Crise de la viande bovine: pas d’accord après la table ronde
«On n’est pas arrivé à un accord!», a affirmé Stéphane Le Foll, à la sortie de la réunion de crise du 12 mai entre les membres de la filière bovine. Il demande aux membres de la filière de «travailler de manière plus collective», reprochant à l’aval son individualisme.
Donnant suite au mouvement de colère des éleveurs bovins, qui bloquaient des abattoirs à différents endroits du territoire depuis le 7 mai, le ministre de l’Agriculture a réuni en urgence une table ronde avec les principaux acteurs de la production, de l’abattage et de la distribution le 12 mai, incitant à un sursaut collectif pour rééquilibrer la valeur ajoutée au sein de la filière.
60 centimes par kg de carcasse, c’est ce qu’il manque aujourd’hui aux éleveurs de bovins viande pour couvrir leurs coûts de production, a régulièrement dénoncé la Fédération nationale bovine (FNB) ces dernières semaines.
Après avoir alerté, le 4mai le ministre de l’Agriculture quant aux difficultés économiques prégnantes des producteurs, à l’heure où les comptes d’exploitation pour 2014 sont connus, la FNB a appelé le 7 mai à des blocages d’abattoirs dans toute la France pour obtenir une table ronde sur la question des prix. Conscient de l’urgence de la situation, Stéphane Le Foll a ainsi réuni dès le 12mai les principaux acteurs de la filière, au ministère de l’Agriculture
Déconnexion entre prix producteur et prix consommateur
Le rapport de l’Observatoire des prix et des marges a montré en 2014 une captation de 300millions d’euros au détriment des producteurs: «aujourd’hui, on a un manque à gagner de 200 à 250€ par animal», a rappelé Jean-Pierre Fleury, président de la FNB, en sortant de la réunion. En une dizaine d’années, les prix producteurs ont augmenté de 11 à 12%, tandis que les prix consommateurs affichent une hausse de 60%, ajoute-t-il. Et les coûts de production ont, quant à eux, augmenté de 52%.
Malgré cette «courbe effarante», Jean-Pierre Fleury témoigne avoir ressenti «un certain mépris» de la filière face aux revendications de la FNB. «On n’arrive pas à partager une vision commune pour l’avenir de la filière alors que nous avons des opportunités», déplore-t-il. «On a une filière qui cueille et ne se préoccupe pas du lendemain, or les éleveurs investissent sur trois ans: comment voulez-vous que ça fonctionne?», interroge Jean-Pierre Fleury.
En dépit d’une tendance baissière de la consommation, un certain nombre d’actions pourraient être mises en place pour une valorisation de la qualité (réserver systématiquement certains morceaux au haché, segmentation par races à viande…) qui pourrait séduire davantage le consommateur. Le potentiel de la restauration collective est encore insuffisamment inexploité, et les opportunités de marché dans les pays tiers ne sont pas saisies par l’aval qui «ne sait pas chasser en meute», selon le président de la FNB qui ajoute que ce n’est normalement pas aux producteurs de s’emparer seule de problématiques qui concernent tout autant voire davantage les autres maillons de la filière.
Sursaut collectif attendu
Partageant globalement le constat de la FNB, le ministre de l’Agriculture a appelé à la filière «travailler de manière beaucoup plus collective». «Si on ne s’organise pas, si on n’est pas mieux structurés pour valoriser la qualité, l’export, la viande française, on n’y arrivera pas», a-t-il commenté à l’issue de cette réunion qu’il a jugée «difficile». En ce qui concerne les prix, Stéphane Le Foll attend les résultats du plan de contrôle demandé à FranceAgriMer sur le système des cotations pour corriger les dérives éventuelles. «Il faut travailler pour équilibrer la répartition de cette valeur ajoutée dans la filière», a expliqué le ministre en rappelant que dans l’abattage, la rentabilité n’est que de l’ordre de 0,5 à 1%.
Une meilleure organisation collective est, selon lui, indispensable pour une amélioration qualitative, notamment sous le logo Viande bovine française (VBF), mais aussi pour permettre aux producteurs français de remporter davantage d’appels d’offres en restauration collective. Concernant l’export, le ministère reste mobilisé pour l’ouverture de nouveaux marchés, un inspecteur général sera d’ailleurs dédié à ces problématiques.
Si la FNB a salué la tenue de cette rencontre, elle fixe à la filière un délai d’un mois pour obtenir des résultats concrets. Sans cela, elle appelle d’ores et déjà les éleveurs à se préparer à durcir les actions syndicales. Pour la FNB, ce redressement imminent des prix reste «vital pour sauver les exploitations d’élevage». Une prochaine réunion est prévue d’ici un mois pour faire le point sur les objectifs fixés.