Glyphosate : La France fait de la surenchère
Bien que l’Union européenne ait adopté une prolongation de cinq ans de la mise en marché du glyphosate, Emmanuel Macron veut interdire la molécule dans l’Hexagone d’ici trois ans.
Après des débats passionnés et deux reports de vote (25 octobre et 9 novembre), les États membres de l’Union européenne ont finalement adopté une prolongation de cinq ans de l’autorisation du glyphosate. Cette décision aurait pu être un motif de soulagement pour les agriculteurs français, si le Président de la République n’avait pas, dans la foulée, réaffirmé sa décision d’interdire l’utilisation de la molécule dans l’Hexagone en moins de trois ans.
«Le réalisme d’un certain nombre de pays européens fait que l’on colle beaucoup plus au temps scientifique», a jugé Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, à l’issue du vote du comité d’appel des experts. Le lundi 27 novembre, 18 États membres ont, en effet, décidé de prolonger de cinq ans l’autorisation de mise en marché de cet herbicide, jugé non cancérigène par la majorité des agences sanitaires, mais classé comme cancérigène probable par le Centre international de recherche contre le cancer (Circ), lié à l’OMS. La Commission européenne va, maintenant, adopter le nouveau règlement qui s’appliquera à partir du 16 décembre.
La France persiste
La Commission européenne qui, en juillet, voulait initialement proposer un renouvellement pour dix ans, avait, ensuite, proposé cinq ans face à la réticence d’une trop grande majorité d’États membres, sans pour autant trouver d’accord sur cette proposition, le 9 novembre. 14 pays sur 28 avaient voté pour, mais sans atteindre la majorité qualifiée nécessaire de 65% de la population européenne.
Cette fois, dix-huit pays ont voté en faveur de la proposition de l’exécutif européen, 9 contre (dont la France et l’Italie) et un seul s’est abstenu (le Portugal). L’Allemagne (de même que la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie) est passée de l’abstention, lors du précédent vote, à une position favorable ce qui a fait basculer la majorité.
Réagissant juste après l’annonce du vote, lors d’un déplacement dans la Marne, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, a estimé que le renouvellement pour cinq ans «correspond[ait] au temps de la pratique agronomique nécessaire à la sortie du glyphosate», considérant que cette décision n’était pas un revers pour la France. Néanmoins, restant sur la ligne du ministre de la transition écologique, Nicolas Hulot, qui n’avait pas caché sa préférence pour une interdiction dans les trois ans, le Président de la République a réaffirmé sa position en faveur d’une sortie plus rapide en France.
«J’ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l’utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans les trois ans», a-t-il déclaré sur son compte Twitter. Une prise de position qu’a regrettée Christiane Lambert : «quand on aime l’Europe comme Emmanuel Macron, on en accepte les principes et les décisions même quand ils ne nous arrangent pas», a-t-elle commenté également sur Twitter.
«Ce temps politique est en décalage avec le temps de la recherche scientifique», déplore ainsi la FNSEA. Et ce, d’autant plus que les agriculteurs travaillent depuis plusieurs années à la recherche de solutions alternatives. C’est d’ailleurs à l’invitation de la FNSEA que le ministre de l’agriculture se trouvait, le même jour, en compagnie de Christiane Lambert sur une exploitation dédiée à la recherche agronomique, Terra Lab, dans la Marne.
Reniement de promesses
Pour l’instant, une interdiction brutale du glyphosate conduirait une majorité d’agriculteurs à revenir à des substances abandonnées, il y a plusieurs années, car plus dangereuses et déversées à plus hautes doses pour un même résultat. Sans compter qu’une interdiction en France et non dans les autres pays de l’Union européenne reviendrait à créer une nouvelle distorsion de concurrence, renchérissant le coût de production des produits français vis-à-vis de ceux de leurs voisins européens, alors même qu’Emmanuel Macron avait promis de cesser les surtranspositions de normes à la française.
La FNSEA regrette cette provocation et dénonce «l’acceptation de règles différentes pour ce que l’on produit et pour ce que l’on importe, car cela devient insupportable». Le syndicat annonce d’ailleurs que, d’ici quelques jours, «l’ensemble des agriculteurs, toutes productions confondues, manifesteront sur tout le territoire pour mettre en avant ces contradictions, ces distorsions et, au fond, ces injustices qui touchent l’ensemble des agriculteurs».