L’agriculture du monde s’expose à Milan
Logé au cœur d’un incroyable dédale de voies rapides, le site de l’Exposition universelle de Milan (Italie) se présente comme une allée de 1,5 kilomètre bordée des pavillons des pays participants.
«Le pavillon est un message au monde entier: celui de concilier la sécurité alimentaire et l’enjeu de la durabilité agricole et industrielle», a déclaré Stéphane Le Foll, lors de l’inauguration du pavillon de la France à l’Exposition universelle, le 1er mai à Milan. La rencontre des produits traditionnels et de la modernité est frappante. Trois ministres avaient fait le déplacement pour l’inauguration. Aux côtés de Stéphane Le Foll, Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, et Ségolène Royal, ministre de l’écologie, portaient le même message sur le modèle alimentaire français: «On réinvestit l’idée du temps passé à table».
Le 20 juin, la journée de la France à l’Expo de Milan devrait être l’occasion de faire valoir, à nouveau, ce modèle français. «Nous ne sommes pas donneurs de leçons. On ne va pas dire “le bio, c’est mieux” et “l’industriel, c’est moins bien”. Il faut de tout», affirmait Alain Blogowski, conseiller scientifique au commissariat général de la France pour l’Exposition universelle de Milan 2015, lors d’une conférence organisée par l’Association française des journalistes agricoles (AFJA) à Milan, la veille de l’inauguration.
La France joue la carte de la diversité
Le pavillon français est loin d’être un des plus imposants par la taille. Il invite les visiteurs à entrer dans un marché couvert tout de bois. L’ambiance de bazar met en avant tant des productions agricoles (maïs, blé, poissons, vins) que des produits transformés. C’est la diversité de l’alimentation qui marque. La valorisation des acquis et de la tradition n’occupe pas tout le pavillon. L’innovation est aussi présente avec un espace dédié aux drones. Airinov, jeune société française, tête de file du drone au service de l’agriculture, «défendra la technologie Made in France » à Milan.
Les pavillons du continent américain envoient un message très différent. L’Argentine détonne. Deux silos à grains géants font de l’ombre aux voisins. Le pays n’est pas entré dans la surenchère de créativité architecturale dans laquelle se sont engagés bon nombre de pays. L’Argentine va droit au but. Une des responsables du pavillon essaie d’attirer les visiteurs à l’intérieur: «Venez à l’intérieur, venez visiter!». La réponse est évidente, mais pour en avoir le cœur net: «Quel est le message de l’Argentine au monde?». La dame s’exclame: «On va nourrir le monde!».
Invitation à passer à table
Le pavillon brésilien situé à l’autre bout du site véhicule le même message, même si l’architecture du pavillon le montre peu. Un immense cube sans fond en bois est posé sur l’espace brésilien. À l’intérieur, un filet divise l’espace en deux étages. La responsable du pavillon traduit l’intention: «Le filet représente le tissu des agriculteurs brésiliens qui couvre le pays». Elle poursuit: «Bien sûr, nous avons une vocation exportatrice».
Les États-Unis, eux, étonnent un peu. D’un côté, le message officiel est «uni pour nourrir la planète». De l’autre, le message que renvoie le pavillon est différent. L’Oncle Sam semble vouloir se débarrasser de l’image de la malbouffe et du fast-food qui lui colle à la peau. Un drapeau immense en dur se dresse à l’entrée du pavillon. Les étoiles du drapeau ont été remplacées par un symbole d’une assiette et de couverts. «À table!» semble dire cette construction. À l’intérieur, l’endroit est minimaliste. Les plus grandes «attractions» sont des écrans plats où l’on aperçoit le couple présidentiel. Le message alimentaire n’est pas évident. En tout cas, le modèle alimentaire 2.0 affiché par les États-Unis reste à définir.
La Russie semble aussi très impliquée dans sa fonction de «producteur alimentaire mondial». C’est la position officielle du pays. Mais le pavillon entend faire la démonstration scientifique de cette fonction. À l’intérieur, les murs sont recouverts du tableau périodique des éléments chimiques. Certains atomes sont remplacés par des photos de légumes, de produits alimentaires. Au centre, un assemblage de verreries de laboratoire est éclairé par des néons bleus. Au fond, une bibliothèque débordant d’ouvrages scientifiques accompagne le visiteur vers la sortie. Georgy Kalamanov, commissaire général du Pavillon, explique: «Nous voulons célébrer les énormes contributions de la Russie dans les domaines de la science et de l’agriculture».
Le monde agricole du futur
Le Koweït, le Qatar et les Émirats montrent au monde leur capacité à innover et donnent en spectacle leurs motivations. Ils ne seront pas la cinquième roue de la charette. De fait, le pavillon du Koweït met en scène les conditions naturelles extrêmes auxquelles les agriculteurs sont confrontés. Un faux désert, agrémenté de quelques fontaines minimalistes, illustre le milieu naturel peu fertile. Les visiteurs sont nombreux à vouloir visiter le pavillon. Après la grande traversée, le Koweït dévoile derrière une immense double-porte, un espace grandiose et vitré tapissé de plantes vertes. Comme dans un laboratoire, les plantes semblent pousser à même l’eau.
Une maquette géante occupe la moitié de la surface. Le Koweït dévoile un désert recouvert d’éoliennes, de panneaux photovoltaïques, une baie habitée par des gratte-ciel lumineux. Le pays voit loin: l’agriculture est en pleine construction. Le message est clair: le pays ne subit pas son milieu naturel. Au contraire, il devient le moteur de l’innovation.
Enfin, il y a les absents. Le continent africain (hors Afrique du Nord) est peu représenté. Les États africains ne sont pas totalement absents, mais leur place dans la carte agricole du monde reste floue. L’Inde, également, est une grande absente. Cette absence est liée à des problèmes diplomatiques entre Rome et New Dehli. L’Expo doit se poursuivre pendant six mois. Les organisateurs attendent 20 millions de visiteurs.
En savoir plus sur le site officiel de l'Expo universelle de Milan