Influenza aviaire : l’hypothèse d’une vaccination est sur la table
Si le recours à un vaccin fait partie des pistes explorées pour se prémunir d’une nouvelle épizootie, celle-ci suppose de lever de nombreux écueils et ne pourra s’envisager que conjointement avec des mesures de biosécurité fortes.
Suite à l’actuelle épizootie d’influenza aviaire, l’interprofession de la filière palmipèdes et les pouvoirs publics ont lancé différents groupes de travail pour discuter des mesures de protection à prévoir à l’avenir. Parmi ceux-ci figure une cellule, placée sous l’égide du ministère de l’Agriculture, qui se penche sur la solution vaccinale. «On ne s’interdit plus de réfléchir à l’utilisation d’un vaccin. C’est déjà un premier pas important, constate François Landais, vétérinaire au cabinet Abiopôle. Mais attention, il reste beaucoup d’étapes à franchir avant d’envisager une mise en œuvre».
Mise au point…
La première condition évidente est de disposer d’un produit efficace et industrialisable. «Il est nécessaire d’avoir une souche vaccinale adaptée à la souche virale qui pourrait toucher les animaux d’élevage (autrement dit en circulation dans la faune sauvage), rappelle le vétérinaire. Il faut donc, en premier lieu, parvenir à identifier cette souche, puis voir si un vaccin déjà existant peut être mis à jour ou bien s’il faut en développer un. Ce second cas demande évidemment beaucoup plus de temps».
Les technologies de mise au point de solutions vaccinales se sont profondément étoffées durant les deux dernières décennies. «En santé animale, on parle désormais aussi de vaccins à ARN messager ou bien de vaccins vecteurs. Certes, ces technologies autorisent des développements plus rapides que par le passé, mais il y a quand même des délais de fabrication incompressibles», poursuit le vétérinaire. Des vaccins vectorisés sont déjà utilisés en dehors de l’Union européenne, dans des pays tels que l’Égypte (H5N1 HP) ou bien le Mexique (H5N2) sur des espèces de la famille des gallus surtout.
Pas une protection absolue
Une fois un hypothétique sérum mis au point, les scientifiques pointent la problématique concernant le risque de circulation à bas bruit et non maîtrisée d’un virus dans des populations vaccinées. En effet, la plupart des protections vaccinales ne sont pas absolues. «Généralement, on attend d’un vaccin qu’il protège contre les formes graves d’une maladie. Cela, on sait à peu près le faire, explique François Landais. Par contre, ce que l’on ne sait pas trop faire, c’est de créer un vaccin qui confère une immunité stérilisante, qui va susciter une réaction immunitaire telle que les individus vaccinés vont neutraliser totalement le virus s’ils y sont exposés. Autrement dit, la probabilité d’avoir un vaccin qui empêche les animaux vaccinés de diffuser du virus est extrêmement faible».
Cette situation explique pourquoi la mise en œuvre d’une procédure de vaccination ne pourrait s’envisager que conjointement à des dispositifs d’analyses régulières des animaux. «Plus généralement, une stratégie vaccinale ne peut être conduite que si l’on prend des garanties pour que les risques de circulation du virus soient les plus faibles possible, précise le vétérinaire. Cela passe par des procédures de test donc, mais aussi par des mesures de biosécurité fortes, parmi lesquelles la possibilité de mettre à l’abri des volailles en cas de danger accru… Ce serait utopique de croire que l’on peut continuer comme avant en se contentant de vacciner les animaux».
Surcoûts en cascade
Au-delà des aspects techniques, la vaccination renvoie ensuite à des considérations économiques. Tout d’abord, une stratégie vaccinale entraîne forcément des coûts supplémentaires. «Dans notre cas, on parle de vacciner au moins plusieurs millions d’animaux en l’espace de quelques semaines, avec la logistique que cela suppose», souffle François Landais.
Un deuxième aspect concerne le statut sanitaire du pays et son impact sur les exportations. «Jusqu’ici, un pays qui pratique la vaccination contre l’influenza est, de fait, considéré comme non-indemne, note le vétérinaire. Toutefois, au regard des problèmes d’influenza aviaire de plus en plus récurrents dans plusieurs pays, on peut imaginer que les lignes vont peut-être bouger à l’avenir sur ce dossier». Il n’empêche que ce sujet soulève déjà de profondes questions vis-à-vis les filières exportatrices, comme celle des volailles de chair ou de la sélection et de l’accouvage, dont le poids dans la balance commerciale française est très conséquent.
«Si jamais on avait recours à la vaccination, je crois que cela ne pourrait s’envisager que de manière conjoncturelle, dans des situations où la menace est importante et sur une zone géographique aussi réduite que possible», estime François Landais. Si les discussions ne font que commencer, les débats techniques promettent, quoi qu’il arrive, de susciter une foule de questions : quel produit, quelle stratégie, dans quels secteurs, quels surcoûts, quels risques, quels bénéfices…
F. Brèthes