La viande bovine sera-t-elle la variable d’ajustement de l’accord avec le Mercosur ?
Les ministres de l’agriculture de l’UE se sont retrouvés le 9 octobre à Luxembourg pour faire le point de la situation des marchés, et discuter, une nouvelle fois, des propositions de la Commission concernant les négociations de libre-échange avec le Mercosur.
Le conseil agricole de l’Union européenne a débattu, le lundi 9 octobre à Luxembourg, de l’évolution des marchés, comme il l’avait fait la dernière fois en juin. Inquiète, notamment, pour le secteur de la viande bovine, la France a abordé en points divers, comme cela avait été également le cas en juin, le problème des négociations de libre-échange menées par la Commission européenne avec le Mercosur, soutenue en cela par l’Autriche, la Belgique, la Hongrie, l’Irlande, le Luxembourg, la Pologne, la Roumanie, la Lituanie, la Slovénie et la Slovaquie.
Le ministre de l’agriculture Stéphane Travert a réaffirmé que la France était opposée à la proposition de Bruxelles d’accepter l’entrée sur le continent de 70.000 tonnes de viande bovine par an venant du Mercosur, dans le cadre de négociations sur un accord commercial. En effet, le ministre souhaite que les filières françaises ne «soient pas des variables d’ajustement des accords sur le Mercosur». D’autre part, une autre concession a été faite par l’exécutif européen sur 600.000 tonnes d’éthanol (lire également en zoom ci-contre).
À l’inverse, huit autres États membres — Allemagne, République tchèque, Danemark, Italie, Portugal, Espagne, Suède, Royaume-Uni — ont affirmé, dans une note commune également, que «reporter l’inclusion de quotas pour certains produits sensibles (bœuf et éthanol) dans l’offre enverrait un message très négatif en ce qui concerne l’importance que l’UE attache à ces négociations».
Bruxelles se justifie
«Nous ne pouvions pas avancer dans les négociations sans une offre crédible sur ces deux produits», a justifié Phil Hogan devant le conseil agricole. Une offre qui, au demeurant, a «déçu» les partenaires sud-américains, a noté le commissaire à l’agriculture, conseillant toutefois à ceux-ci de «modérer leurs attentes». Leurs exportations de bœuf dans l’UE (230.000 tonnes) représentent déjà 75% du total des importations européennes, a-t-il rappelé, soulignant aussi que l’offre de Bruxelles a été mise sur la table «en dépit des inquiétudes quant à la qualité des viandes suite au scandale des inspections» au Brésil.
Professionnels et députés européens sont montés au créneau contre la proposition de la Commission. C’est le cas notamment du président du groupe de travail viande bovine du COPA-Cogeca (organisations et coopératives agricoles de l’UE), Jean-Pierre Fleury, qui juge «incompréhensible que la Commission inclut le bœuf dans l’offre au Mercosur alors que les enquêtes dans le scandale de la viande brésilienne n’ont pas été conclues» (lire ci-dessous). Selon lui, le contingent de 70.000 tonnes «équivaut à 1,7 million de vaches allaitantes dans l’UE».
En Irlande, une manifestation d’éleveurs s’est déroulée le 4 octobre devant les bureaux de la représentation de la Commission européenne à Dublin. Au Parlement européen, les députés français Michel Dantin et Angélique Delahaye (groupe PPE) déplorent que la Commission ait «perdu tout sens des réalités dans son obsession de sécuriser un accord avec le Mercosur», tandis qu’Éric Andrieu (groupe socialiste) assure que l’exécutif de l’UE «envoie la filière bovine à l’abattoir».
Bovin et éthanol : de nouveaux contingents d’importationLes nouveaux contingents tarifaires d’importation proposés par la Commission européenne au profit du Mercosur, qui seraient mis en œuvre graduellement sur six ans, s’élèvent pour la viande bovine à 70.000 tonnes (équivalent poids-carcasse) au droit de 7,5%, dont 35.000 tonnes de viande fraîche (partagées entre le Hilton beef et la viande de jeunes bœufs élevés en pâturage) et 35.000 tonnes de viande congelée (partagées entre utilisations industrielles et autres fins).
Pour l’éthanol, ce contingent est de 600.000 tonnes, dont 400.000 tonnes pour l’industrie chimique au droit de 3,40 €/hl, et 200.000 tonnes pour les biocarburants au droit de 6,40 €/hl. |