Gestion de l'eau : le gouvernement relance les projets de territoire
Un rapport sur la gestion de la ressource en eau a été remis au gouvernement le 25 septembre. Le document présente des recommandations pour l’élaboration des projets de territoire, outil mis en avant par la cellule d’experts afin de faciliter la gestion de cette ressource. Les ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique ont décidé d’en suivre certaines, ce qui ne satisfait pas les organisations agricoles.
La cellule d’expertise avait été mise en place suite à la présentation, en août 2017, des orientations gouvernementales pour lutter contre la sécheresse et les effets du changement climatique. Placée sous l’autorité du préfet Pierre-Étienne Bisch, elle a mené des travaux d’octobre 2017 à juin 2018. «Face au constat d’un déficit hydrique s’aggravant année après année», le rapport met en avant trois urgences à concilier.
La première est la restauration des équilibres quantitatifs en période estivale et le respect du bon fonctionnement des milieux naturels qui en dépendent. La deuxième urgence consiste à inscrire les premières réponses dans une logique de long terme. Enfin, le rapport souligne qu’il est nécessaire de construire des modèles d’agriculture durables. Les auteurs estiment que les projets de territoire sont un bon outil d’animation locale, s’ils sont utilisés à bon escient et dans une logique de co-construction.
Le rapport propose donc des orientations pour optimiser la ressource en eau, en faisant notamment des recommandations sur l’élaboration des projets de territoire dans le cadre de l’instruction actuelle du gouvernement. Le rapport préconise, pour éviter toute confusion avec d’autres politiques publiques locales, de remplacer la dénomination «projet de territoire» par celle de «projet de territoire pour la gestion de l’eau».
La cellule d’expertise estime que la gouvernance dédiée à ces projets, doit représenter la diversité des usages et des acteurs et doit être mise en place dès le lancement. Le rapport préconise que cette co-construction passe par l’association formalisée de tous les acteurs. Il prescrit également l’élaboration d’un état des lieux partagé dans la transparence, ce qui constituerait «la condition indispensable à la bonne réussite d’un projet de territoire». Il doit permettre une approche globale de la ressource en eau.
Clarifier la notion de substitution
En raison des polémiques et des débats autour de la notion de substitution (état initial et besoins en eau), le rapport souligne la nécessité de la clarifier et de mieux en partager la définition. L’APCA, qui a participé à cette cellule d’expertise, estime qu’il faut «développer des outils nationaux à mettre à la disposition des acteurs de terrain afin d’améliorer la connaissance de la ressource et permettre une appréciation de la notion de substitution à l’échelle de la ressource (avec les outils existants : SDAGE, SAGE, EEVP…) et non par ouvrage».
Le rapport publié le 25 septembre préconise un renforcement de l’approche économique des projets de territoire, en systématisant, par exemple, l’analyse coûts-bénéfices. De plus, il conseille d’accompagner les professionnels de l’agriculture afin de faciliter la mise en œuvre de solutions systémiques, au-delà de la seule réponse à un besoin en eau. Une partie des recommandations s’adressait au gouvernement, notamment aux ministères de l’Agriculture et de la Transition écologique et solidaire.
Pour donner suite à ces recommandations, François de Rugy, ministre d’État, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Stéphane Travert, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, ont conjointement décidé d’en mettre certaines en œuvre. La première mesure est l’encouragement du recours à la méthode des «projets de territoire» pour la gestion de l’eau à partir du 1er janvier 2019. Cette mesure ne satisfait par la FNSEA, Jeunes Agriculteurs, l’APCA, Coop de France et Irrigants de France, qui estiment que la mise en place des projets de territoire s’apparente «trop souvent à de l’immobilisme».
Des mesures ministérielles insatisfaisantes
Autre mesure annoncée par les deux ministres, le comité national de l’eau sera chargé d’élaborer, pour le 1er janvier 2019, des lignes directrices à l’intention des porteurs de projets de territoire. Toujours à partir de cette même date, le calcul des «volumes préalables» évoluera pour permettre à chaque bassin d’améliorer la compatibilité des prélèvements avec le bon état des milieux et l’adaptation au changement climatique des systèmes de production agricole. Les deux ministères se sont accordés sur la nécessité de réaliser un bilan des retenues d’eau existantes et de leurs usages.
De plus, l’Agence française pour la biodiversité mettra en place, au 1er janvier 2019, un centre de ressources afin de valoriser les études, outils et retours d’expériences françaises et étrangères sur les économies d’eau et la gestion quantitative de la ressource en eau. Pour finir, les services de l’État (DDT (M), DREAL, et DRAAF) se mobiliseront pour accélérer les projets de territoire qui sont bien engagés et appuyer les maîtres d’ouvrage des projets qui ne satisfont pas aux critères identifiés par la cellule d’expertise, afin d’améliorer leur projet.
L’ensemble de ces propositions ne satisfait pas la FNSEA, JA, l’APCA, Coop De France et Irrigants de France. Elles attendaient «une véritable ambition pour l’agriculture française». Elles espèrent que «la seconde phase des Assises de l’eau soit l’occasion d’une relance de la politique de mobilisation de la ressource en eau (retenues et transferts d’eau) en France».