnement et le changement climatique. Car, dans le même temps, il ne fallait pas que ça soit insurmontable pour les agriculteurs».
La COP21 n’est pas une fin en soi
Le secteur agricole français se prépare depuis longtemps à cette conférence climatique. «La COP21 est le début de quelque chose, pas la fin», dit-on au ministère de l’Agriculture. François Hollande a conclu, mais brièvement, une matinée de débats sur l’élevage bovin et le climat, organisée le 20 novembre par la Fondation Nicolat Hulot, en demandant aux éleveurs de «poursuivre (leurs) efforts» et de «multiplier les initiatives» en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre. Pour ce faire, il a plaidé pour «l’innovation et la recherche». «Certains esprits pourraient être troublés et dire qu’il ne faut plus manger de viande ou se transporter, a lancé le président. Ce n’est pas la voie que nous avons choisie. Notre choix c’est de poursuivre l’activité, avoir une économie solide.»