La nouvelle assurance climatique est-elle mort-née ?
Quelques mois après la mise en place du fameux contrat socle d’assurance agricole, le constat est amer: les agriculteurs n’ont que peu souscrit à l’assurance. Pourtant, les événements de l’année mettent en lumière l’absolue nécessité de se prémunir face aux aléas climatiques.
«L’année 2016 a mis en évidence les problématiques du système assurantiel», estime Joël Limouzin, responsable du dossier gestion des risques à la FNSEA. Si les acteurs du milieu agricole sont unanimes sur le besoin de prendre les devants face à l’éventuelle survenue d’aléas climatiques, le paradoxe réside dans le fait que pour 2017, les agriculteurs risquent d’être encore plus réticents à recourir à l’assurance. Parce qu’ils se montrent déçus du contrat-socle tel qu’il est mais, surtout, pour des raisons financières.
Leurs trésoreries sont au plus bas, et pourtant, les tarifs des assurances devraient augmenter en 2017 pour compenser l’intervention des réassureurs privés, sollicitée par les assureurs. Un cercle vicieux qui pourrait alors s’instaurer: avec un nombre d’assurés en recul, les contrats d’assurance coûteront de plus en plus cher, et ainsi de suite. Il faut alors trouver une solution pour inciter les agriculteurs à s’assurer.
L’hypothèse d’un critère de qualité
Certains agriculteurs s’interrogent sur la pertinence de la mise en place d’un critère “qualité”, pour donner plus d’attractivité aux contrats d’assurance. Les producteurs qui s’assurent actuellement en fonction d’un volume de production moyen, pourraient ainsi être indemnisés lorsque la qualité des cultures est décevante. Une idée «à prendre avec des pincettes», selon Joël Limouzin, car elle pourrait «inciter à la médiocrité».
Même constat chez Groupama. «Nous sommes prêts à discuter de critères de qualité assurables, affirme François Schmitt, président délégué de la fédération nationale Groupama, mais seulement pour les critères exogènes à la technicité agricole». En d’autres termes, les assureurs ne veulent pas se porter garants du savoir-faire des agriculteurs.
Entre incitation et obligation
Pour contrer le frein économique, une augmentation de la subvention accordée aux agriculteurs qui s’assurent serait la bienvenue. Aujourd’hui promise à 65% de la cotisation, la subvention, financée par des fonds européens, est finalement souvent inférieure. Pour assurer l’intégralité de la surface agricole française avec une prise en charge des cotisations à 80%, il faudrait multiplier par huit les fonds publics consacrés à l’assurance, affirmait-on à l’Assemblée permanente des chambres d’agriculture le 7 septembre.
Une hypothèse inenvisageable sans une augmentation du budget de la PAC ou, plus probable, un transfert des crédits européens du premier pilier vers le second. Pourtant, les organisations agricoles le savent: compter uniquement sur une augmentation des subventions publiques pour inciter à l’assurance serait utopique. Pour diminuer les tarifs des assurances, une seule solution: augmenter le nombre de contrats souscrits et permettre une plus large mutualisation des coûts.
À la FNSEA, la question du caractère obligatoire de l’assurance fait son chemin. «Il faut ouvrir le débat sur un système d’assurance obligatoire», affirmait Xavier Beulin le 1er septembre à Lamotte-Beuvron. Le président de la FNSEA compte bien mettre le sujet sur la table à l’occasion des négociations européennes quant à la future PAC.
Assurance obligatoire: le débat est ouvert
De leur côté, les syndicats minoritaires semblent peu convaincus. «Il faut arrêter de dire que l’assurance ne peut pas être obligatoire», affirme Guy Vasseur. Le président de l’APCA tempère: «Je ne sais pas s’il faut utiliser le terme “obligatoire”». Mais, dans l’absolu, il partage l’idée de Xavier Beulin et conseille de s’inspirer des modèles d’Amérique du Nord où les banquiers refusent les prêts aux agriculteurs non-assurés.
Joël Limouzin estime quant à lui qu’«il faut aller vers l’assurance obligatoire» qui conditionnerait l’obtention des aides européennes. Il s’agirait d’obliger à la souscription d’un contrat de base, dans la philosophie du contrat-socle, et de permettre aux agriculteurs demandeurs de se protéger davantage avec des options supplémentaires adaptées aux productions ou zones géographiques.
Même ces contrats plus protecteurs pourraient être proposés à des tarifs attractifs dans la mesure où tous les agriculteurs financeraient le système de base. «Les parlementaires européens commencent à y penser», affirme Joël Limouzin. Le sujet est lancé, mais le chemin semble encore long. «Si on veut une assurance efficace, il faudra y consacrer un certain nombre de moyens. Le débat va être féroce» a prévenu Xavier Beulin le 1er septembre.