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Éradication de l’influenza aviaire : un dispositif boiteux

Alors que des avancées franches étaient espérées dans la stratégie de lutte contre l’épizootie d’influenza aviaire, le déplacement du ministre de l’agriculture à Mont-de-Marsan, mardi 21 février, s’est soldé par des demi-mesures davantage dictées par les contraintes budgétaires que par une logique sanitaire, au grand dam des professionnels qui n’ont pas caché leur scepticisme. Quant aux indemnisations, Stéphane Le Foll n’a rien annoncé de nouveau.

file-Tout ça pour ça… aurait-on envie de dire en comparant l’agitation médiatique qui a accompagné la visite du ministre et le contenu des annonces.
Tout ça pour ça… aurait-on envie de dire en comparant l’agitation médiatique qui a accompagné la visite du ministre et le contenu des annonces.

Stéphane Le Foll était attendu dans les Landes, le mardi 21 février, avec l’espoir d’annonces claires. Avec cette visite, il avait l’occasion de rassurer les professionnels de la filière palmipèdes à foie gras qui avaient émis, durant les jours précédents, des attentes fortes au niveau de la stratégie de lutte contre l’épizootie, mais aussi en matière de rapidité de mise en œuvre des dispositifs d’indemnisation. Au final, ses propos ont plus souvent soufflé le froid que le chaud. De plus, de trop nombreuses zones d’ombre demeurent.

Contrairement à l’hypothèse avancée quelques heures plus tôt, le ministre n’a pas annoncé un recours à un dépeuplement total et rapide des zones concernées par l’épizootie. Pourtant, une telle option aurait, aux yeux de beaucoup, ouvert la voie à un assainissement efficace du territoire et un redémarrage dans les meilleurs délais.

Une stratégie inattendue

Faisant le constat d’une évolution positive dans certaines zones et sur la base d’avis de l’Anses, les pouvoirs publics misent plutôt sur une stratégie axée autour des zones non encore stabilisées dans lesquelles des opérations de dépeuplement vont être renforcées. Celles-ci correspondent à l’ouest du département des Landes (Chalosse) et la frange frontalière des Pyrénées-Atlantiques.

Dans ces zones instables, la principale mesure nouvelle prévoit l’extension de l’abattage préventif des palmipèdes élevés en plein air (prêts à gaver) dans un périmètre de dix kilomètres autour des foyers (à l’échelle des communes), contre trois précédemment.

Une nouvelle carte a donc été établie et une nouvelle campagne d’abattage préventif a été lancée. Selon les estimations, elle concerne environ 360.000 canards encore présents en début de semaine dans les communes concernées. «L’objectif est de terminer ces abattages d’ici 15 jours», a précisé le ministre.

Sur le reste des Landes (le nord) et le nord des Pyrénées-Atlantiques (hormis la frange faisant l’objet d’abattages préventifs), qui correspondent à des zones de contrôle temporaire, il a été décidé d’interdire les remises en place et les mouvements de palmipèdes.

Sur le principe du dépeuplement progressif, «les animaux pourront terminer leur cycle de production et être valorisés», précise-t-on au ministère. «Pour que la stratégie de lutte sur les zones aujourd’hui instables soit efficace, cette opération sur les territoires contigus est nécessaire», a commenté le ministre de l’agriculture.

Vide sanitaire général

À l’issue de ces opérations, un vide sanitaire général sur les élevages de palmipèdes sera pratiqué. Il devrait concerner la grande zone réglementée du Gers, des Landes, des Pyrénées-Atlantiques et des Hautes-Pyrénées. «La remise en production des palmipèdes pourrait intervenir d’ici la fin mai…», a indiqué Stéphane Le Foll, employant toutes les précautions d’usage. En effet, une telle estimation apparaît valable pour autant qu’il n’y ait pas de nouveaux foyers…

Concernant les gallinacées, le ministre a souligné que leur remise en place est d’ores et déjà possible dans certaines zones bien précises, considérées stabilisées (publiées sur le site internet du ministère), sans apporter plus de précision pour les autres secteurs.

Interrogé sur la situation des élevages non-commerciaux (palmipèdes ou volailles), il s’est contenté d’indiquer qu’un débat devait avoir lieu avec les préfectures sur le sujet. «On doit appliquer des mesures de biosécurité partout… Je fais confiance aux préfets pour cela», a-t-il poursuivi.

