La consommation de viande n’est plus à la mode, un phénomène à ne pas négliger
Les mouvements anti-viande et, plus globalement, le regard critique de la société n’incitent plus à la consommation de produits carnés. Les professionnels de l’élevage doivent se saisir de ce message pour apporter les réponses aux attentes des consommateurs.
Positive hier, la consommation de viande renvoie aujourd’hui une image négative, source de critiques sociétales multiples, poussées par les préoccupations de santé, de respect de l’environnement ou de bien-être animal. Les modes de vie contribuent par ailleurs, de façon plus insidieuse, à réduire la part de viande dans la ration quotidienne des consommateurs, puisque la mobilité, le temps réduit et la recherche de praticité incitent à se tourner vers des plats préparés ou de la cuisine d’assemblage, qui contiennent moins de viande.
Séduire les consommateurs
Il ne faut pas oublier non plus que l’aspect social, notamment la volonté de différenciation et d’individuation, entre de plus en plus en ligne de compte dans le choix du végétarisme. «C’est notre perception de la réalité qui a changé, pas la réalité elle-même», rappelle Bruno Hérault, du Centre d’étude et de prospective, intervenant à la convention organisée par Coop de France Nutrition animale le 9 novembre dernier.
Une perception qui a d’ailleurs ses limites: si le bien-être animal et le respect de l’environnement font partie des principales préoccupations des citoyens quand on leur parle d’alimentation, le prix, le goût et la santé restent premiers arguments de choix des consommateurs, indique Christine Roguet, de l’Institut du porc (IFIP). Une «dissonance cognitive», note-t-elle, qui s’exprime jusqu’à un certain point. «Si les filières animales ne sont pas capables de proposer des produits qui correspondent à ces attentes de citoyens, le consommateur va tout de même finir par consommer moins», ajoute Christine Roguet.
Pédagogie et transparence
Le potentiel de reconquête est d’ailleurs bien plus important qu’on pourrait le croire. Car si les médias se font régulièrement l’écho de sa montée en puissance, le végétarisme en France ne dépasse pas les 3%, quand il concerne 7% de la population allemande. Le reste des consommateurs français, indique une étude réalisée par l’IFIP, se répartit en un tiers favorable à un modèle de production alternatif (adeptes du bio, des labels, etc.), 10% de «compétiteurs» qui achètent le moins cher possible sans regard sur les conditions de production, le reste de la population se déclarant favorable à une évolution progressive des pratiques et sensible, par exemple, au bien-être animal.
C’est bien à cette catégorie de population à laquelle la filière doit s’adresser: «L’immense majorité des Français ne sont pas des ayatollahs, on pourra les séduire avec de la pédagogie, en ouvrant davantage les fermes, les usines», explique Jean-Michel Leserf, médecin nutritionniste. «Cette segmentation de la consommation peut aussi créer des opportunités», souligne Dominique Chargé, président de la coopérative Laïta et de la FNCL, en citant l’exemple de la création d’Even santé industrie, destinée à la nutrition clinique.
Nouveaux défis
La réponse à ces nouveaux défis nutritionnels est un défi permanent: «On a même créé récemment un beurre salé allégé en sel!», avec la marque Paysan Breton (qui appartient à Laïta) ajoute Dominique Chargé. En ce qui concerne l’alimentation animale, les pays d’Europe du Nord sont plus avancés: Jan Kamphof, de la coopérative de nutrition animale Agrifirm (Pays-Bas), le souligne: «la demande des consommateurs influe immédiatement sur la production».
Les opérateurs ont donc été obligés de s’adapter en proposant des aliments plus sains, pour un produit final clairement étiqueté respectueux du bien-être animal. «L’influence forte des ONG, très importantes et très bien financées, est à l’origine de ces changements», précise Jan Kamphof. En France, la diversité des préoccupations des consommateurs rendrait néanmoins la démarche plus complexe, précise Christine Roguet.