Crise de l’élevage : l’urgence reste encore et toujours le prix!
Réagissant à la détresse des producteurs des filières animales qui manifestent depuis plusieurs semaines, le Gouvernement a annoncé la mise en œuvre d’un plan d’urgence de 600 millions d’euros. Ce dispositif suscite des réactions mitigées.
Pour l’élevage, «force du pays, mais aussi son identité, ses racines, le Gouvernement s’est tout particulièrement mobilisé» assure Manuel Valls qui ne s’est pas montré avare de louanges vis-à-vis du secteur agricole en présentant le plan d’urgence le 22 juillet. Le Premier ministre dit avoir pris acte depuis plusieurs mois des difficultés traversées par les productions animales. Mais les manifestations et blocages de ces derniers jours sur le terrain ont sans doute accéléré la réflexion au sommet de l’État.
Suite au conseil des ministres de ce mercredi, 24 mesures ont ainsi été présentées par le chef du Gouvernement et son ministre de l’agriculture en soutien à l’élevage français et «pour sortir d’une crise qui couve depuis trop longtemps, quelle que soit la majorité au pouvoir», n’a pas manqué de souligner Manuel Valls.
Faire respecter les engagements
La première partie du plan s’attelle aux mesures d’urgence, avec une première action sur le redressement des cours et des prix, en particulier pour faire respecter les engagements pris lors des tables rondes avec les filières bovine et porcine. Des dispositions sont prises également pour restructurer les dettes (bancaires, mais aussi les dettes auprès des fournisseurs, notamment d’alimentation animale).
Par ailleurs, 50 millions d’euros sont dédiés aux allégements de charges, contre 8M€ initialement prévus lors de la mise en place des cellules de crises départementales en février, et 50 M€ sont débloqués pour les exonérations de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB). Des reports sont en outre possibles pour les cotisations MSA (200M€), pour l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés (150 M€), et un remboursement anticipé de TVA sera effectué pour un montant de 150€. Des mesures qui seront effectives dès le 31 juillet (date pour les retours terrain des cellules d’urgence départementales), jusqu’à la fin de l’année, a précisé Stéphane Le Foll.
Pour consolider le secteur à plus long terme, le plan prévoit de faciliter les investissements en matière de compétitivité et de durabilité, grâce à la mobilisation du Programme des investissements d’avenir et de BPI France, avec un dispositif de prêts garantis pouvant s’élever à 500M€.
Contractualisation et export
La contractualisation, levier cité à plusieurs reprises par la profession, «fera l’objet d’une rencontre spécifique avec le ministre de l’économie», a précisé le ministre de l’agriculture. L’exportation est également l’une des pistes de travail de l’État qui débloque un soutien de 10M€ pour les actions de promotion. Certains marchés extérieurs sont plus particulièrement ciblés, a indiqué le Premier ministre qui a cité la Grèce, la Turquie, le Liban et le Vietnam. La plateforme Viande France Export en cours de mise en place regroupera les 13 opérateurs français en une seule société, ce qui facilitera la réponse aux appels d’offres.
Pour favoriser les achats de viande française, le logo Viande de France, utilisé à 50% pour le moment, sera davantage valorisé auprès du consommateur, et davantage contrôlé par la DGCCRF.
Un effort est aussi engagé sur la restauration collective et hors foyer: l’État donnera l’exemple en révisant ses approvisionnements en matière de viande d’origine française, et incitera les collectivités locales à en faire de même.
Enfin, des mesures sont mises en œuvre pour diversifier les revenus des éleveurs via la transition énergétique: exonérations de fiscalité locale pour les installations de méthanisation agricole, adaptation des tarifs d’achat de l’électricité produite par ces installations, soutien au développement du photovoltaïque dans les élevages, baisse du coût d’accès au réseau des bâtiments isolés. En Allemagne, ces activités peuvent constituer jusqu’à 30 à 40% du revenu des éleveurs.
La FNSEA en attend davantage
Si le président de la FNSEA Xavier Beulin considère que les mesures présentées constituent une réponse «de court terme à quelques exigences», «ce n’est pas ce qui nous redonnera fondamentalement des perspectives durables». Pour lui, le problème de fond de la compétitivité n’est pas réglé, avec des normes et des charges sociales plus importantes que dans les autres pays européens.
Si ces conditions de production sont un gage de qualité pour la viande française, il faut selon lui payer cette qualité au juste prix, ce que les distributeurs se refusent à faire. Répercuter cette hausse sur les prix de vente ne constitue qu’un impact à hauteur «de moins d’un centime sur la tranche de jambon, et de 2 à 3 centimes sur le steak haché». «Est-ce que ça met en péril le pouvoir d’achat des Français?», demande-t-il.
Pour la FNSEA, les priorités restent donc la revalorisation effective des prix, la restructuration des dettes agricoles au-delà des prêts de consolidation et des reports de charge, «des dispositifs qui sont du recyclage», et la contractualisation. Tant que ces trois points ne feront pas l’objet d’une amélioration notable, les actions risquent de se poursuivre sur le terrain. Et, d’autres rendez-vous seront à prendre pour «faire en sorte qu’en septembre-octobre, on soit en mesure d’annoncer des choses mesurables par les producteurs», estime ainsi Xavier Beulin.