Un simple rappel

Les indemnisations constituent l’autre chapitre sur lequel des précisions étaient attendues. Le ministre de l’agriculture a principalement répété les informations diffusées sur le sujet ces derniers jours. Les premières avances sont tombées cette semaine pour les producteurs dont l’élevage a été un foyer d’influenza, tandis que l’échéance du mois de mars a, une nouvelle fois, été avancée pour les indemnisations concernant les éleveurs dont les animaux ont été abattus à titre préventif.

«On a aussi un travail à engager sur la perte économique, a expliqué Stéphane Le Foll. Pour les premiers touchés, nous allons mettre en place des avances. L’autre échéance nous emmène au printemps, le temps de pouvoir calculer les pertes».

Pour les opérateurs de l’aval de la filière (abatteurs, transformateurs…), un dispositif d’avances remboursables sera rapidement mis en place sous l’égide de FranceAgriMer afin de soutenir la trésorerie des entreprises. Il devra venir en complément des dispositifs d’ores et déjà mobilisables (activité partielle, remises gracieuses et reports de charges sociales et fiscales, préfinancement du CICE…).

Si le versement des premières avances à l’amont constitue une bonne nouvelle, aucune véritable annonce supplémentaire n’a donc été réalisée sur ce dossier. Or, ce flou est particulièrement lourd à supporter pour les producteurs ou les entreprises.

Un modèle à réinventer?

Le futur modèle de fonctionnement de la production a été le dernier point abordé par le ministre. Un point qui a fait écho au plan présenté par le Cifog. «L’État et la profession doivent rapidement bâtir un pacte pour détailler les engagements à court, moyen et long termes… Quoi qu’il arrive, il faudra améliorer la détection d’éventuels foyers et la rapidité d’intervention. Les questions du transport et de l’organisation des mouvements vont devoir aussi être étudiées».

Enfin, Stéphane Le Foll a abordé la problématique des périodes à risque élevé vis-à-vis de l’influenza. Sur ce point précis, il a indiqué que les «arbitrages vont être réalisés en fonction du moindre coût pour avoir l’efficacité maximale… Je ne ferme aucune piste». Rendez-vous fin avril pour les décisions sur ce dossier.

Fabien Brèthes

«Un choix risqué» s’inquiète la FDSEA 40
La semaine dernière, la FDSEA des Landes avait émis des revendications claires. L’une d’elles portait sur le recours à un vide sanitaire total, afin d’éviter de conserver des animaux potentiellement porteurs sur le territoire puis redémarrer la production sur des bases assainies. Les chambres d’agriculture (APCA) et le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog) partageaient ce point de vue. Cette mesure difficile aurait appelé un repeuplement rapide.
Les réponses apportées par Stéphane le Foll ont donc été accueillies comme des demi-mesures, dictées surtout par des contraintes budgétaires. Un choix risqué aussi, qui laisse planer un risque d’un nouveau retard pour le redémarrage de la production. «Notre crainte est que ce dispositif présente des failles et laisse la place à d’autres foyers d’émerger ici ou là», commente François Lesparre, président de la FDSEA des Landes.
Sur le plan des indemnisations, le syndicat a exhorté l’État à débloquer rapidement les indemnisations et les moyens financiers suffisants permettant d’éviter la faillite de ces filières. Si les versements des premières avances pour les foyers vont dans le bon sens, peu de précisions supplémentaires ont donc été apportées.
Pour le Cifog, «une filière sinistrée»
Le Cifog prend acte de la décision du ministre de l’agriculture d’étendre la zone d’abattage préventif des canards dans les Landes afin de stopper le virus H5N8 qui a déjà décimé plus de 3,2 millions de canards. L’interprofession réclamait une mesure plus drastique de lutte contre le virus afin de pouvoir redonner de la visibilité aux professionnels.
Le Cifog tient à rappeler les conséquences extrêmement lourdes pour tous les acteurs de la filière, tant sur le plan psychologique que financier. Les pertes induites par cette nouvelle épizootie d’influenza aviaire étaient déjà estimées à plus de 210 millions d’Euros, auxquelles il faudra à présent ajouter ce nouveau dépeuplement.
Face à ce drame humain et économique, le Cifog acte la mise en place des premières mesures de financement pour les producteurs dont l’exploitation a été dépeuplée. Il demande aussi la mise en œuvre des avances pour les couvoirs sinistrés de la zone et pour les producteurs dont les exploitations sont à l’arrêt du fait de leur localisation dans les zones réglementées.
D’autre part, le Cifog alerte les pouvoirs publics sur les conséquences dramatiques inévitables pour les entreprises (abattoirs et ateliers de transformation) de ces départements, qui se trouvent à nouveau sinistrées et pour lesquelles le plan d’accompagnement du précédent épisode H5N1 n’est toujours pas bouclé.

 

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