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Influenza aviaire : «Le risque est de courir en permanence après le virus»

Face à un virus particulièrement contagieux et virulent, François Landais, vétérinaire au cabinet Abiopôle dont le siège est installé à Arzacq-Arraziguet, livre son regard sur la situation actuelle. Le praticien spécialiste des palmipèdes revient sur les modes de propagation du germe pathogène dont la phase d’incubation est assez longue.

file-Cet épisode d’influenza aviaire se caractérise par une intensité particulièrement forte à l’échelle européenne.
Cet épisode d’influenza aviaire se caractérise par une intensité particulièrement forte à l’échelle européenne.

Face à des données très évolutives, il est difficile de dresser un état des lieux à un instant T de l’épizootie d’influenza aviaire. Une chose est sûre, le virus s’est encore propagé au cours des derniers jours, avec plusieurs nouveaux foyers confirmés et de nouvelles suspicions. Jusqu’ici, tous ces nouveaux cas concernent le territoire de la Chalosse, où les premiers foyers sont apparus vers le 19 décembre.

Avec l’apparition des premières contaminations dans cette région à forte densité avicole, les pouvoirs publics ont décidé d’adapter la stratégie de lutte en procédant à des dépeuplements préventifs ciblés dans un rayon de 3 kilomètres autour des foyers. «Cette stratégie, visant à rompre les chaînes de propagation du virus, sera déployée autour des nouveaux cas confirmés», explique le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation dans un communiqué.

Ce mardi, un arrêté a été publié au Journal officiel. Il permet aux préfets de faciliter la mise en œuvre des abattages préventifs au sein d’un territoire couvrant une centaine de communes, principalement dans les Landes. «L’arrêté n’ordonne donc pas la réalisation d’abattages préventifs systématiques dans les communes désignées mais permet d’agir dans le cas de foyers confirmés», a précisé le ministère.

Quelle analyse faites-vous de la dynamique de l’épidémie ?
François Landais - On sait que l’on a affaire à un virus particulièrement contagieux et virulent. Les cas index sont très certainement liés à une contamination via la faune sauvage. Maintenant, avec la multiplication des cas en Chalosse, on est en plein dans la logique des contaminations de proche en proche, qui représentent le gros de la diffusion. La proximité des élevages permet au virus de se propager par voie aérienne notamment.

Ce qui s’est passé sur la première zone touchée a montré que les mesures de lutte, par l’élimination des animaux des foyers et la détermination des zones de protection et de surveillance, ont une efficacité certaine. Depuis deux semaines, la situation est sous contrôle dans le territoire de la Maremne. Malheureusement, au cœur de la Chalosse, la proximité et la densité des ateliers font qu’il est extrêmement compliqué d’éviter une diffusion par tache d’huile.

Quels sont les modes de contamination à l’œuvre ?
F. L. - La contamination aéroportée, avec des poussières, du duvet voire des plumes, emportés par le vent sur quelques dizaines ou centaines de mètres, suffit à faire circuler le virus d’élevage en élevage. Bien sûr, la probabilité de contamination est d’autant plus forte que les animaux sont en extérieur. Très logiquement, dans un bâtiment ou sous un filet, ils sont mieux abrités. Certes, ces protections ne sont pas infaillibles. On l’a vu en Europe du Nord et on le constate aussi en Pays de Loire et dans le Sud-Ouest. Mais les cas sur des animaux claustrés restent très faibles au regard du nombre de volailles beaucoup plus important qui sont élevées dans ces conditions.

Les conditions météorologiques ont-elles un impact sur la diffusion ?
F. L. - Il peut y avoir plusieurs effets. Le vent est clairement un facteur de dispersion des poussières et des duvets. En revanche, la pluie a tendance à plaquer les poussières au sol. Par contre, on peut avoir du ruissellement avec du lessivage de zones qui seraient contaminées. Des études ont montré que les virus de type influenza peuvent survivre entre 10 et 28 jours dans de l’eau à 5 ou 10 degrés. Le temps froid et humide favorise également le maintien du virus dans l’environnement. Ce qui implique la nécessité de mettre en œuvre des solutions de décontamination rapides et efficaces vis-à-vis des foyers.

Quelles sont les différences avec la crise H5N8 vécue il y a quatre ans ?
F. L. - Ce sont les mêmes modes de propagation et les mêmes facteurs de risque. Par contre, on observe, semble-t-il, une pression de la faune sauvage beaucoup plus importante cet hiver. Si peu de cas ont été signalés en France, nos voisins européens font état de milliers voire de dizaines de milliers d’oiseaux sauvages trouvés morts avec du virus H5N8. On parle de 15.000 en Allemagne. Les Pays-Bas ont arrêté de compter, ils parlent désormais en tonnes d’oiseaux. La pression de contamination à la base est donc très forte.

Ces constats posés, quel regard portez-vous sur les modalités de lutte choisies par les pouvoirs publics ?
F. L. - La pratique des abattages préventifs est une épreuve pour les éleveurs. Psychologiquement, c’est très difficile à accepter. Mais c’est une stratégie qui s’entend d’un point de vue scientifique. Le but est d’essayer de dépeupler avant que le virus ne touche de nouveaux animaux qui vont le multiplier. Il faut avoir à l’esprit qu’à chaque fois qu’un nouvel élevage est frappé, on remet du virus dans l’environnement de manière phénoménale. Par contre, une telle stratégie nécessite d’intervenir très vite.

C’est-à-dire…
F. L. - Il faut comprendre que ce virus a une phase d’incubation assez longue, qui peut aller jusqu’à cinq jours voire une petite semaine. Durant cette phase, les animaux excrètent déjà, bien qu’ils paraissent en bonne santé. C’est un élément qui rend la gestion très difficile. Quand une suspicion est déclarée, on sait que les animaux excrètent le virus depuis plusieurs jours. Celui-ci a pu déjà circuler plus loin et toucher un atelier à proximité dont les animaux ont l’air en bonne santé jusqu’ici, mais pour lesquels l’éleveur va appeler dans trois ou quatre jours. Le risque est donc de courir en permanence après le virus.

À vos yeux, quels sont donc les enjeux actuellement ?
F. L. - L’objectif est de circonscrire les contaminations dans un territoire qui soit le plus réduit possible. Cela est envisageable tant que le virus ne fait pas de grands bonds géographiques. C’est pourquoi la détection de foyers en périphérie de zones réglementées est toujours un élément inquiétant.
Enfin, je le redis, dans une stratégie de dépeuplement préventif, il est essentiel de se doter de moyens suffisants pour intervenir rapidement. Sans quoi on risque de se faire rattraper par le virus.

Propos recueillis par Fabien Brèthes

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