Le Brexit fera perdre à l’Union européenne 7% de son agriculture
En se prononçant pour le Brexit, la sortie de l’Union européenne des Britanniques fera perdre à l’agriculture communautaire 7% de sa production en valeur. De même, le Royaume-Uni, dont les exportations agricoles et agroalimentaires atteignent quelque 24 milliards d’euros à plus de 60% destinés à l’UE, devra se passer du soutien de plus de 3,5 milliards d’euros que lui apporte annuellement la PAC.
La production agricole du Royaume-Uni a atteint en 2015 26,203 milliards d’euros, selon les données de la Commission européenne, soit 7,1% de celle de l’UE: 9,9% pour la production animale (32,9% pour le secteur ovin), 5% pour la production végétale. Elle est assurée par 185.000 exploitations (1,7% du total de l’UE) où travaillent quelque 430.000 personnes, soit 1,2% de l’emploi total (contre 4,7% en moyenne dans l’UE). 22% de ces exploitations couvrent plus de 100 hectares, et 4,8% enregistrent un chiffre d’affaires de 500.000 € ou plus (en 2013).
Le soutien de la PAC au Royaume-Uni a atteint en 2014 3,710 milliards d’euros – soit 7,5% des fonds agricoles européens dépensés cette année-là – dont 86,1% pour les paiements directs, 1,1% pour les mesures de marché (32 millions d’euros pour les fruits et légumes et 4,5 pour le lait) et 12,8% pour le développement rural.
Fort déficit des échanges agroalimentaires
Les exportations britanniques dans le secteur agricole et agroalimentaire se sont élevées en 2014 à 23,809 milliards d’euros, soit 6,3% des ventes totales à l’étranger, dont 14,552 milliards d’euros vers les partenaires de l’UE (8% des exportations totales sur le marché intérieur) et 9,257 milliards d’euros vers les pays non UE (4,7%).
Dans le même temps, les importations du Royaume-Uni dans ce secteur ont atteint 50,123 milliards d’euros (9,6% du total), dont 37,109 en provenance du reste de l’Union (13,5% du total des achats sur le marché intérieur) et 13,013 milliards d’euros en provenance des pays non UE (5,3%).
Les échanges agricoles et agroalimentaires britanniques se sont ainsi soldés en 2014 par un déficit de 26,313 milliards d’euros – seules les boissons enregistrant un excédent global, chiffré à 5,020 milliards d'euros – dont 22,557 vis-à-vis de l’UE et 3,756 milliards vis-à-vis des pays tiers.
Un coût commercial élevé
En votant pour le Brexit, le Royaume-Uni devra passer de nouveaux accords commerciaux avec l’UE et avec les nombreux pays liés à cette dernière par un accord de libre-échange, avait relevé pour sa part le directeur général de l’OMC à l’occasion d’un discours prononcé le 7 juin à Londres.
La sortie de l’Union européenne «entraînera probablement des négociations. Dans l’intervalle, le commerce continuera, mais dans des termes très différents et peut-être plus mauvais. Il est très probable qu’il coûterait plus cher au Royaume-Uni de commercer avec les mêmes marchés», a estimé Roberto Azevedo. «En conséquence, les exportateurs britanniques risqueraient d’avoir à payer jusqu’à 5,6 milliards de livres (7,2 milliards d’euros) chaque année en droits de douane sur leurs exportations», a-t-il prévenu.
Plusieurs options
Sorti de l’Union européenne, le Royaume-Uni pourrait rejoindre l’Espace économique européen (EEE), qui réunit actuellement les Vingt-huit, l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. Cette adhésion lui donnerait accès au marché intérieur de l’UE, dont il devrait respecter les règles et normes sans participer à leur élaboration.
Le Royaume-Uni pourrait aussi, comme la Suisse, signer plusieurs accords sectoriels avec l’UE, conclure des accords de libre-échange avec cette dernière ou encore une union douanière, comme la Turquie.
Sans accord, il deviendra, pour l’Union, un pays tiers.
PAC: la fin du couple germano-britannique?
En matière politique, le président de la FNSEA, Xavier Beulin, voit dans le Brexit un bénéfice évident. «Depuis sept ou huit ans, la Grande-Bretagne et l’Allemagne se sont retrouvées sur des orientations de compétitivité et de marché, explique-t-il. Tous les instruments de la PAC, de gestion et de régulation des marchés sont passés à la trappe sous cette influence de l’Allemagne et du Royaume-Uni».
Xavier Beulin note l’étonnante capacité des Britanniques à rallier à leurs positions des personnes dans les rangs de «mes homologues allemands», mais aussi à placer leurs représentants à des positions stratégiques de l’appareil européen. Leur départ de Bruxelles pourrait laisser plus de place à l’influence française.
Un partenaire agroalimentaire de premier plan
Avec l’Irlande et les Pays-Bas, la France est le principal partenaire commercial du Royaume-Uni pour le secteur de l’alimentation. Selon les données 2015 du Defra (le ministère de l’agriculture britannique), l’Hexagone est la deuxième destination pour les exportations d’alimentation humaine et animale du Royaume-Uni, avec 2 milliards de livres (2,5 milliards d’euros), après l’Irlande (3 milliards de livres) et devant les États-Unis.
Dans l’autre sens, la France est le troisième fournisseur du Royaume-Uni (3,9 milliards de livres) derrière l’Irlande (3,9 milliards de livres) et les Pays-Bas (4,7 milliards de livres). La France a un solde positif vis-à-vis de la Grande Bretagne. D’éventuels droits de douane ou dévaluations de la livre pourraient en rendre l’accès plus difficile.
Huit à dix ans pour conclure de nouveaux accords
En visite en Irlande du Nord, Phil Hogan avait mis en garde, le 9 mai, contre le Brexit, soulignant que les paiements de la PAC représentent aujourd’hui 87% des revenus des agriculteurs locaux, 53% en moyenne dans l’ensemble du Royaume-Uni. «Il n’y a pas de garanties du Trésor» britannique de pouvoir se substituer à ce soutien, avait insisté le commissaire européen à l’agriculture, avertissant aussi que, en cas de sortie de l’UE, il faudrait au pays 8 à 10 ans pour conclure de nouveaux accords commerciaux avec ses ex-partenaires