L'agriculture, objet de débat électoral
Il n'échappe à personne que, bientôt, les citoyens français vont être appelés aux urnes ! Dans la perspective de ces élections, colloques, conférences et autres échanges entre élus ou candidats de tous bords se multiplient. Dans ces discussions, « l'agriculture est-elle encore un enjeu politique ? » Cette question constituait précisément le thème du débat organisé le jeudi 9 février 2012 par la coopérative Euralis en prolongement de son assemblée générale.
De gauche à droite : Christian Pées, président d'Euralis, Alain Rousset, président de la Région Aquitaine, Alain Lamassoure, député européen et Jean-Jacques Lasserrre, sénateur. © Le Sillon
Alain Lamassoure, député européen UMP des Pyrénées-Atlantiques, Jean-Jacques Lasserre, sénateur Modem des Pyrénées-Atlantiques et Alain Rousset, président PS de la région Aquitaine sont ainsi venus préciser leurs positions sur trois dossiers d'importance: le foncier agricole, la gestion de la ressource en eau et la PAC post-2013. S'il ne fallait pas s'attendre à de grandes révélations sur des thématiques aussi vastes, le débat a au moins permis à chacun d'apporter des éléments d'information et de préciser leurs priorités d'intervention.
Pour Alain Rousset, l'étalement urbain - mais aussi les parcs photovoltaiques - est bien plus consommateur d'espaces que les infrastructures routières ou ferroviaires. Exemple: le projet de LGV sur sa partie basque équivaut à peine à 3 mois de permis de construire, assure le président de la Région qui croit aux vertus du stockage de terres et de la négociation locale pour compenser les pertes. C'est donc bien, selon lui, sur l'étalement urbain qu'il faut intervenir en priorité. Sur ce point, Christian Pèes plaide pour «des villes plus verticales» afin d'éviter l'urbanisation sur les terres fertiles, comme cela se fait aujourd'hui en Chine.
Intérêts contradictoires
Alain Lamassoure est lui persuadé que le retour à la friche est plus dommageable que l'urbanisation, citant le cas des terres de Lozère jadis cultivées et aujourd'hui inexploitées. Peut-être, mais la Lozère n'est pas les Pyrénées-Atlantiques, rétorque le président d'Euralis: le risque de déprise agricole est avant tout la conséquence de l'absence de rentabilité et de perspectives.
Quoi qu'il en soit, le foncier se situe «à la confluence d'intérêts contradictoires» entre agriculture, logement, infrastructures, environnement, observe Jean-Jacques Lasserre. Contradictoires y compris au sein même de l'agriculture. Du fait de leur attractivité, les terrains à bàtir peuvent être considérés comme une source légitime d'amélioration de revenu pour les retraités aux pensions dérisoires mais aussi un réel préjudice pour l'installation des jeunes La solution - si solution il y a - passe par la mise en place et le pouvoir accru des outils d'aménagement du territoire (PLU, SCOT) au sein desquels la profession se doit d'être présente et entendue
Rousset sans état d'àme
Deuxième sujet de débat, l'eau est un «moyen de production» admettent de concert les trois élus. Mais l'eau est aussi «un bien rare» y compris en Aquitaine, constate Alain Rousset, qui se remémore les douloureux effets de la sécheresse de l'an dernier en Gironde et Dordogne. Le président de la Région se dit ainsi favorable à l'accroissement de la ressource: «je n'ai pas d'état d'àme affirme-t-il, sur la création de retenues».
D'autant que, «que serait l'agriculture 64 s'il n'y avait pas d'irrigation?» renchérit Jean-Jacques Lasserre qui plaide pour une approche pragmatique des réalités locales. La région bénéficie d'une forte pluviométrie dont il faut tirer partie par du stockage. L'élu de Bidache estime de plus que l'agriculture est confrontée à un «excès de verdissement» et «des amalgames» qui jettent l'opprobre sur certaines cultures et certaines pratiques: en clair, le mais irrigué.
Nouvelles techniques
Guy Estrade, président du Groupement des irrigants des Pyrénées-Atlantiques, de saisir alors la balle au bond pour rappeler l'importance de l'irrigation, condition sine qua non de production pour certaines filières et pour l'économie départementale. Et de préciser aussi que dans le département, 97% des pompages s'effectuent dans des retenues et n'affectent donc nullement les nappes.
«Éviter de gaspiller l'eau»: bien sûr mais pour Alain Lamassoure concilier cet impératif avec la nécessité de résoudre le problème de la faim dans le monde suppose qu'il il faut accepter de mettre en oeuvre tout le potentiel de production que permettent les nouvelles techniques et les biotechnologies.
PAC plus verte
Cette allusion aux OGM lui servait de transition avec le troisième et dernier thème du débat: la PAC post 2013. Face à cette perspective de PAC «plus verte et plus libérale», l'un des enjeux majeurs est son financement. En la matière, le député européen en charge de la commission des budgets demande surtout de la souplesse dans l'utilisation des enveloppes afin d'éviter que les crédits non consommés soient détournés l'agriculture. Partant de là , «faisons une bonne politique agricole et les financements suivront», assure le député européen.
Une position optimiste que ne partagent pas forcément ses interlocuteurs. «Attention à ne pas trop afficher que l'argent suivra» tempère M. Lasserre. Celui-ci considère de plus que, bon gré, mal gré, le verdissement est «une nécessité». «Mais n'en faisons pas supporter les surcoûts à l'agriculture» lance le sénateur qui espère aussi que cette PAC devra contribuer à une meilleure cohabitation des différents types d'agriculture
Guy Mimbielle