Hubert Buchou, une figure de la “Révolution silencieuse”, s’est éteint
Hubert Buchou est décédé le 20 novembre à l’âge de 90 ans. Européen convaincu, il fut notamment président de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques, mais aussi conseiller municipal à la ville de Pau ou encore conseiller aux affaires agricoles de Jacques Chirac. Le monde agricole retiendra qu’il fut, entre autres, le président fondateur du Centre national des jeunes agriculteurs et l’un des acteurs majeurs de la mise en œuvre des lois d’orientation de 1960 et 1962, dont certains instruments, comme la dotation à l’installation des jeunes (DIJA), perdurent encore aujourd’hui
Hubert Buchou présida la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques du 22 mars 1963 au 11 juin 1971. À ce moment-là, on parlait plutôt de Fédération des syndicats agricoles du Béarn et du Pays basque. Et ce fut une époque «où les jeunes avaient eu à prendre la place», nous avait confié celui qui fut, entre autres, le premier président du Centre national des jeunes agriculteurs et l’un des fondateurs de la toute nouvelle Fédération nationale des Safer.
Le vendredi 20 novembre, cette figure des Trente Glorieuses s’est éteinte. Il avait 90 ans. L’évocation de sa longue et brillante carrière professionnelle nous replonge dans une ère où produire n’était pas un gros mot. Au contraire, était-ce un défi pour cette génération de paysans à laquelle fut confiée la noble mission de nourrir la France et l’Europe. Tel était le sens des lois d’orientation de 1960 et 1962 qui ont engendré des réformes uniques dans l’histoire de l’agriculture. Et, dans le sillage de Louis Bidau, Buchou fut l’un des acteurs majeurs de cette histoire, synonyme de mutation technologique mais aussi, selon ses propres termes, de «mutation mentale».
«Mutation mentale»
Avec la création de la Safer, priorité fut en effet donnée à l’action sur les structures, à l’installation de jeunes, à la consolidation des exploitations. Priorité aussi à la formation dans une France rurale qui ne percevait pas l’utilité de l’enseignement agricole: «Pour traire ou labourer, à quoi bon aller à l’école!». Priorité encore à l’organisation de la production (création de groupements de producteurs et de coopératives), à la mutualisation des moyens d’exploiter (naissance des GAEC), ainsi qu’au financement de la protection sociale obligatoire. Mutation encore dès lors que le traité de Rome conférait à la politique agricole une dimension européenne et non plus simplement locale ou nationale.
Ainsi se forgea le modèle agricole français qui fut l’un des moteurs de la forte expansion économique de notre pays et du développement de ses territoires. Sur cette période, Hubert Buchou jetait un regard nullement nostalgique mais lucide. Conscient des imperfections de ce mode de développement, il a toujours exprimé le grand regret de n’avoir pu suffisamment y associer les consommateurs. Ceci dit, l’Histoire retiendra avant tout de ces trois décennies de «révolution silencieuse» les progrès considérables apportés à la condition paysanne. Buchou aura largement contribué à ce formidable élan de progrès social par son son combat sans relâche «pour la dignité des hommes et des femmes de nos campagnes», témoigne Bernard Layre, actuel président de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques.
Un homme sans frontière
Et ce combat dépassait largement le cadre agraire: le plus emblématique est certainement celui de la liaison routière Pau-Saragosse et du tunnel du Somport. Persuadé de l’incontestable utilité de cet axe pour le développement des échanges de part et d’autre des Pyrénées, Hubert Buchou s’était investi dans la réalisation destinée à nous rapprocher de cette Espagne qu’il connaissait si bien et qu’il chérissait tant. Mais il n’avait pas mesuré — et il le reconnaissait volontiers — la puissance de certains lobbys et leur capacité à s’opposer à des projets pourtant reconnus d’intérêt général.
Des projets destinés à «relier les hommes», tel celui qui l’amena en 1966, par-delà les clivages, à opérer le rapprochement entre le journal Le Sillon et Le Réveil landais, créant ainsi avec son homologue landais Jacques Castaing Le Sillon des Landes et des Pyrénées. Dans le numéro 1 daté du 6 janvier 1966, les deux responsables cosignaient ainsi un éditorial qui en dit long encore aujourd’hui: «Vœux paysans sans frontières».
Un homme fidèle
Par-delà ses engagements, chacun qui l’a connu aime à se remémorer l’homme chaleureux qu’il fut, avide de rencontres et d’échanges, amoureux des mots et de l’écriture. Lors de ses obsèques qui ont été célébrées ce mardi 24 novembre en l’église Saint-Jean-Baptiste à Pau, Bernard Layre rendait un émouvant hommage à ce «visionnaire humaniste». Il gardera en mémoire, outre l’apparente bonhomie, «ce regard fixe et cette grande concentration qui laissaient transparaître une grande intelligence».
Dans son homélie, l’abbé Duffourc saluait quant à lui «la fidélité» d’Hubert Buchou: fidélité à ses racines, à sa langue béarnaise, à ses proches, à sa foi chrétienne… Et le maire de Pau François Bayrou évoquait ce «penseur d’idéal, pleinement conscient de la classe paysanne». H.Buchou fut ainsi «leader et homme d’équipe» et même «créateur d’équipe». Buchou «pilier du syndicalisme agricole» mais aussi élu local (membre du conseil municipal de Pau de 1959 à 1971) et député européen. Point d’orgue à cet hommage, la cérémonie s’achevait sur les notes de la 9e symphonie de Beethoven, et son positiviste «Ode à la joie»: ce si bel hymne qui seyait si bien à cet Européen convaincu.
Guy Mimbielle
Du Hameau de Pau au Parlement européen, une vie d’engagementsHubert Buchou est né le 2 janvier 1925 à Pau. Dans son ouvrage “La ronce ou le grain”, il se plaisait à rappeler qu’il était «tout d’abord paysan, de toutes mes fibres et depuis des générations». Ses parents béarnais vivaient sur une ferme de 8 hectares au hameau de Pau. «Ces huit hectares supportaient 12 laitières, 2 chevaux de trait, 2 ha de maïs, 1 ha de cultures maraîchères et quelques productions animales hors système». Il aimait aussi rappeler à ceux qui l’ont côtoyé (ou interviewé) qu’il avait appris le français à l’âge de 5 ans. Puis, il avait suivi des études secondaires qu’il complétait plus tard par une formation culturelle et une ouverture à la vie politique, «vite abandonnée pour me consacrer à l’organisation syndicale et professionnelle paysanne» précisait-il. Issu des rangs de la JAC, il rejoignait ainsi le Cercle national des jeunes agriculteurs avant de créer, en 1956, avec Michel Debatisse, le CNJA (Centre national des jeunes agriculteurs). Il accédait ensuite à la présidence de la FDSEA des Pyrénées-Atlantiques en 1963 puis à la vice-présidence de la FNSEA ainsi qu’à la présidence de la FNSafer. Localement, Hubert Buchou s’est vu confier de nombreuses autres responsabilités dont la présidence de la CARA (Compagnie d’aménagement rural d’Aquitaine) ainsi que celle, en 1971, de la Coop de Pau, groupe coopératif devenu par la suite Euralis. Parallèlement à son parcours professionnel, il s’était également impliqué dans la vie publique aux différents échelons de décision: Par ailleurs, Hubert Buchou a écrit ou collaboré à quatre ouvrages: |