Jacques Castaing est retourné à sa terre

À Mant et ailleurs, ceux qui ont eu le privilège de le côtoyer l’appelaient “Jacky”. Dans des sphères plus protocolaires, c’était Monsieur Castaing… Mais où qu’il fut, il ne se départissait jamais de son indéfectible image d’homme de la terre. Acteur de terrain, il aura œuvré, toute sa vie durant, au service des terriens, des terroirs et du territoire, troquant volontiers le costume-cravate pour la tenue de chasse et les souliers vernis pour les cuissardes de pêcheur de truites…

Dans sa 89e année, Jacques Castaing a donc quitté ce monde mais point sa terre : il repose désormais dans le petit cimetière de Mant, commune landaise dont il fut le maire de 1984 à 2008. Ses obsèques ont été célébrées ce lundi 7 janvier, dans le hall des sports, édifice mieux adapté que l’église bien trop petite pour accueillir la multitude d’élus, de responsables professionnels et d’amis venus l’accompagner pour son dernier voyage.

Retracer sa carrière équivaudrait à dresser un inventaire à la Prévert, tant furent nombreuses ses responsabilités. Nous nous bornerons à rappeler qu’il présida, à l’aube des années soixante-dix, la FDSEA des Landes, puis la chambre d’agriculture de ce même département et celle d’Aquitaine, ainsi que la coopérative Maïsadour.

Co-fondateur du Sillon des Landes et des Pyrénées

Il siégea dans d’importantes instances régionales et nationales telles que l’APCA. Et il aura aussi joué un rôle essentiel pour le développement des filières agroalimentaires, notamment le foie gras, à l’origine — et à la tête — de la SICA de Saint-Sever, du comité interprofessionnel (Cifog). Son parcours politique le conduira à la présidence du Conseil économique et social régional et à la vice-présidence du conseil régional, en charge de l’agriculture.

Plus égoïstement, nous nous souviendrons aussi que le jeudi 6 janvier 1966, il signait avec Hubert Buchou l’éditorial intitulé «Vœux paysans sans frontière», ratifiant l’acte de naissance du Sillon des Landes et des Pyrénées, fruit de la fusion entre Le Réveil landais et Le Sillon des Basses-Pyrénées. Ce rapprochement illustre bien la volonté de cet homme de conviction, mais aussi de consensus, à nouer, par-delà les différences, des alliances, au service de l’agriculture, des agriculteurs et du monde rural.

Avec force émotion, l’actuel maire de Mant — et président de Maïsadour —, Michel Prugue s’attachait à souligner les valeurs de celui qui aura été son prédécesseur et son guide. Il évoquait sa générosité, sa capacité d’écoute et son incessante volonté «d’avancer ensemble».

Même émotion pour Raoul Massetat, complice de toujours, qui exprimait son sentiment d’être orphelin. Avec «respect, reconnaissance et amitié», l’ancien président de la MSA disait au «revoir et merci» à celui qui aura toujours été son ami et «son repère».

Homme de bon sens, visionnaire et respecté par tous

Dominique Graciet saluait, quant à lui, l’engagement de l’homme «honnête et intègre» qui aura marqué, en 1970, le réveil de l’agriculture landaise, permettant à la FDSEA de remporter les élections à chambre d’agriculture. L’actuel président de la chambre régionale d’agriculture rappelait que Castaing aura également joué un rôle majeur pour l’amélioration des équipements des exploitations agricoles (en matière d’irrigation notamment), la structuration des filières, la promotion des signes officiels de qualité. «Capitaine pendant les tempêtes, c’était un créateur et un visionnaire». Son «autorité naturelle», son «bon sens» et son «optimisme raisonné» lui ont permis d’être un «homme d’influence respecté, même par ses adversaires…». Paraphrasant une devise chère à «Jacky», Dominique Graciet lui promettait de «continuer à faire comme on a dit…».

Alain Rousset insistait lui aussi sur «le bon sens et le caractère visionnaire» de Monsieur Castaing. Outre «un sourire, un regard et une élégance», le président de la Région se souviendra de son «absence de sectarisme» de sa loyauté, sa modestie et de «son respect de la réalité économique et sociale…».

Autant de qualités que citait Geneviève Darrieussecq. La secrétaire d’État auprès de la ministre des armées se disait «très émue et très triste». À titre personnel, elle réaffirmait sa fidèle admiration à l’ancien maire de Mant. Et au nom du Gouvernement, elle exprimait la reconnaissance de l’État «pour cette vie d’engagement pour sa commune et pour l’agriculture française…».

Le Sillon — qui ne serait pas ce qu’il est devenu sans l’impulsion qu’a insufflée son cofondateur — se joint à ces hommages. À son épouse Jacqueline, à Philippe et Jean, leurs deux fils ainsi qu’à leur conjointe, leurs enfants et petits-enfants, nous adressons, nous aussi, nos sincères condoléances et nous les prions de croire en notre fidèle amitié.

Guy Mimbielle

Hommage

J’étais très jeune agriculteur quand j’ai rencontré Jacques Castaing pour la première fois ; il était président de la FDSEA, il était également mon voisin de village et j’avais besoin d’aide. Impressionné par sa stature et sa sérénité, je découvrais ainsi au travers de ses conseils, l’utilité d’une organisation syndicale pour la défense des agriculteurs. Dans ces mêmes temps, je rencontre aussi Raoul, un autre voisin engagé à ses côtés ; leur exemple me conduisit à m’engager à mon tour au sein du CDJA.

Plus d’un quart du siècle a passé pendant lequel Jacques Castaing a servi de guide à la profession agricole pour sa modernisation, son organisation avec en finalité la promotion des hommes de la terre et du milieu rural. J’ai eu la chance de faire partie des équipes qui l’ont accompagné. Sa vision, la sagesse de ses analyses, la confiance qu’il inspirait et qu’il accordait auront permis des évolutions économiques et sociales unanimement reconnues et appréciées dans les Landes et la région.

Avec Jacques Castaing, on avançait toujours en sécurité, sauf peut-être quand il conduisait (rarement) sa voiture, ce qui me valut l’honneur et le plaisir de le conduire pour de nombreux déplacements, notamment à Bordeaux pour des réunions d’instances régionales qu’il présidait ; pendant le parcours souvent, il sommeillait, toujours il entendait.

Ces dernières années, parfois en bordure de champs de maïs, fréquemment à Larecq, nous échangions nos informations et nos opinions sur l’actualité, éloignés des postes de décision mais toujours soucieux des entreprises qui nous avaient rassemblés, de l’évolution sociétale et aussi des petits plaisirs de chasseurs occasionnels dont on venait d’être privés ; privés surtout des moments de convivialité entre amis qu’ils permettaient.

Jeudi dernier, ce fut notre dernière rencontre. La route vers Mant ne sera plus la même, mais toujours je me souviendrai comme tous ceux qui ont connu Jacques Castaing.

Jean-Pierre Pargade, ancien président de la FDSEA des Landes