La fiscalité actuelle ne protège pas suffisamment les terres agricoles
Si un grand nombre de taxes existent sur l’artificialisation des sols, cette fiscalité n’a, jusqu’à aujourd’hui, pas réussi à limiter ce phénomène. Néanmoins, des modifications dans l’application de ces taxes pourraient les rendre beaucoup plus efficaces.
«Il y a, ces derniers temps, une nouvelle idée à la mode, qui est que le problème de l’artificialisation des terres sera résolu en créant une nouvelle taxe. Pour moi, cela ne pourra pas marcher. Il existe, déjà, en France 29 taxes sur l’artificialisation et elles n’ont pas permis de ralentir le rythme», a expliqué Guillaume Sainteny, professeur en développement durable à Sciences Po et AgroParisTech, à l’occasion d’une matinée consacrée aux sols organisée le 29 novembre par l’Académie d’Agriculture de France. Ce problème de l’artificialisation du foncier agricole ou forestier est lié, rappelle-t-il, à deux mécanismes : le marché et notamment la différence de valorisation entre un terrain à usage agricole et un terrain à bâtir, et la réglementation.
Pour Guillaume Sainteny, certaines réformes récentes vont dans le bon sens, comme le recentrage de la loi Pinel sur les zones de tension immobilière, qui va freiner la construction de logements là où il n’y a pas de demande. De même, l’abattement de 70% applicable en matière de plus-value immobilière réalisée sur la vente de terrains destinés à la construction de logements dans des zones tendues et dans la mesure où la surface de plancher est au moins égale à 75% du gabarit autorisé par le PLU. Ou encore le versement pour sous-densité (VSD) qui permet de taxer les nouvelles constructions qui n’atteignent pas un seuil minimal de densité.
Réformer les taxes existantes
Néanmoins, ces outils sont insuffisamment utilisés. Guillaume Sainteny suggère donc de prendre davantage en compte la surface artificialisée. Par exemple, la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM) est basée sur le chiffre d’affaires par mètre carré. Si un taux croissant avec la surface était instauré, cela réduirait sans doute l’utilisation des terres. Une autre piste serait d’affecter le produit de la taxe à la région et non à la commune.
Cependant, «le problème majeur en France reste la non-rentabilité du foncier non bâti», indique Guillaume Sainteny. En effet, la rentabilité annuelle moyenne avant impôt des logements locatifs avoisine les 4%, quand le foncier non bâti est autour de 1,5%. Pourtant «en dépit de loyers de fermage réglementés et d’un rendement du foncier non bâti moitié moindre que celui du logement locatif, ces deux types de bien sont taxés de la même manière», poursuit le chercheur. Ce qui fait qu’après impôt, le rendement annuel moyen du foncier non bâti s’avère nul ou négatif.
Alléger la fiscalité du foncier non bâti
En effet, ce foncier est soumis à des taxes indépendantes du revenu qu’il génère (taxe sur le foncier non bâti, taxe pour frais de chambres d’agriculture, droit de mutation à titre onéreux et droits annexes, plus-values immobilières, IFI, taxes sur les assurances…) auxquelles s’ajoutent des prélèvements - impôts sur le revenu et prélèvements sociaux - dont les taux annuels varient entre 31,2% et 75% des revenus. Au total, les montants prélevés peuvent dépasser 100% des revenus du foncier non bâti.
Cette absence de rentabilité pousse donc les détenteurs de foncier rural à l’artificialiser. Pour ralentir ce phénomène, un allégement des charges, fiscales et statutaires, paraît donc indispensable. Cela redonnerait au foncier non bâti un rendement positif et revaloriserait sa valeur d’actif. Ce revirement s’impose pour préserver l’agriculture, mais aussi le climat : «On défiscalise les actifs carbonés et on surtaxe les actifs protégés et les puits à carbone… C’est un angle mort de la politique climatique», conclut Guillaume Sainteny.