La crise du Covid-19 a bouleversé les habitudes alimentaires
Philippe Goetzmann, conseiller en stratégies, a analysé le monde de consommation des Français pendant l’année 2020.
Les statisticiens ont constaté, au cours de l’année 2020, une forte hausse des ventes pour des denrées de base comme la farine (+41%), le sucre (+45%), la levure, le chocolat pâtissier (+17%). De plus, les ventes de conserves et de surgelés se sont très bien comportées : +5,5% pour les légumes surgelés et même +17,2% pour les viandes surgelées. Les Français les ont en effet “redécouverts”, ces produits ayant plusieurs vertus : ils sont facilement stockables et ils permettent d’éviter le gaspillage.
C’est notamment sur la base de ces constats réalisés par Information Ressources Incorporated (IRI) que le conseiller en stratégies, Philippe Goetzmann estime que la crise du coronavirus a, en particulier, favorisé le “fait maison”. Sur l’année 2020, «la consommation de farine a explosé de même que l’ensemble des produits permettant de cuisiner un gâteau chez soi. Cela a été considérable pendant le premier confinement et la tendance, bien que plus faiblement, a perduré tout au long de l’année. Mais il faut se garder d’être péremptoire, tant il est compliqué d’apprécier s’il y a réellement une tendance de fond sur le fait maison ou non», a-t-il expliqué au site Actu Retail.
La fermeture des restaurants, des cantines, des restaurants d’entreprise a également contraint les Français à devoir cuisiner du fait maison, et «pas uniquement pour le plaisir», a-t-il souligné. Et de préciser : «Les ventes de farine traduisent cette résilience et cela continue parce qu’une part conséquente des consommateurs urbains reste en télétravail.»
Enfin, les grandes surfaces ont aussi profité de cette crise sanitaire car les Français ont en partie déporté leur consommation de l’extérieur vers l’intérieur.
Débats autour du bio
Si, pendant les deux confinements, les consommateurs ont préféré le bio et le local, Philippe Goetzmann relève d’abord que le différentiel de croissance entre le bio et le conventionnel n’aura probablement jamais été aussi faible en France sur les dix dernières années. «Il fait probablement — tout en connaissant une croissance plus élevée que le marché — sa moins bonne année depuis dix ans.» Pour lui, le bio reste une consommation «très majoritaire urbaine, CSP + et retraitée», même «si elle irrigue petit à petit l’ensemble de la population.»
D’ailleurs, au niveau du prix, «le bio est manifestement beaucoup plus cher que le conventionnel, pour un bénéfice qui n’est pas démontré», a-t-il souligné. En effet, «le bio a-t-il un bénéfice sur la santé ? Rien ne le prouve. Et il y a de plus en plus de débats autour de la qualité du label français ou européen, au point que les militants du bio plaident pour un label plus exigeant.»
Si les tendances sur la consommation de produits locaux semblent avoir été à la hausse pendant le confinement, l’expert remarque que «ce qui est compliqué avec le local, c’est que nous n’avons pas de chiffres», du fait notamment que cette consommation soit plus diffuse. En outre, contrairement au bio qui est un critère précis, le produit local n’est pas défini.
Le local a beaucoup progressé durant l’année 2020, mais il faut distinguer la demande de l’offre. «La demande de local est réelle depuis longtemps, avec une vraie prise de conscience de la part des consommateurs sur les bienfaits des produits de chez eux.» Une chose est cependant certaine : le local est, pour le consommateur «quelque chose de tangible» et il perçoit «vraiment le bénéfice associé.» L’expert précise d’ailleurs que «le surprix éventuel que cela coûte représente un arbitrage auquel l’on peut consentir», insistant sur la nécessité de «revivifier les territoires.»