La solidarité céréaliers/éleveurs se met en marche
Le fonds de modernisation céréaliers-éleveurs vient de voir le jour. Ce fonds vise à soutenir, par l'investissement, les élevages et leurs filières pour gagner en compétitivité. Sa dotation, prévue en fin de campagne, reste cependant incertaine
Au matin du 23 octobre, l'association Intergrains, qui gérera le fonds de modernisation céréaliers-éleveurs (FMCE), anciennement fonds de solidarité, a été créée. L'accord de constitution du FMCE a ainsi pu être signé dans ce cadre par les associations générales des producteurs de blé et de mais (AGPB, AGPM), Coop de France et la Fédération du négoce agricole (FNA).
«Par ce fonds, nous souhaitons encourager la compétitivité des élevages par des aides structurelles», a indiqué Philippe Pinta, président de l'AGPB, lors d'une conférence de presse le 23 octobre à Paris. L'objectif est de moderniser les bàtiments d'élevage, mais aussi de soutenir l'investissement, notamment dans les outils de transformation des productions animales, ceux-ci risquant de disparaître si l'activité des éleveurs se réduisait.
Développer la contractualisation
Selon Philippe Pinta, il est aussi question de développer la contractualisation inter-filières. Le FMCE pourrait ainsi soutenir la création de contrats d'approvisionnement entre céréaliers et éleveurs, mais aussi jouer le rôle d'une caisse de sécurisation dans le cadre de contrats avec l'aval. L'idée serait, par exemple, d'étendre à d'autres productions le système existant en aviculture de reprise par l'aval des produits animaux à un prix fixé en fonction des coûts de production.
Montrant d'ailleurs l'importance des inter-relations entre céréaliers et éleveurs, Philippe Pinta a indiqué que «les fabricants d'aliments pour porcs et volailles ont acheté 1 million de tonnes de céréales en moins en 2011 qu'en 2001-2002». Il s'est inquiété qu'entre 2001 et 2011, les productions de porcs et de volailles en France aient respectivement baissé en volume de 14 et 17%, alors qu'elles progressaient de 37 et 69% en Allemagne, et de 16 et 14% en Espagne.
Baisse de compétitivité
Selon Philippe Pinta, en France, un manque d'investissement chronique dans les structures d'élevage depuis plusieurs années a participé à la baisse de compétitivité du secteur. Le FMCE pourrait ainsi soutenir la modernisation de ces structures afin, notamment, d'optimiser les indices de consommation d'aliments par les animaux.
Afin d'allouer les aides du FMCE, un «comité d'engagement» sera mis en place prochainement. Il définira les types d'actions à mener. Ce comité sera constitué de quatre collèges: celui des producteurs de grains (AGPM, AGPB), celui des éleveurs avec les fédérations nationales bovine, laitière, porcine et de l'aviculture (FNB, FNPL, FNP, CFA), celui des collecteurs de grains (Coop de France et FNA) et du Syndicat national des industriels de l'alimentation animale (SNIA), et enfin celui des syndicats à vocation générale, dont feront partie la FNSEA et les JA.
Démarche volontaire
Les organisateurs du FMCE, majoritairement affiliés à la FNSEA, ont même indiqué que le comité serait ouvert à la Confédération paysanne et à la Coordination rurale. Cependant, la Confédération paysanne a indiqué ne pas être au courant de cette ouverture, et la Coordination rurale a refusé d'y entrer. La Fédération française des producteurs d'oléagineux (FOP) se dit favorable à la démarche, mais n'en est pas signataire pour le moment.
Pour constituer ce fonds, dont le montant pourrait aller de «zéro à cent millions d'euros» selon Christophe Terrain, président de l'AGPM, «un seul appel de fonds sera réalisé en fin de campagne 2012-2013», a indiqué Philippe Pinta. Une date tardive, qui n'empêchera pas les éleveurs de soumettre d'ici là des dossiers au comité d'engagement. L'appel de fonds en fin de campagne est ainsi justifié par le fait que les céréaliers ont déjà commencé à livrer des volumes engagés auprès des organismes stockeurs, et que des différences de commercialisation entre prix ferme et prix de campagne existent.
Par ailleurs, cet appel à cotiser, de 2 €/tonne collectée, sera volontaire et non pas obligatoire, en raison d'une incompatibilité avec les règles européennes. «La FNSEA va tenter de vendre la mesure sur le terrain», a indiqué son président Xavier Beulin. Il a d'ailleurs déclaré que des questions juridiques et fiscales au sujet des cotisations volontaires et du FMCE sont actuellement en discussion avec Bercy. L'idée de défiscaliser la cotisation des agriculteurs a ainsi été proposée par Xavier Beulin au ministère des finances.
Alléger les charges
Le président de la FNSEA a également tenu à indiquer qu'un coup de pouce réglementaire sur la modification du régime des dotations pour aléas ou des déductions pour investissements (DPA, DPI) serait souhaitable. En effet, selon Xavier Beulin, ces modifications permettraient aux agriculteurs de constituer des provisions pour risques de charges, et seraient une contrepartie à obtenir de la part du gouvernement pour se donner les moyens d'améliorer la compétitivité de l'agriculture française.
Selon Philippe Pinta, «le problème de l'élevage français n'est pas d'abord le prix des matières premières végétales. L'aliment du bétail étant historiquement moins cher en France que dans les autres pays européens». Cependant, l'indice Ipampa de l'Insee, qui porte sur les coûts de l'alimentation animale en France, a atteint son plus haut niveau, depuis sa création en 2005, à 153,3 points au mois d'août dernier.
Pour Xavier Beulin, «ce dispositif (FMCE) permet de prendre conscience qu'une tonne de céréales sur deux produites en France est à destination de l'alimentation animale». Selon lui, «le FMCE témoigne d'un engagement historique marquant la solidarité et l'interdépendance des filières végétales et animales en France, reste à lui donner du contenu».