Le biofioul, un nouveau débouché à explorer
Dès 2022, les distributeurs de combustibles seront prêts à proposer du fioul contenant de l’ester d’huiles de colza ou de tournesol, pour préparer la fin des installations de chaudières au fioul 100% fossile. Pour le président de la FOP, Arnaud Rousseau «C’est une excellente nouvelle et l’assurance de nouveaux débouchés pour les agriculteurs».
Saisissant l’interdiction d’installer, à compter du 1er janvier 2022, des chaudières au fioul 100% fossile, la Fédération française des combustibles, carburants et chauffage (FF3C) a présenté à la presse le 15 septembre son plan de remplacement du fioul fossile à 100% par du fioul contenant, progressivement, de plus en plus d’ester de colza, dès le début de 2022. Première étape de ce plan : les distributeurs de combustibles sont prêts à lancer une offre de biofioul à 30% d’ester de colza dès le début de 2022.
Dans le sillage de la Convention pour le climat, le gouvernement avait d’abord projeté en juillet l’interdiction pure et simple d’installer de nouvelles chaudières au fioul. Puis, s’exprimant dans la revue spécialisée Génie climatique magazine du 31 août, la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon, a déclaré que «l’interdiction visera les chaudières dont les émissions de CO2 sont supérieures à un seuil chiffré, que nous allons fixer d’ici la fin de l’année». En clair, ce n’est plus la chaudière au fioul en elle-même qui est dans le collimateur, mais le type de combustible qu’on y met. Le biofioul émet 60 grammes de CO2 par kilowattheure, contre 270 pour le fioul fossile, a indiqué Éric Layly, président de la FF3C.
Économie circulaire et locale
Outre le biofioul à 30%, les distributeurs de combustibles proposent une deuxième étape : qu’un biofioul à 10%, compatible avec les chaudières existantes, puisse être généralisé dans l’ensemble des chaudières existantes pour remplacer le fioul complètement fossile. Cette généralisation «suppose une ambition des pouvoirs publics», note la FF3C. Enfin, troisième étape : la part d’ester méthylique d’huiles de graines de colza «serait amenée à croître progressivement pour atteindre 100% à l’horizon 2040».
À l’appui de ces propos pour la décarbonation de toutes les activités, le président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip) a évoqué le plan des pétroliers pour remplacer des combustibles et carburants fossiles : par les biocarburants classiques (biodiesel et éthanol), par les huiles végétales hydrogénées, par la décomposition de la cellulose, par la méthanisation et la méthanation (fabrication de méthane par la combinaison de CO2 et d’hydrogène produit lors des pics de production électrique).
Les distributeurs d’énergies hors réseaux se sont d’ailleurs engagés «à remplacer le fioul domestique 100% fossile par un bioliquide de chauffage 100% renouvelable d’ici 2040», a indiqué Éric Layly. À l’horizon 2050, «il nous faudra, en France, environ 150 millions de tonnes de carburant liquide sous quatre formes : biocarburants, huiles végétales, carburants de synthèse et décomposition de cellulose», a pour sa part indiqué Olivier Gantois, président de l’Union française des industries pétrolières (UFIP).
Si, à partir du 1er janvier 2022, il ne sera plus possible d’installer des chaudières utilisant du fioul 100% fossile dans les bâtiments neufs ni de remplacer les anciens. Or, les consommateurs sont attachés à ce mode de chauffage et se disent prêts à passer au biofioul. Ils sont même 38% des sondés d’une étude réalisée en août par OpinonWay pour la FF3C à se déclarer prêts à payer 1 à 5% de plus pour avoir du biofioul. Toutefois, il reste à résoudre un problème de compétitivité.
Les agriculteurs sont prêts
Pour que le biofioul soit compétitif, l’organisation professionnelle portera avec la Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (FOP) le dossier de l’exonération de TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) au Parlement dès cet automne, dans le cadre de la loi de Finances pour 2021, a assuré Éric Layly.
Invité à cette présentation du plan de la FF3C, le président de la FOP, Arnaud Rousseau, a qualifié cette ouverture d’un débouché des esters méthyliques dans le fioul «d’excellente nouvelle et l’assurance de nouveaux débouchés pour les agriculteurs d’autant que nous portons l’ambition du renouvelable depuis plusieurs années».
Il a expliqué que les agriculteurs étaient prêts à répondre présents d’autant que de nombreuses cultures sont déjà transformées en agrocarburants. Ces derniers sont incorporés à faible quantité (de l’ordre de 7% en volume) dans le gazole des véhicules banalisés et jusqu’à 30% (par dérogation) dans les flottes urbaines. D’ailleurs, il a indiqué que pour satisfaire la demande de l’industrie oléagineuse il faudrait que les surfaces de tournesol passent de 770.000 ha cette année à 800.000 l’an prochain, pour compenser la maigre récolte de colza cette année.
De plus, les cultures de colza et de tournesol répondent aux critères de l’économie circulaire avec des productions de proximité. Avantage supplémentaire, les graines de colza et de tournesol, triturées et débarrassées de leur huile, participent à l’élaboration de tourteaux. «Ainsi, on répond pleinement au Plan protéines souhaité par le gouvernement», a-t-il ajouté.
Le président de la FOP a ajouté que la part du tournesol dans les surfaces oléagineuses est appelée à croître, parce qu’il avance vers le nord en raison du réchauffement du climat. Arnaud Rousseau a souligné l’intérêt du biofioul en raison de la répartition des cultures oléagineuses et des quarante usines de production d’ester méthylique sur l’ensemble de l’Hexagone. Enfin, last but not least, la protéine co-produite par la fabrication des esters méthyliques est un élément stratégique de souveraineté alimentaire, estime-t-il.