La sortie du glyphosate d’ici trois ans, une gageure économique ?
L’interdiction du glyphosate d’ici trois ans, promue par le gouvernement, est possible à condition de trouver des méthodes alternatives à un coût raisonnable d’ici là. Une gageure pour les intervenants d’une table ronde sur le sujet, organisée le 23 mars par l’Association française des journalistes agricoles (AFJA) et l’Association des journalistes de l’environnement (AJE).
L’Association française des journalistes agricoles (Afja) et l’Association des Journalistes de l’Environnement (AJE) ont organisé leur premier débat conjoint sur le thème de la sortie de l’usage du glyphosate, le 23 mars. Après la publication en 2015 d’un rapport du CIRC classant le produit comme «cancérogène probable», l’Union Européenne a prolongé en 2017 son autorisation pour cinq ans, alors que le gouvernement français décide d’en sortir d’ici trois ans. Or les alternatives à l’usage de la première molécule utilisée en France sont aujourd’hui très limitées.
Xavier Reboud, co-auteur pour l’Inra d’un rapport intitulé «Usages et alternatives au glyphosate dans l’agriculture française», commandé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation, a commencé par rappeler les effets du produit, herbicide total et systémique qui permet de nettoyer les sols. Il est, par exemple, utilisé pour la culture du lin ou des noisettes. «En viticulture, on l’utilise dans les zones escarpées, car il est très difficile d’y travailler la terre avec des outils, certains agriculteurs en sont donc dépendants», explique le directeur de recherche à l’Inra.
Les acteurs agricoles à la recherche de solutions
Dans l’agriculture de conservation des sols, il est un «outil au service des résultats», affirme Benoît Lavier, agriculteur utilisant le glyphosate et président de l’Association pour la promotion d’une agriculture durable (Apad). «Faire un couvert végétal nécessite, au préalable, d’avoir un sol propre», explique-t-il. L’agriculteur, engagé avec son association dans la réduction des intrants, ne voit donc pas l’intérêt de remplacer le glyphosate par un autre produit chimique. Autre problème, le principe de la conservation du sol est de ne pas être travaillé la terre, l’alternative mécanique n’est donc pas envisageable pour notre agriculteur.
Les solutions pourraient peut-être venir du biocontrôle. C’est-à-dire les agents et produits qui interagissent avec les fonctions naturelles des plantes. «C’est aujourd’hui un micromarché en France, qui représentait en 2016 environ 110 millions d’euros», prévient Denis Longevialle, secrétaire général d’IBMA France. À l’heure actuelle, ces types de produits s’adressent davantage à l’agriculture spécialisée qu’aux grandes cultures, qui sont justement celles qui utilisent le plus le glyphosate.
De plus, les herbicides sont le «parent pauvre» du biocontrôle explique Denis Longevialle : «on a quelques solutions mais elles ne sont pas comparables à ce produit, notamment dans leur capacité de pénétration de la plante». La recherche a encore besoin d’être poussée dans ce domaine. Mais Roger Genet, directeur général de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire Alimentaire (Anses), estime aussi les demandes de mise sur le marché de ces alternatives difficiles à évaluer. «On a beaucoup de dossiers trop pauvres pour évaluer si ces produits peuvent représenter un danger immédiat pour l’homme ou l’environnement. Certains considèrent que comme ils font des produits végétaux, il n’y pas de problème», déplore-t-il.
Possible perte de compétitivité
Pour Roger Genet, la priorité doit être donnée à la recherche et il faut accompagner davantage le biocontrôle. Denis Longevialle reste optimiste, notamment avec le lancement du Contrat de solutions, lancé par la FNSEA, en partenariat avec 35 organisations agricoles et de recherche, dont l’IBMA fait partie. «La solution est dans les combinaisons et aujourd’hui tous les acteurs apporteurs de solutions sont autour de la table», assure-t-il.
Xavier Reboud, directeur de recherche à l’Inra, estime, quant à lui, que la question n’est pas tant de savoir s’il y a des alternatives, mais surtout de savoir si «elles peuvent être efficaces économiquement pour les agriculteurs et ne pas leur faire risquer de se retrouver face à une concurrence déloyale par manque de productivité».