La marge des agriculteurs fond toujours plus
Selon l’observatoire des prix et des marges, en 2016, dans un contexte de fortes instabilités, les prix alimentaires sont restés globalement stables. La part qui revient aux agriculteurs, elle, ne cesse diminuer. Le consommateur sort gagnant de la guerre des prix.
À l’occasion de la présentation, le 11 avril, du rapport 2016 de l’Observatoire des prix et des marges, Philippe Chalmin, son président, a insisté sur la grande stabilité des prix alimentaires à la consommation qui contraste avec l’instabilité des prix agricoles. Les prix alimentaires sont ainsi restés stables, avec une hausse de 0,7% en 2016 après 0,5% en 2015. «Une instabilité des prix agricoles qui devient la règle et dont le consommateur final n’est pas conscient», a encore ajouté Philippe Chalmin.
Tous produits agricoles confondus, la moyenne des prix à la production agricole stagne à +0,3% en 2016 par rapport à 2015, alors que ces prix avaient perdu 2,4% en moyenne en 2015 et 5,3% en 2014. Ces chiffres recouvrent toutefois des réalités bien différentes selon les filières, puisque les prix du lait, de la viande bovine, et du blé ont reculé, tandis que les prix à la production du porc et des fruits et légumes ont augmenté, ceux de la volaille restant stables. «La grande nouveauté sur les 15 dernières années en France comme en Europe, c’est le passage des prix agricoles du stable à l’instable» avec la disparition des instruments communautaires de stabilisation des marchés agricoles, à l’exception de quelques mécanismes d’urgence de moins en moins adaptés, selon l’économiste.
Des filières en grande difficulté
Fort de tous les éléments réunis, Philippe Chalmin estime que la principale conclusion à tirer de ce sixième rapport est «qu’au moins depuis 2013, le seul véritable “gagnant” est tout simplement le consommateur, isolé de toutes variations de prix de l’amont». Quant aux marges nettes moyennes des rayons de la grande distribution, suivies par l’Observatoire, «elles ont été dans l’ensemble stables de 2014 à 2015», indique le rapport. À noter que si les prix des matières agricoles analysées portent sur 2016, l’analyse des coûts et marges nettes dans l’industrie et la grande distribution sont ceux, au mieux de 2015, voire 2014 dans certains cas, compliquant un peu plus les comparaisons.
Mais ce qui apparaît très clairement à la lecture du rapport, c’est que beaucoup «de producteurs ne couvrent pas la réalité de leurs coûts de productions». Ainsi, pour 100 euros de produits alimentaires, la part revenant aux producteurs n’est que de 6,20 euros. Elle était de 6,85 euros en 2012. Et si certaines filières peuvent espérer retour à meilleure fortune, «pour d’autres, qu’il s’agisse de bonnes ou de mauvaises années, les résultats sont toujours négatifs», relève Philippe Chalmin. Et le rapport de pointer du doigt la filière viande bovine, toujours en grande difficulté.
Stopper l'hémorragie
Réagissant à ce rapport, Claude Cochonneau, président des chambres d’agriculture (APCA), a d’ailleurs indiqué, dans un communiqué, que «dans le contexte actuel de deuxième année consécutive de crise, une véritable coopération doit émerger entre les différents acteurs des filières. Le jeu concurrentiel et/ou les relations conflictuelles perdurent entre les agriculteurs, le secteur industriel et la distribution, et continuent de causer un préjudice insoutenable pour les agriculteurs».
Même son de cloche du côté de la FNSEA pour qui «l’exigence de transparence est impérative pour contribuer à des règles du jeu équilibrées» et ce à tous les maillons de la chaîne. Le syndicat estime que «ceux qui ne jouent pas le jeu sont évidemment suspects!». Quant à «la déconnexion entre les prix des produits agricoles et les prix à la consommation de plus en plus flagrante», la FNSEA estime que «c’est un défaut majeur de la LME qu’il faudra corriger» et demande aux politiques de «stopper l’hémorragie avant que des pans entiers de notre agriculture ne disparaissent». Selon la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, le monde agricole aurait perdu une valeur de 2,5 milliards d’euros pour ce qu’il produit.