Le chantier de la réforme de la PAC post 2020 est ouvert
Les 28 ministres de l’Agriculture réunis en conseil informel, les 30 et 31 mai à Amsterdam ont lancé les premières discussions sur l’avenir de la politique agricole après 2020. «Ce n’est qu’un point de départ des discussions» a indiqué Martin Van Dam, le ministre néerlandais de l’Agriculture qui assure la présidence du conseil jusqu’à la fin juin.
L’ouverture de cette réflexion intervient alors que la précédente réforme adoptée en 2013 a du mal à se mettre en place (le solde des aides 2015 n’a pas encore été versé) et que les dispositions qui ont été décidées à l’époque ne manquent pas d’interpeller sur une politique qui a démantelé les principaux outils de régulation.
La crise laitière actuelle en est le cruel exemple. La fin des quotas laitiers, en avril 2015, a été mal anticipée par les producteurs et les transformateurs qui ont continué d’augmenter leur production en dépit de la saturation des débouchés, le recul des achats chinois et l’embargo russe.
Simplification et dérégulation
Les Pays Bas qui jugent la PAC actuelle trop coûteuse et trop bureaucratique ont présenté un document d’une dizaine de pages pour cadrer le débat. Celui-ci plaide pour une approche «de simplification et de dérégulation», afin de réduire les charges administratives qui pèsent sur les agriculteurs. Le document persiste aussi à vouloir donner une orientation libérale. Aucune leçon n’est retenue de la crise actuelle.
Il pose d’ailleurs la question de savoir si la crise du lait et du porc «peut vraiment être appelée une crise», ou si la situation actuelle n’est pas la résultante du comportement des opérateurs qui ne réagissent pas aux signaux des prix pour ajuster leur production. La question est également posée de savoir si la PAC doit continuer à soutenir avant tout les revenus des agriculteurs ou si elle doit intégrer d’autres dimensions.
La France prend les devants
De son côté la France a été le seul pays à présenter une contribution écrite. Le moins que l’on puisse dire est que Stéphane Le Foll ne s’inscrit pas dans les orientations des Pays-Bas. Ainsi, il a expliqué que la réflexion française se voulait novatrice, sans pour autant prôner «un démembrement de la PAC». Son document en sept pages prévoit notamment une «mesure d’épargne de précaution», obligeant les agriculteurs à mettre de côté les bonnes années une partie des aides directes qui serait mobilisable les années difficiles.
Cette disposition remplacerait la réserve de crise du budget européen et donnerait à la PAC un caractère «contracyclique». Cette mesure viendrait en complément des dispositifs existants pour couvrir les risques climatiques et sanitaires et d’outils à créer ou à développer pour prendre en charge les aléas économiques (assurance chiffre d’affaires, récolte ou mécanisme de stabilisation des revenus).
Pour un verdissement renforcé
Pour le reste, l’approche française est plus traditionnelle en ce sens que le ministre s’est prononcé sur la consolidation du paiement redistributif ainsi que le maintien des aides couplées pour «soutenir de façon ciblée certaines filières fragiles, émergentes ou vertueuses». Il est également précisé que le soutien aux investissements «doit être renforcé et mieux ciblé», en particulier sur les projets collectifs et les projets permettant de «combiner performance économique et environnementale».
Sur ce sujet d’ailleurs, le ministre préconise une nouvelle approche du verdissement par l’ajout d’un quatrième critère obligatoire portant sur la couverture des sols, un soutien renforcé à l’agriculture biologique, à l’autonomie fourragère des élevages et à la compensation des handicaps naturels. D’une façon générale, le ministre estime que toutes ces mesures environnementales doivent être simplifiées et adaptées à la réalité du terrain.
En revanche il propose de passer «d’une politique d’obligation de moyens à une politique de contrat sur des objectifs et des résultats». Enfin, le ministre n’oublie pas non plus que l’élaboration de la nouvelle PAC résidera aussi dans l’optimisation d’outils existants pour favoriser une meilleure structuration des filières, le renforcement de l’organisation collective et des outils de régulation du marché et de gestion des risques.