L’accord UE/Mercosur a du plomb dans l’aile
L’Union Européenne et le Mercosur avaient conclu, le 28 juin 2019, un accord commercial prévoyant la suppression de 91% des taxes à l‘importation ce qui devait favoriser de façon très conséquente les échanges commerciaux entre les deux régions. Mais un an plus tard, rien ne semble plus aller…
«Nous, les ministres de l’Agriculture (des 27) sommes très très sceptiques [sur la ratification de l’accord]. Et je peux véritablement parler pour pratiquement chacun des ministres présents ici», a indiqué la ministre allemande, Julia Klöckner, peu avant l’ouverture d’une réunion informelle des ministres de l’Agriculture et de la pêche des États membres de l’UE, le 1er septembre à Coblence (Allemagne).
La cause de ce pessimisme ? La politique de déforestation qui est encouragée et pratiquée de manière massive par le gouvernement brésilien. En effet, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE) brésilien, organisme public chargé de mesurer la déforestation en Amazonie, celle-ci s’est accélérée de 25% au premier semestre 2020. Pas moins de 3.069 km ont été entièrement déboisés, dont 1.034 km dans le seul mois de juin. Pour les défenseurs de l’environnement, l’année 2020 pourrait être la plus dévastatrice pour la forêt amazonienne, «pire que l’année 2019.» Ces chiffres soulèvent des questions sur l’engagement du chef de l’État, Jair Bolsonaro, à protéger l’Amazonie, dont plus de 60% se trouvent en territoire brésilien.
La déforestation brésilienne à l’index
«Nous voyons au Brésil que la forêt est brûlée pour laisser place à des terres agricoles aussi rapidement que possible» et dont les cultures «sont alors vendues sur nos marchés […] où nos agriculteurs sont incapables de rivaliser. […] C’est une distorsion de la concurrence», a insisté Julia Klöckner. Une telle politique semble en tout cas incompatible avec les orientations récemment prises par l’Union européenne, qui a mis en place, pour son Green deal, les stratégies “Biodiversité 2030” et “de la ferme à la fourchette”.
Déjà le 21 août, la chancelière allemande Angela Merkel avait émis de «sérieux doutes sur l’accord commercial», mettant à l’index la politique de Jair Bolsonaro avec sa «déforestation continue». Peu de temps auparavant, les parlements belge et néerlandais avaient rejeté l’accord de l’Union européenne avec le Mercosur.
Intérêts écologiques
Cet accord prévoit qu’à terme, 91% des taxes à l’importation imposées par le Mercosur aux pays européens seront supprimées, notamment pour les fromages et produits laitiers de l’Union européenne. Le Mercosur s’engage aussi à protéger 357 indications géographiques européennes, comme le jambon de Parme ou le champagne.
En contrepartie, l’Europe ouvre un quota de 99.000 tonnes de bœuf par an avec un taux préférentiel à 7,5% de taxes, un quota supplémentaire de 180.000 tonnes pour le sucre et un autre de 100.000 tonnes pour les volailles. De plus, l’UE éliminera 92% de ces taxes pour les produits en provenance de pays du Mercosur. Cela concerne notamment le vin (27%), le chocolat (20%), les spiritueux (20 à 35%), les biscuits (16 à 18%), les pêches en conserve (55%), les boissons gazeuses (20 à 35%) et les olives. Concernant les produits agricoles, plusieurs taxes du Mercosur seront éliminées.
En l’état, cet accord représenterait une économie de plus de 4 milliards d’euros par an pour l’Union européenne. L’Allemagne, qui préside le Conseil des ministres européen durant le second semestre 2020, avait beaucoup à gagner dans cet accord. En effet, ce projet est très favorable à son industrie automobile. Elle semble aujourd’hui vouloir faire machine arrière. Au nom des intérêts écologiques.