Influenza aviaire : un plan de lutte et beaucoup de questions…
Quelle durée pour le vide sanitaire? Quelles mesures de biosécurité? Quels moyens financiers pour l’indemnisation des pertes et l’accompagnement des producteurs? Après l’annonce par les pouvoirs publics de la mise en place d’un vide sanitaire total à l’ensemble des élevages de palmipèdes du Sud-Ouest afin d’éradiquer le virus de l’influenza aviaire, la profession attend maintenant des réponses précises et des actes forts de la part du ministre de l’agriculture qui rencontrera les responsables de la filière le mardi 26 janvier.
Un tournant dans la gestion de la crise de l’Influenza aviaire s’est donc joué le 14 janvier dernier, en fin d’après-midi à Paris. Très attendu, le Conseil national d’orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV) a en effet décidé de la mise en œuvre du dispositif d’assainissement de la grande zone Sud-Ouest.
Visant l’éradication du virus de ce territoire, la principale mesure concerne la réalisation d’un vide sanitaire total dans tous les élevages de palmipèdes de la zone. «Compte tenu des enjeux à la fois sanitaires et économiques, il apparaît nécessaire d’éradiquer efficacement et durablement la maladie dans la filière palmipède et plus largement de retrouver le plus rapidement possible le statut indemne de la France pour l’ensemble de la filière volaille», commente le ministère de l’agriculture dans un communiqué de presse.
Un tiers de la production de foie gras en moins
Rapidement, se pose la question du financement d’une telle mesure. Ainsi, le Cifog (interprofession) estime les pertes à 370 millions d’euros au moins. En effet, un tiers de la production annuelle habituelle ne devrait pas être réalisé en 2016 (sur 28,5 millions de canards produits traditionnellement dans cette zone chaque année). «Nous vivons une situation exceptionnelle et inédite, en conséquence les moyens octroyés doivent être eux aussi inédits et exceptionnels», insiste le président du Cifog, Christophe Barrailh, évoquant aussi bien les instances nationales qu’européennes. «Il va falloir tenir la filière pour lui permettre de passer ce cap difficile et lui permettre de redémarrer».
Les préoccupations sont les mêmes dans les rangs de la Confédération française de l’aviculture (CFA) : les mesures décidées par le ministre de l’Agriculture concernant la lutte contre l’Influenza aviaire «vont avoir des conséquences économiques très importantes pour les éleveurs de la filière palmipèdes», estime-t-elle dans un communiqué.
Les aides seront-elles à la hauteur?
Même si elle comprend l’intérêt sanitaire de mesures d’une telle ampleur, la CFA considère que les préjudices qu’elles entraînent pour les éleveurs (allongement des vides sanitaires) et les entreprises (réduction de l’activité et impact sur l’emploi) doivent être indemnisés. Aussi elle attend du gouvernement qu’il mette très rapidement en place un plan d’accompagnement financier d’envergure. Et demande également que ce plan soit accompagné par Bruxelles.
Concernant le financement de cette mesure et des soutiens apportés à la filière, Stéphane Le Foll s’est voulu rassurant. Ainsi, le ministre a annoncé au Sénat, lors d’une séance de questions au gouvernement le 19 janvier, que la France et l’Europe apporteront «les aides nécessaires» à «tous les producteurs, petits, moyens et grands», touchés par le vide sanitaire. «Le plan appliquera les aides à la perte de revenus liée à ce vide sanitaire», a-t-il exposé. Par ailleurs, une aide sera apportée aux abattoirs, a-t-il annoncé, sous la forme de mesures de chômage partiel. Une réunion est prévue la semaine prochaine avec les professionnels de la filière, «pour finaliser avec eux le plan».
Dix-huit départements concernés par la mesure
En pratique, la mesure de vide sanitaire ne concerne que les palmipèdes, en raison de leur rôle de réservoir invisible du virus. À l’inverse, les volailles (espèce gallus) expriment rapidement sa présence. Chez elles, la pathologie est donc repérable. L’interdiction temporaire d’installer de nouveaux animaux dans les élevages d’oies et de canards concerne 18 départements du Sud-Ouest, selon l’arrêté paru samedi au Journal officiel.
L’interdiction s’appliquera dans toute l’Aquitaine (Dordogne, Gironde, Landes, Lot-et-Garonne, Pyrénées-Atlantiques), le Midi-Pyrénées (Ariège, Aveyron, Haute-Garonne, Gers, Hautes-Pyrénées, Tarn, Tarn-et-Garonne et le Lot), la Corrèze, la Haute-Vienne, ainsi que certaines communes de l’Aude, du Cantal et de Charente.
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Dans cette zone, la mise en place de canetons de moins d’une semaine est interdite depuis ce lundi 18 janvier. À partir du 8 février, les canetons de moins de quatre semaines seront également bannis, puis l’ensemble des palmipèdes à compter du 1er avril. Cette dernière date est cependant susceptible d’être modifiée, a indiqué à l’AFP le ministère de l’agriculture. L’interdiction doit en effet permettre de réaliser un «vide sanitaire» dans les élevages, dont les détails n’ont pas encore été définis, en particulier la durée.
Éviter un retour de l’épizootie
Parfaitement conscient des conséquences pour les producteurs et la filière, le président du Cifog se dit extrêmement inquiet. Il note toutefois que «les abattages inutiles d’animaux en cours d’élevage (N.D.L.R.: un temps évoqué) sont évités». Une fois l’assainissement du territoire réalisé, il restera encore à éviter tout retour de l’épizootie. Un objectif qui devrait se traduire par l’instauration de règles draconiennes en matière de biosécurité (transport des animaux notamment).
Selon le ministère de l’agriculture, les palmipèdes pourront revenir dans les élevages «à partir de fin mai-début juin» ou «fin juin-début juillet», le calendrier «est en train d’être affiné». La production de foie gras devrait donc reprendre à «la fin du premier semestre» et permettre d’«assurer, dans de bonnes conditions, la production festive de fin d’année».