Le dispositif du plan de refinancement des exploitations patine
Le 18 novembre dernier, Stéphane Le Foll annonçait que le dispositif de refinancement des exploitations, initialement ouvert jusqu’au 31 décembre 2016, serait finalement prolongé. Les agriculteurs pourront y recourir jusqu’au 31 mars 2017. Un report nécessaire, selon le ministre de l’agriculture, «pour que tout le monde ait le temps d’aller renégocier et demander des garanties publiques pour obtenir des prêts».
Les agriculteurs n’ont pas encore beaucoup sollicité le dispositif. D’abord par manque d’information, même si les chambres d’agriculture, syndicats et centres de gestion essaient d’organiser des réunions et d’aller à la rencontre des agriculteurs. «Comment je vais faire pour manger ce soir? Comment je cultive demain?»: telles sont les questions que se posent actuellement les agriculteurs en difficulté, explique Joël Lorillou, chef du service gestion de la chambre d’agriculture d’Indre-et-Loire. «Les annonces de l’État leur passent au dessus», constate-t-il.
Réticence à contracter de nouveaux prêts
Ensuite, les aides PAC 2015 et avances de trésorerie sur les aides 2016 sont actuellement en train d’être versées. Les agriculteurs, qui sortent, de fait, un peu la tête de l’eau ne voient plus l’urgence de demander des prêts. Cependant, ils pourraient constater, dans quelques semaines, le besoin d’y recourir, estiment les centres de gestion.
Du côté des banques, «ça freine des quatre fers!», dit-on dans certaines chambres d’agriculture. «Elles sont d’accord pour faire des restructurations, mais veulent garder la main sur l’approche de la viabilité des exploitations», affirme-t-on encore sur le terrain. En effet, il semble que les banques restent réticentes à prêter aux agriculteurs en grande difficulté, et ce malgré une garantie externe. Contactée par Agra Presse, la Fédération nationale du Crédit agricole n’a pas souhaité s’exprimer sur la question, indiquant seulement qu’elle attend les remontées de la part des caisses régionales.
«Il ne faut pas non plus qu’elles se retrouvent accusées de soutien abusif«, reconnaît de façon plus indulgente, Stéphane Lesage, responsable du pôle conseil d’entreprise à la chambre d’agriculture des Deux-Sèvres. Car il est vrai qu’une banque qui accorderait un crédit à une entreprise dans une situation irrémédiable pourrait se voir sanctionnée sévèrement par le droit bancaire.
Enfin, il faut reconnaître également que les banques sont sur le pont depuis les intempéries du mois de mai et qu’elles peuvent avoir des difficultés à gérer toutes les demandes. Un report de la date limite du dispositif pourra, de fait, leur permettre de poursuivre l’étude des dossiers dans de meilleures conditions.
La BPI fait défaut
Lors des premières annonces, le 4 octobre, le gouvernement citait uniquement la BPI comme garant potentiel des crédits pour les banques. Pourtant, les banques ont vite déchanté: la BPI ne pouvant pas se porter garante pour les entreprises ayant des fonds propres négatifs, elle ne peut pas intervenir précisément dans les cas où les banques auraient eu besoin d’elle! «La BPI n’était même pas présente au comité de pilotage» de suivi du plan de refinancement de l’agriculture qui se tenait le 25 novembre, ont témoigné les professionnels présents, estimant que la Banque publique semble bien peu encline à s’engager dans le dispositif.
Dans l’instruction du ministère du 27 octobre, apparaissait, à côté de la BPI, un autre organisme de cautionnement: la Siagi, ou société de caution mutuelle pour les petites entreprises. Et c’est finalement sur cet organisme de financement, plus souple dans son appréciation des dossiers, que semble désormais reposer tous les espoirs. «Nous travaillons depuis 15 ans avec le secteur agricole, notamment dans le Centre et dans le Limousin», explique Anne Moreau, directrice de cabinet du président de la Siagi.
Cautionnement de la Siagi
Voyant «l’urgence à agir pour les agriculteurs», la Siagi s’est engagée dans le plan de soutien. «On a limité au maximum le nombre de documents à nous fournir, explique Anne Moreau, et nous avons mis en place un circuit simplifié». Ainsi, quand la Siagi demande 4 documents et répond sous 48 heures, la BPI en exige 10 et répond — souvent par la négative — en 5 jours.
Jusqu’à présent, la Siagi a reçu une dizaine de dossiers seulement, mais elle rencontre régulièrement les trois banques les plus engagées dans le milieu agricole (Crédit Agricole, Banque populaire, Crédit Mutuel) et s’attend, au vu de leurs informations, à une recrudescence des demandes à partir de janvier/février. «On a renforcé nos équipes, on est en ordre de marche pour répondre à la demande», affirme ainsi Anne Moreau.
Mauvaises informations
Pour encourager les agriculteurs en difficulté à recourir aux prêts de renforcement des fonds de roulement ou prêts de restructuration, l’État a attribué au dispositif une enveloppe de 25 millions d’euros destinée à prendre en charge les coûts de l’emprunt garanti par la Siagi (ou la BPI) qui auraient pu peser sur les agriculteurs.
Cependant, seuls les agriculteurs qui fournissent une attestation de la baisse de leur EBE prévisionnel (excédent brut d’exploitation) d’au moins 20% (ou de l’augmentation des créances de 20% pour les CUMA) sont éligibles à l’aide. «Il faut compter au moins 500 euros pour obtenir une telle attestation d’un organisme comptable», estime Stéphane Lesage. De quoi freiner les candidats, dont les trésoreries sont au plus mal. Quelques organismes proposent cependant, au vu de la situation, de fournir ce service gratuitement.
Par ailleurs, cette aide entrant dans le cadre des aides soumises à la règle de minimis par Bruxelles, les agriculteurs qui auraient déjà atteint le plafond en la matière (15.000 euros par personne ou 200.000 euros par entreprise sur une période de trois exercices fiscaux), ne peuvent pas y prétendre.
Défaut d’information sur la procédure
Sur le terrain, on constate que les agriculteurs sont encore mal informés des procédures à suivre. Des DDTM (directions départementales des territoires et de la mer) reçoivent des dossiers de demande alors que les agriculteurs n’ont pas encore conclu de prêt avec leur banque. «Ils espèrent que cela va débloquer la situation avec la banque. Mais il ne suffit pas d’évoquer le dispositif du ministère! Il faut que la banque croie à l’avenir de l’entreprise!» rappelle Stéphane Lesage.
Lorsque, le 28 octobre dernier, la FNSEA fustigeait un plan trop «complexe, lent et sélectif», le ministère récusait fermement la critique. Un mois plus tard, il semble bien que les craintes du syndicat majoritaire se confirment. Et que le mot «simplicité» n’ait pas tout à fait la même définition dans les campagnes et au ministère de l’agriculture…