La France toujours vendeuse de bovins maigres
Dans un contexte où l’Algérie et la Turquie ont rouvert leurs frontières aux exportations de bovins français, Interbev a souhaité faire le point sur plusieurs années d’export dans la filière bovine.
Ce n’est pas nouveau : encore et toujours, «la France a une tendance à être plus naisseur qu’engraisseur», a analysé Philippe Chotteau, directeur du département économie à l’Institut de l’élevage (Idele), le 5 octobre dernier au Sommet de l’élevage. Il intervenait dans le cadre d’une conférence intitulée «Filière bovine : panorama des exports de la France», organisée par Interbev. À travers ce constat, il résume les échanges de bovins qui se tiennent depuis deux ou trois ans entre la France, l’Europe et les pays tiers.
En effet, l’Italie, contrairement aux prévisions, reste toujours très importatrice de broutards français. «Les exportations françaises de broutards rebondissent depuis 2014 alors que nous avions des questions sur la pérennité des systèmes d’engraissement dans la plaine du Pô à l’époque», observe Philippe Chotteau. Il constate également un changement de la demande avec une croissance de la demande de broutards. «Cela correspond sans doute à des portions plus petites demandées par les GMS italiennes», remarque-t-il.
Fabrizzio Guidetti, de l’entreprise Inalca italia, explique cette croissance de la demande de broutards français par l’augmentation des achats de viande, issue d’animaux engraissés sur place par les consommateurs italiens. Ces derniers privilégient la production locale, même si globalementils consomment près de 8 à 9 kg de viande par personne et par an de moins en 2016 qu’en 2006.
Les carcasses plus petites (700 kg au lieu de 750 kg) obligent, aussi, à plus d’achat d’animaux pour obtenir le même volume de viande. «La consommation de viande importée a fortement diminué en Italie», souligne Fabrizzio Guidetti. L’Espagne tire également le marché du vif, avec l’achat de veau de 80 à 160 kg, afin là encore d’être engraissés sur place.
Marché allemand qualitatif
Par la suite, la viande et/ou les animaux partent vers les pays d’Afrique du Nord. «Aujourd’hui, les Espagnols achètent du veau français et du maïs français pour engraisser les veaux et les exporter. Cela doit nous interroger, remarque Philippe Dumas, président de la Coopérative Sicarev. De plus, il manque des veaux pour le marché italien car les éleveurs n’ont pas vacciné contre la FCO. […] Cette dernière est l’épée de Damoclès qui pèse sur les exportations, car la France n’a pas de stratégie sur la filière veau par rapport à cette maladie».
Le marché allemand a été également abordé durant la conférence. Les exportations de viande française augmentent vers ce pays dont la production de viande décroît depuis quelques années. Bovins et agneaux sont préférés par les consommateurs dans leurs achats au détriment du porc, jugé «trop industriel», selon Philippe Chotteau. Il constate également qu’Outre-Rhin, les populations turque et émigrée, plutôt musulmanes, favorisent cette tendance de consommation.
Mathieu Pecqueur, directeur général adjoint de Culture Viande, fait le même constat et reconnaît un marché allemand pour des viandes de qualité. «Le consommateur est sur une demande qualitative du fait d’une certaine richesse économique et d’une demande de naturalité», confirme-t-il. La viande de qualité est un segment épargné par l’agressive viande polonaise, très compétitive mais issue de vache laitière de réforme, selon lui. Il se veut optimiste : «L’Europe reste notre premier marché d’export, avec près de 95% de nos exportations de viande». Et de préciser que «les Suédois mangent plus de viande qu’ils n’en mangeaient !».