La France doit revoir sa stratégie vitivinicole
Bousculée par de nombreux pays (Italie, Chili, Nouvelle-Zélande, Espagne…), la filière française du vin a entamé une réflexion sur ses atouts et faiblesses face à la concurrence internationale.
Une étude, commandée par FranceAgriMer et le CNIV (Comité national des interprofessions viticoles), montre que le modèle français est trop centré sur le marketing de l’offre, une attitude qui, au lieu de partir des attentes du marché, propose des innovations pensées par la production. Présentée aux représentants de la filière viticole le 1er décembre, cette étude a pour objectif de rendre compte de l’état de la concurrence sur le marché mondial du vin.
Cela à partir de l’analyse détaillée des filières vitivinicoles dans le monde. Elle porte sur dix pays: Afrique du Sud, Argentine, Australie, Chili, Chine, Espagne, États-Unis, France, Italie et Nouvelle-Zélande. Accessible sur le site de FranceAgriMer, elle contient une synthèse 27 pages, puis l’analyse comparée des filières, et enfin les dix analyses de pays.
L’étude, qui a passé en revue les différents facteurs de succès de la France et de ses concurrents dans le secteur viticole, passe d’abord au crible la compétitivité des coûts de revient. Sur ce point, l’Afrique du Sud et le Chili ont la compétitivité la plus forte grâce à des rendements élevés et des coûts faibles de production de raisin et de vin. L’Espagne parvient aussi, et souvent par l’irrigation, à maintenir un coût de revient «particulièrement bas sur le vrac».
La France valorise moins sa diversité que l’Italie
Sur un facteur de succès important, la diversité de l’offre, la France dispose d’un avantage compétitif: «Elle présente la meilleure couverture en termes de couleurs et de niveaux de prix, suivie par l’Italie et les États-Unis». Mais «elle ne parvient pas à proposer les bonnes combinaisons par marché, pour bénéficier de la croissance mondiale». L’Italie «a certes une couverture de son offre un peu moins importante que celle de la France, mais elle propose une variété supérieure».
La Nouvelle-Zélande «est très compétitive» avec une stratégie de niche et une offre réduite, positionnée sur des prix supérieurs. Tournée vers les marchés avec un marketing de la demande (versus marketing de l’offre), tout comme les États-Unis et l’Australie, elle a développé une offre très caractéristique de vins blancs haut de gamme et c’est de plus clairement orientée vers la notion de développement durable. L’Afrique du Sud dispose d’un potentiel d’adaptation grâce à une réglementation souple, et d’une capacité à arracher et replanter les cépages en fonction de la demande. Cependant, son offre «est en décalage avec les typologies favorables» de vin recherchées par le marché mondial.
Difficulté à conquérir de nouveaux marchés
Facteur de succès particulièrement crucial, la capacité des opérateurs à conquérir les marchés est un domaine dans lequel l’Hexagone pourrait faire mieux. La France se fait distancer par les opérateurs italiens, chiliens et néo-zélandais. L’Italie joue à la fois sur la diversité de ses vins, sur «sa culture du vin marquée» liée à sa gastronomie, tout en renouvelant son image auprès des consommateurs et des distributeurs, et avec une offre «particulièrement agressive en milieu de gamme». Cela bien qu’il reste à l’Italie à améliorer sa compétitivité «coûts».
Les leaders chiliens «ont la capacité d’investissement pour soutenir la notoriété de leurs marques au niveau mondial», par exemple avec Concha y Toro. De plus, le Chili a clairement intégré les accords de libre-échange comme outil de développement et de compétitivité de sa filière: c’est le seul des pays étudiés qui bénéficie de droits à taux zéro dans les cinq principaux pays importateurs. Pendant ce temps, la Nouvelle-Zélande a construit des marques fortes (Delegat, Kim Crawford) et développé la notoriété du Sauvignon blanc. Elle utilise également le démantèlement tarifaire comme instrument de compétitivité.