La France a globalement bien sécurisé ses chaînes d’approvisionnement agroalimentaire
Dans une longue tribune publiée dans le quotidien Le Monde daté du 22 mai 2020, Arnaud Florentin et Élisabeth Laville, deux experts en développement des territoires, s’inquiètent du niveau de dépendance de la France aux importations et de son taux d’exposition au risque d’approvisionnement.
«La crise sanitaire actuelle nous invite à nous interroger de manière nouvelle sur la capacité de nos systèmes de production (agriculture, industrie) à faire face à des aléas naturels ou climatiques, à résister, à absorber le choc, à se réorganiser et à préserver leur fonction fondamentale», écrivent les deux experts en préambule.
Ils rappellent, ainsi, que près des deux tiers de la valeur des biens manufacturés consommés par les Français sont importés. On mesure, ainsi, le niveau de dépendance aux importations de l’économie française et son exposition au risque d’approvisionnement. C’est pourquoi ils proposent de classer les pays et les régions en fonction de leur degré de «résilience productive», c’est-à-dire de leur capacité à surmonter l’interruption des chaînes logistiques qui les relient à l’extérieur.
«Résilience productive»
Le score de résilience mesure la capacité d’un territoire à couvrir un large espace productif qu’il peut mobiliser face à une perturbation exceptionnelle. Quand il atteint 100%, ce score signifie «qu’un territoire est capable de maintenir la production de n’importe quel bien en situation de crise.» Selon les calculs d’Arnaud Florentin et d’Élisabeth Laville, la France se situe quatrième au plan mondial avec un score de 44,9%, notamment derrière la Chine et l’Italie.
Mais ce score cache d’importantes disparités: «Si la France se situe dans le top 5 dans les industries agroalimentaires, chimiques, plasturgiques et médicales, elle est nettement distancée sur un certain nombre de secteurs agricoles et industriels (au-delà de la 30e place)», notent les deux experts.
Globalement, les régions françaises «présentent un bon niveau de résilience sur les industries alimentaires (en moyenne entre 50% et 70%), mais il y a d’importantes disparités sur les produits agricoles (six régions avec moins de 40% de résilience sur les produits animaux et sept régions avec moins de 40% de résilience sur les produits végétaux).» Sans préciser lesquelles.
Relocalisation
Afin de sécuriser les approvisionnements, notamment agricoles et agroalimentaires, Arnaud Florentin et Élisabeth Laville préconisent de relocaliser certaines industries et d’y adjoindre des solutions dites plug and play (“brancher et lancer”).
Ces dernières peuvent prendre des formes diverses. Ils citent notamment: la production de fruits et légumes cultivés en ville dans des conteneurs, des micro-usines alimentaires, des usines alimentaires en kit, des mini-laiteries à la ferme ou mobiles, des micro-abattoirs mobiles, privilégiant ainsi les productions locales.
Autrement dit, la crise du Covid-19 ne manque pas d’interroger sur le monde à construire demain et «à nous interroger sur la capacité de nos systèmes de production a faire face aux aléas», indiquent-ils.