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Influenza aviaire : les craintes d’un virus endémique

L’épizootie d’influenza aviaire se poursuit cet automne. La contamination de l’environnement et des oiseaux sauvages autochtones laisse présager une endémisation de la maladie sur le territoire français.

Contrairement aux années précédentes, le virus de l’influenza aviaire n’a pas cessé de circuler durant l’été, avec de très nombreux cas en faune sauvage.
© Le Sillon.info - Y. Allongue

Avant un hiver à haut risque sanitaire, le scénario redouté prend forme : l’influenza aviaire est en passe de devenir endémique en France. Contrairement aux années précédentes, le virus n’a pas cessé de circuler durant l’été, avec de très nombreux cas en faune sauvage. Résultat : au 16 novembre, on compte déjà 60 foyers en élevages, quand le premier cas de l’an dernier avait été observé le 27 novembre. «On sait qu’on va devoir vivre avec», résume Joël Limouzin, président de la chambre d’agriculture de Vendée. Dès lors, la question n’est plus seulement de lutter contre la maladie, mais de s’organiser pour continuer à produire.

Première réponse : la vaccination. Alors qu’elle divisait les filières avicoles il y a peu, cette solution est désormais attendue par tous. C’est particulièrement le cas en canards gras, l’espèce la plus sensible aux virus circulant actuellement. Attendu au mieux pour l’automne 2023, le vaccin «nous permettrait d’être moins vulnérables, avec des animaux qui excrètent moins de virus», résume la directrice du Cifog Marie-Pierre Pé.

«La vaccination ne réglera pas tout», nuance Joël Limouzin. Avant tout parce qu’«on n’aura vraisemblablement pas un vaccin stérilisant», selon Gilles Salvat, directeur général délégué au pôle Recherche et référence de l’Anses. Les produits actuellement testés sur les canards pourraient «ralentir la contagion entre animaux», avec l’espoir de «ralentir le front d’une épizootie», selon lui. Un gain de temps qui doit permettre aux mesures de lutte, comme l’abattage, de produire leurs effets.

Déconcentrer le maillon génétique

Dans ce contexte, la priorité reste de «préserver le cœur du réacteur», autrement dit le maillon sélection-accouvage, résume Yann Nedelec, le directeur d’Anvol (volailles de chair). L’enjeu est de déconcentrer la génétique avicole, aujourd’hui regroupée dans les Pays-de-la-Loire. Cette réflexion a été «ébauchée en séminaire des volailles de chair», rapporte Ségolène Guerrucci, la directrice du SNA (accouveurs). «Il faut réaliser une analyse quasiment site par site, en fonction de l’environnement : y a-t-il des élevages à proximité ? Des points d’eau ?», précise-t-elle. L’étape suivante consistera à «voir ce qui peut être fait en fonction des moyens.» Il pourra s’agir de «racheter les bâtiments d’élevage à proximité», ou aller jusqu’à «déplacer des sites de sélection pour les sortir des grandes zones avicoles.» Des investissements «lourds» et «sur un pas de temps plutôt long, de plusieurs années.»

Le financement, c’est justement ce qui bloque ce dossier. Le SNA a mené un travail avec FranceAgriMer pour tenter d’émarger à France 2030, qui n’a pas pu aboutir. «Quand on lance des plans d’investissement, on a tendance à oublier l’accouvage, qui est spécifique aux filières avicoles, rappelait Ségolène Guerrucci lors d’une table ronde organisée par l’AFJA (journalistes agricoles) le 12 septembre. Les accouveurs sont des éleveurs, mais ils ont des investissements à la hauteur d’une industrie agroalimentaire». Le SNA demande désormais un «plan d’investissement dédié à la génétique avicole», pour l’instant sans réponse du ministère.

Autre demande des accouveurs : ouvrir une réflexion sur l’interdiction d’implanter de nouveaux élevages près des sites les plus sensibles. «Ça reste un sujet juridiquement compliqué», reconnaît la directrice du SNA, même si un tel système existe pour les semences en productions végétales. Dans son bilan de l’épisode 2021-2022, paru en juillet, l’Anses se prononce aussi pour une telle interdiction. Du côté des volailles de chair, cette question «est sur la table», selon le directeur d’Anvol, mais «elle n’est pas encore tranchée.»

Dédensifier et sécuriser

Au-delà du maillon génétique, déconcentrer pour sécuriser est une logique qui s’applique aussi aux élevages qui produisent les volailles, œufs et autres canards gras. En septembre, Gilles Salvat appelait à «dédensifier et éloigner les élevages les uns des autres, pour créer des corridors sanitaires.» La réponse à court terme des filières canards gras et volailles de chair passe par le plan Adour, mis en place cet hiver dans le Sud-Ouest. Le principe ? Un «vide sanitaire synchronisé» du 15 décembre au 15 janvier dans les 68 communes les plus denses de la zone, rappelle Marie-Pierre Pé. Un plan qui, espère la directrice du Cifog, «permettra d’éviter un nouvel épisode dans le Sud-Ouest.»

Dans son rapport de juillet, l’Anses appelle à aller plus loin, estimant que «la diminution durable de la densité des élevages de canards dans certaines zones est un objectif structurel à moyen-long terme.» Tout en mettant en garde contre le «risque de déconcentrer par endroits pour concentrer dans d’autres.» En volailles de chair, l’hypothèse de déplacer des élevages n’est pas envisagée. «Les élevages sont distants des abattoirs de 50, 100 km maximum», explique le directeur de l’Anvol. Continuer à produire des volailles malgré l’influenza nécessitera une «très grande rigueur en termes de biosécurité, rappelle Gilles Salvat. Pour les cas qu’on observe actuellement, ce sont vraisemblablement des failles de biosécurité qui ont permis au virus de rentrer dans les bâtiments».

Autre «levier important» : la détection précoce de la maladie, sachant que les canards infectés peuvent excréter le virus une dizaine de jours avant de présenter des symptômes. En collaboration avec le Danemark, l’Anses vient de boucler le programme de recherche européen Vivaldi, qui visait à développer des autotests à réaliser par les éleveurs. «La méthode offre une sensibilité de 80%, ce n’est pas suffisant», regrette M. Salvat. Selon le responsable de l’Anses, un deuxième programme de trois ans (POC for IA) a récemment été approuvé pour améliorer cette technique et en explorer d’autres. Il vise à «développer des outils de diagnostic peu onéreux, avec un coût de l’ordre d’un autotest Covid, ce qui permettrait aux éleveurs d’en faire toutes les semaines en période à risque».

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